Je viens de parcourir, sans bouder mon plaisir, le dernier supplément du « Monde », dans la série
« luxe, calme, et volupté », plus précisément, le supplément « montres » livré avec le numéro daté du vendredi 8/04/2016.
Le première remarque, venant du pays horloger, est qu'un quotidien-national-de-référence qui parle de montres ne peut pas être entièrement mauvais. Et que, pour rattraper des décennies sans une seule photo, on compense donc aujourd'hui ce déficit historiquement cumulé par ce qui se fait de plus beau en matière de photos d'horlogerie, avec des prises de vues qui justifient probablement l'achat du dernier blad numérique 100 Mpix.
La deuxième remarque, c'est que « Le Monde »
a meilleur temps de faire un supplément « montres » plutôt qu'un supplément « cassoulet », parce que ça demanderait autant de boulot, et que ça rapporterait beaucoup moins.
Ceci étant posé, j'ai regardé avec un peu plus d'attention les publicités, et faisant suite à une remarque étonnante de l'un de nos lecteurs, j'ai constaté, effectivement, que les modèles féminines posant pour les prestigieuses manufactures, à une exception près (** note 1), ne sourient pas, voire : font franchement la tête, comme si ce qu'on leur demandait de faire les ennuyait au plus haut point.
Des sourires, certes, dans ce supplément du « Monde », on en trouve dans des portraits en N&B des patrons des dites manufactures, c'est normal : car jusqu'à cette année, il n'y avait que du ciel bleu au-dessus du pays de la haute horlogerie.
Et les modèles masculins ? Ils m'ont semblé moins soumis à la dictature du « surtout, ne souriez pas », une attitude neutre semblant tolérée pour les messieurs, comme sur une photo d'identité conforme aux normes de l'administration française. Néanmoins, on a un peu de mal à comprendre, portant à leur poignet (** note 2) de si beaux objets, si élégants et si raffinés, parfois l'un des rares bijoux qu'il est culturellement accepté (en Europe de l'ouest) de porter pour un homme, que leur joie ne soit pas plus communicative.
Alors on s'interroge, et je ne doute pas que nos lecteurs vont apporter ici quelques clés d'interprétation : la jeune & jolie femme souriante évoque sans doute trop la publicité étazunienne des années 1950 pour de la lessive ou du dentifrice ; dans le monde de la haute horlogerie, on doit donc prendre le contrepoint, absolument ... et cette règle d'airain du non-sourire semble également partagée aujourd'hui par ceux qui décident des publicités pour tous les autres objets de luxe ...
Vivre dans le luxe rendrait-il malheureux ?
(** note 1) dans les publicité susnommées, je n'ai trouvé qu'une seule manufacture pour laquelle une accorte jeune femme était toute souriante, et je me suis demandé si ce n'était pas lié au fait que cette manufacture, relativement récente, a décidé que ses prix resteraient abordables.(** note 2) destinée à nos lecteurs qui sont des inconditionnels de la montre de poche : à Bâle, cette année, il y avait tout de même quelques montres de poches très élégantes, présentées par une maison plus connue pour sa maroquinerie que pour son horlogerie ; mais force était de constater que le plus grand choix de montres de poche était présenté par une marque anglaise-de-Chine, à des prix bien plus qu'abordables.E.B.