Souvenir de Bâle, juin 2019 Cette année 2019 je suis retourné à la foire d'art de Bâle [BS-CH] avec un éminent galerie-photoïste du Grand Est français.
Comme d'habitude, rien de changé depuis la dernière visite, la foire d'art de Bâle est organisée dans deux halles distinctes : la grande halle N°1 accueille les installations et les oeuvres monumentales ; la halle N°2, sur deux niveaux, accueille les galeristes pour l'expo-vente. La photo se trouve principalement dans la halle N°2, mais il peut y avoir des installations dans la halle N°1 avec des photos. C'était également le cas cette année 2019, mais je n'ai pas souvenir de photos marquantes. Disons que j'ai « zappé ».
Mais dans la halle N°2, tout au contraire, j'ai eu l'impression qu'il y avait plus de photos que lors de nos précédentes visites.
Comme de coutume, nous avons commencé par la halle N°2. Et comme d'habitude, le nombre d'oeuvres exposées est vertigineux. Certes, il y a en libre service, à l'entrée, des dépliants luxueux [la moindre de choses, vu le prix élevé du ticket-journée] avec des plans détaillés suisses-de-précision, mais pour cette halle N°2, quand on vous dit « galerie Schtroumpfbühl, Zürich », vous n'avez aucune idée de ce qui est exposé [et peut-être, déjà vendu, et potentiellement invisible !] chez Schtroumpfbühl !
Choses qui m'ont beaucoup plu dans cette halle N°2 :
- des tirages originaux de nos maîtres photographes vénérés du XX
e siècle [par ordre alphabétique ; liste de mémoire donc j'en oublie]
Walker Evans
André Kertesk
Dorothea Lange
August Sander
Paul Strand
Josej Sudek
Man Ray
Edward Weston
- des tirages originaux des photographes contemporains [par ordre alphabétique ; toujours liste de mémoire donc j'en oublie, en sans doute non des moindres]
Berndt & Hilla Becher
Edward Burtynsky
Jean-Marc Bustamante
Elger Esser
Andreas Gursky
Candida Höfer
Thomas Struth
Wolfgang Tillmans
De Saint Edward W. nous avons pu nous recueillir devant un tirage de poivron original
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De ces images légumières célèbres je ne connaissais que la légende, et de pâles copies sur écran. Le tirage que nous avons vu est magnifique, et fait taire toute velléité de plaisanterie stupide sur ce sujet photographique un peu étrange qu'est un poivron, dont on imagine qu'il était vert plutôt que rouge devant l'appareil de Saint Edward.
De Saint August S., un original signé du maître, tiré vers 1930, des dames travaillant dans un cirque, avec leurs enfants, devant leur roulotte.
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res.cloudinary.com]
Collé sur une espèce de papier à dessin granuleux en train de se décoller. Et ô surprise : ce tirage genre 18x24 cm est bordé d'un très fin liséré noir de moins de 2 mm de large, d'une précision helvétique ! Quel choc !
Et moi qui pensais que ce liséré noir, cette cartier-bressonnerie que je n'aime pas du tout, était liée à l'instant décisif du photo-journalisme en 24x36 !
Erreur cardinale, les cartier-bressonniens n'ont pas le monopole du liseré noir ; mais du coup je m'interroge sur la façon dont Saint August S. a procédé, j'imagine qu'il a tiré une plaque 9x12 ou 13x18 ... d'où vient le liseré ?
Concernant les contemporains, il y avait un large Gursky montrant une foule, un truc datant de l'an 2000 et qui a du mal à m'impressionner malgré le prix supposé stratosphérique de l'oeuvre en question.
Plus impressionnante [à mes yeux] est une image très récente de Thomas Struth prise au coeur des instruments du CERN ; « Alice, Cern, Saint Genis-pouilly, 2019 ». Un très grand tirage de 2m30 par 2m70.
https://www.artbasel.com/catalog/artwork/87838/Thomas-Struth-Alice-Cern-Saint-Genis-pouillyPrise avec un très grand-angulaire, elle nous laisse voir quatre coins noirs en limite du cercle-image. On peut s'approcher et scruter le tirage, la netteté est stupéfiante jusqu'à la limite du cercle effectivement illuminé, une caractéristique des optiques de chambre modernes.
Le public n'était pas indifférent à cette image, elle nous fait prendre conscience de l'extraordinaire complexité des installations de physique des particules et des hautes énergies, et nous montre ce que l'Europe unie sait faire de mieux !
Au rez de chaussée du bâtiment N°2, donc au début de notre visite, j'étais en train de m'étonner de ne pas avoir vu les habituels f....ges de g...le sans lesquels Bâle ne serait plus à la hauteur de sa réputation.
C'est tout simplement qu'au rez de chaussée de la halle N°2 on trouve en vente rien de moins que des tableaux de Picasso, de Miro, de Magritte [** note 2], des sculptures de Miro et d'Henri Moore ...
Donc pour des raisons bien compréhensibles, les gentils organisateurs ont fait monter les f....ges de g...le à l'étage, où nous fûmes servis.
Tas de sacs en plastique colorés, six lingots d'aluminium de section triangulaire bien assemblés à même le sol, distributeur automatique de cailloux à $9900 pièce, châlits de colonie de vacances [deux étages] où les sommiers avaient été remplacés par de magnifiques miroirs plans, dont l'un, celui du haut, était percé pour laisser passer une ceinture ... et d'autres f....ges de g...le que j'oublie. Dans un coin, entre deux ou trois belles oeuvres contemporaines, on voyait, bien en évidence, un frigo couvert de capsules de bière, avec un tas de bouteilles vides au sol, ce qui entretenait l'équivoque : s'agissait-il des restes de la consommation des galeristes, ou bien d'une installation à vendre ?
Je concède volontiers que je suis très intéressé par tout ce qui est sculpture contemporaine, car j'y vois souvent le fruit d'un long et patient travail manuel, j'y vois une variété de formes et de matières absolument
épatantes. Autant j'ai un peu de mal à entrer dans le monde des statues maigres de Giacometti, autant j'ai admiré sans réserve et sans rien connaître de l'artiste,
un superbe phoque de Brancusi en pierre polie, vu chez Pompidou-Beaubourg il y a près de 40 ans.Donc à Bâle, j'aime bien cette variété de sculptures en tous genres. Il y avait cette année des trucs franchement pas beaux, par exemple des espèces de collages de faux outils (vrais ou faux fers de haches, pseudo-lames de scie, prétendus marteaux, etc.) au poste à souder ; mais il y avait des trucs qui m'impressionnent, de magnifiques structures en métal poli ou en bois multiplis polis.
Certes, difficile d'échapper à un incontournable coeur enrubanné de Jeff Koons ; sans connaître l'artiste, la présence au pied de l'oeuvre d'une très placide vigile bâloise à casquette militaire montant la garde était là pour signifier aux incultes : « Attention ! Chef d'oeuvre ! »
Donc pour en revenir aux belles sculptures étonnantes, il y avait une espèce de bloc parallépipédique transparent rouge de 1m haut, partiellement évidé ; il y avait une coulure de polyuréthane de César, je trouve que ça a plutôt bien vieilli ; différents mobiles de Calder, même remarque, ils ne portent pas le poids des années. Il y avait une espèce de polyèdre en résine posé sur le sol et astucieusement éclairé par une ou plusieurs lampes ponctuelles accrochées bien haut : en tournant autour de l'objet, les différentes réfractions laissaient apparaître des couleurs changeantes par le simple effet de prisme disperseur du spectre visible associé à chaque arête du polyèdre.
À noter cette information technique indispensable, lue pendant la visite, au premier étage du bâtiment N°2 : « Limite de charge, 500 kg/m
2 ». C'est vrai qu'il y avait différentes oeuvres en acier qui ne devaient pas être loin de cette limite, mais pas de grandes tôles de 5cm d'épaisseur de Richard Serra, vues naguère chez Beyeler, mais qui étaient installées au rez de chaussée
[pas d'étage chez Beyeler à Rihen (BS-CH), tout est de plain-pied, plus un petit sous-sol].--------------------------------------------------
Nous terminâmes la journée par la grande halle N°1. Déception cette année, seul le niveau 2 était ouvert, donc pas de très grandes installations sur deux niveaux.
(À SUIVRE)
Notes de bas de page
[** note 1] Cette année 2019, nous étions sans notre mentor de Bollwiller, fin germaniste, qui sert d'entremetteur entre les timides membres du groupe GP Grand-Est et les galeristes d'outre-Rhin lorsqu'il s'agit de s'enquérir du prix d'une oeuvre.
C'est ainsi que par le passé nous avions su que pour acquérir ce beau haut-fourneau de Berndt & Hilla Becher, un impeccable tirage original de format 50x60 cm, il eût fallu débourser dans les 50 k-euro. Rien de tel cette année, pas de mentor-de-Bollwiller pour nous aider, donc timides plus que jamais, nous n'avons rien osé demander ; évidemment ce n'est pas l'envie qui nous manquait de connaître le prix d'une belle typologie de tuyauteries d'aciéries de Saint Berndt et Sainte Hilla. On fera mieux la prochaine fois.
[** note 2]
« Je ne supporte pas que Magritte me batte » disait un peintre jaloux, contemporain du grand maître surréaliste belge.
E.B.Modifié 5 fois. Dernière modification le 16/06/19 00:54 par Emmanuel Bigler.