Bonjour à tous,
J’ai sollicité votre aide à propos de mon projet de randonnée itinérante avec une chambre sur les chemins de Compostelle
Vous avez été très nombreux à me répondre, et outre les précieux avis qui me sont donnés, cette participation est très stimulante pour mener à bien ce projet.
J’ai démarré cela un peu de manière abrupte sans prendre la peine de me présenter et d’exposer un tant soit peu ce que pouvait être mon rapport à la photographie.
J’ouvre ce fil afin de remédier à cela.
Architecte, par ma formation initiale, j’ai commencé à m’intéresser à la photographie
en tant qu’un des champs disciplinaires connexes au travers desquels j’ai développé
une réflexion sur la conception du projet. Cette approche de la conception
s’étant développée autour de la notion de « regards », la photographie a naturellement
pris une place grandissante au fil des ans dans le processus créatif, au point de
devenir mon activité de conception principale, maintenant que j’ai arrêté de pratiquer pour me consacrer à l’enseignement du projet architectural.
Vers la fin de mes études d'architecture, alors que je tentais de m'approprier les
connaissances inculquées, j'ai commencé à me questionner sur le sens «d’être architecte». Ces interrogations m'ont conduit à saisir l'idée et à avancer l'hypothèse qu'au
delà de l'exercice d'un métier ou d'une profession, «être architecte» relevait davantage
d'un «état», d'une manière d'être au monde. Simple supposition au départ, cette pensée
s'est muée en conviction au cours des années. A mes yeux, être architecte signifie
une manière d'aborder le monde extérieur, le regarder, y être réceptif et de vivre en
fonction de cela.
Cet état conditionne mes regards sur le monde extérieur et impressionne la manière dont je tente d'en rendre compte ; dans l’architecture bien sûr, mais aussi dans mes autres modes d'expression comme l'écriture ou la photographie.
J'ai développé une approche de la conception autour de la notion de « regards"qui sont des explorations hors-champ d’oeuvres plastiques, littéraires ou musicales.
Recentrée sur mon activité photographique, cette notion de regard retrouve un
sens plus usuel, mais excède toutefois le champ de la photographie pour s’étendre
d’une manière plus générale à la notion de “point de vue”.
Ma production photographique serait fondamentalement différente si au lieu de
savoirs et savoirs-faire acquis pour pratiquer l'architecture, j'étais nourri de notions pour exercer en tant que photographe ou cinéaste.
En parallèle à ces notions de « Regards », j’étudie la figure du Ravissement comme
un élément hétérogène et perturbateur d’une modélisation du processus de la conception
architecturale. Il s’agit de rechercher et d’examiner les similitudes entre ravissement
et intuition dans un point de départ du processus de création qui touche le
concepteur plus ou moins à son insu.
Mon activité photographique s’est développée au travers de la réalisations de séries, qui sont peut-être davantage à considérer comme des périodes du fait qu’elles semblent graviter autour des mêmes préoccupations.
Certaines périodes sont beaucoup plus abouties que d’autres.
Une activité de reportage de concerts avec certaines photos publiées dans des journaux ou revues (New York Times, Magic, FrancoFans, Rolling Stones…) ou sur des sites d’artistes (Fred Pallen, Diane Cluck, …). J’ai aujourd’hui mis un terme à cette activité pour diverses raisons, dont l’une est l’aspect chronophage. J’ai tiré de cette activité une série de photos qui se démarquent de l’aspect «live» pour tendre vers le portrait. Pour ces quelques photos j’avais en tête les photos de jazz des années 50 et 60 prises durant les sessions. Dans cet esprit et de manière archétypale, je les ai produites, en N&B dans un recadrage carré, et j’ai titré la série : «Jazz session».
En parallèle au reportage de concerts, j’ai travaillé la série : «Regards sur expositions». Il s’agit d’instantanés dans lesquels je cherchais à saisir un moment particulier entre les œuvres, la scénographie et le public dans une géométrie de situation. Toutefois certaines photos n’intègrent pas la présence humaine. Si j’ai mis volontairement un terme à l’activité de photos de concerts, celle des photos d’expositions s’est mise en veille d’elle-même sans que ce soit l’objet d’une décision, signifiant par là qu’elles étaient bien liées et complémentaires un peu comme les 2 faces d’une même pièce.
Alors que cette période concerts-exposition s’achevait, j’ai commencé la série que je trouve la plus aboutie pour l’instant : «Portraits d’édicules». C’est plus ou moins à ce moment là qu’est née cette idée de randonner sur les chemins de Compostelle avec une chambre à raison d’une photo par jour.
Comme son titre l’indique, il s’agit dans cette série de portraiturer des édicules, ces petits édifices qu'on croise habituellement sur les routes et les chemins de campagne, mais également en ville. Ce ne sont pas des monuments,, mais de petites constructions dans lesquelles il est possible
d’entrer : oratoires, locaux techniques, arrêts de bus, abris agricoles, ou même
vespasiennes publiques. Une liste que je ne voulais pas figée préférant m’attacher aux
caractères déterminants de ces petites constructions.
Un travail qui, tout en se fondant sur certains principes signifiants du «style documentaire» ou de la «Nouvelle Objectivité», introduit des biais qui affichent des signes revendiquant la subjectivité.
Ce rapport que la démarche entretient entre le style documentaire et la subjectivité
rejoint par bien des aspects les travaux et réflexions que je mène sur les modélisations de la conception architecturale à des fins objectives qui seraient perturbées par des accidents émotionnels de l’ordre de l’intuition.
Une série de portraits, dans lesquels la neutralité n’est qu’apparente, mis en scène
pour rendre compte de l’édifice tel que je l'ai perçu dans son contexte, ou tel que je
l'ai imaginé alors qu'il m'interpellait.
la combinaison capteur-objectif-ouverture identique pour toute la série a été choisie (Hasselblad H4D-31 + 80mm à PO [f/2,8] et 100 ISO) pour obtenir cette image de portrait où l’édicule se détache nettement avec néanmoins la sensation de faire partie de l'environnement tant en arrière qu’en avant-plan. Je ne souhaitais pas un effet trop marqué qui risquait d’être caricatural (effet d'élévation collée sur un décor), d'autant que les édicules sont photographiés frontalement et n'ont pas de «volume».
Le ciel, la position dans le cadre, la saison, la lumière, étant au service de cette intention.
Au style documentaire appartiendraient : l’aspect sériel, la frontalité de la façade
principale, des ombres peu marquées ou encore l’emploi d’un seul couple capteur-objectif.
La subjectivité s’exprimerait par l’abandon de la netteté absolue, de celui de la recherche
d'une certaine neutralité des arrières-plans et des ciels au profit d’une complémentarité
avec l’édicule.
C’est un principe de subjectivité qui détermine le choix des édicules, dont l’insertion
dans la série est uniquement motivée par un sentiment de l’ordre de l’énamoration.
Je ne me suis donc pas astreint à un secteur géographique, à une fonction, à un
type, ou à ce qui se rapprocherait d’un travail de recensement.
Ce pouvoir attracteur est pour la plupart du temps fugace, nombre des édicules ont
été vus et ont capté mon attention alors que j'étais en voiture. Une vue fugitive qui
dans ma mémoire le place dans un environnement qui doit autant à sa situation qu'à
l'image que je m'en suis faite. Une fois l’édifice retrouvé, j'essaye de recréer mon souvenir
en le photographiant. Une confrontation qui ne fonctionne pas systématiquement
et parfois je dois abandonner.
Dans ces portraits d’édicules, il s'agit d'abord de retrouver un souvenir en face du
sujet qui l'a suscité puis de chercher le cadrage apte à rendre compte de cela. Il s’agit
d’une image aux caractères indistincts et vaporeux, fabriquée par la pensée alors que
j'étais attiré, que j'essaye de retrouver et de préciser en construisant une autre image.
L'ensemble du processus se passe dans l'illusion d'un tableau. J'emploie ce mot à dessein
me référant à Roland Barthes alors qu’il décrit le ravissement, tel une image impressionnée
dans la mémoire, et ses processus de reconstruction.
Les temps entre le moment où j'aperçois l'édicule et celui où je le photographie
sont très variables, de l’instantanéité à plusieurs mois. Les conditions de lumière, le
ciel, la saison et toutes ces ambiances qui concourent au pouvoir attracteur qui m’a,
d’une certaine manière, ravi, ne sont pas systématiquement celles que je vais rechercher
pour l’atmosphère du portrait, mais plutôt celles en conformité avec l’image, origine
du ravissement, qui s’est formée, et qui peuvent être complètement imaginaires.
Il n’est pas rare que je doive me rendre plusieurs fois sur les lieux jusqu’à ce que les
conditions, aptes à retranscrire l’image recherchée, soient réunies.
Le phénomène d’attraction est de l’ordre de l’immédiateté, mais la portraiture des
édicules s’inscrit dans une position d’attente après l’impulsion initiale, qui, dans un
déroulement réfléchi et construit, produit le protocole opératoire de la série.
Cette série devait faire l’objet d’une exposition, tout était sur les rails, les fichiers prêts à être envoyés chez le tireur et l’encadreur. Malheureusement cette expo n’a pas pu se faire. La galeriste a eu des soucis de santé durant les 2 mois précédents et n’aurait pu s’en occuper que très peu avant le vernissage et maintenant la galerie est définitivement fermée
J’avais fait une première série de 50 portraits d’édicules, dont les derniers datent d’il y a plus d’un an et depuis quelques semaines, j’ai fait quelques repérages et quelques photos afin de continuer cette série.
Toutes les photos ne sont pas encore en ligne, en voici quelques unes choisies parmi l’editing que j’avais fait avec la galeriste. Je les ai numérotées par ordre de production simplement par commodité.
Je mets les liens en espérant ne pas faire d’erreur dans leur écriture.
Normalement en cliquant une première fois on affiche la photo et en cliquant dans la photo on devrait l’avoir en pleine résolution.
Edicule #1 : Transformateur dans la campagne. Grand Millebrugge, France.
Edicule #3 : Oratoire en briques blanchies le long de la Pannekalsijde straat. De Panne, Belgique.
Edicule #8 : Oratoire en briques contre le mur d’enceinte du cimetière de Rosendael. France
Edicule #11 : Local technique sur la place Marlborough. Brighton, United Kingdom.
Edicule #12 : Local agricole près d’un cyprès le long de la D18, Domaine Rouquette. Marseillan, France.
Modifié 1 fois. Dernière modification le 05/09/18 15:52 par airV.