LEE FRIEDLANDER et son grand travail sur les Monuments américains et Ansel ADAMS : 2 photographes confrontés au ZONE SYSTEM .
Nous somme là, en automne 1978, sur les traces d'Eugène ATGET à Versailles. 7 participants étaient inscrits aux cours que donnait le photographe américain Lee FRIEDLANDER à la galerie de Virginia ZABRISKIE qui était alors installée au 29 rue Aubry le Boucher, Paris 4ème. Galerie ouverte en 1977 et fermée en 1998. Y étaient exposés entre autres : E. ATGET, Harry CALLAHAN, Paul STRAND, Walker EVANS, Charles SHEELER, Ralph Eugene MEATYARD, Diane ARBUS, Berenice ABBOTT* etc.........galerie qui a aussi migré sur NEW-YORK. Ces cours là : les seuls donnés en France par Lee Friedlander.
Lee FRIEDLANDER, son rapport à Ansel ADAMS et son oeuvre :
a) sur le fond (artistique) :
A défaut d'être américains, tout les oppose. L'un nous montre un paysage édulcoré de problématiques mais tout en beauté, alors que chez Lee FRIEDLANDER s'accumulent souvent dans ses photographies des problématiques. L'un travaille principalement avec une chambre photographique, très souvent en 20.25, l'autre travaille avec un LEICA M, donc au 35 mm. Bien sûr les 2 ont aussi photographié au HASSELBLAD, Nota perso : j'emploie pour Ansel ADAMS le mot ''édulcoré'' dans le sens que lui donnait le latin médiéval en 1690 : ''adoucir''.
En restant sur le fond artistique, le sens que dégage une oeuvre en quelque sorte............... je me suis autorisé à poser à Lee FRIEDLANDER, pendant ses cours, la question suivante : quel est votre point de vue sur l'oeuvre d'Ansel ADAMS ( sachant que cette oeuvre était très avancée et sa carrière presque close.... il nous quittait le 22 avril 1984 !!!).
Voilà la réponse de Lee FRIEDLANDER : '' il n'y a que 7 photographies d'Ansel ADAMS que j'aurais voulu prendre ''....... bien sûr, parmi ces 7 photographies figurait le MOONRISE.
Là, nous étions un peu estomaqués et abasourdis. Ansel Adams...... lui qui a tant oeuvré pour conforter et renforcer l'idée de NATIONAL PARKS aux USA, lui un des pionniers... comment son oeuvre peut-elle être réduite à 7 photographies ?
b) sur le plan technique :
Les deux photographes ont une chose technique en commun : le principal de leurs oeuvres est en Noir et Blanc. Bien sûr, tout photographe utilisant un film noir et blanc a bien sûr de la reconnaissance pour Ansel ADAMs, père du ZONE SYSTEM.
Quand la question du ZONE SYSTEM fut abordée lors des cours et qu'on demandait à Lee FRIEDLANDER si cette méthode lui était familière.... voici sa réponse :
'' Il faut absolument avoir lu les 5 000 pages du Zone System élaboré par Ansel Adams ....... mais je n'en garde que 5 pages !!! .............. étonnant comme compilation, réduction, simplification !!! Mais peut-être un raccourci appliqué au 24x36 mm avec le Leica qui est souvent catalogué pour faire du snapshot, du travail à la William Klein, du street-photography à la Gary WINOGRAND ou de l'instant décisif à la Henri CARTIER-BRESSON.
Voici comment procédait Lee FRIEDLANDER :
a) avoir sur le terrain 2 boitiers ...... nous sommes là en 1978.... pour lui c'était 2 LEICA M.
b) le premier Leica... il l'utilisait à photographier lorsque la scène de prise de vue qui se présentait devant lui était très contrasté.......... le film qui en sortait, à son retour dans son labo..... était développé avec du révélateur très dilué. En conséquence les 36 négatis du film se retrouvaient au final avec un contraste normal.
c) le deuxième Leica ...... il l'utilisait pour des scènes sans ou peu contrastées . des scène souvent toutes à l'ombre ..... là était mis en oeuvre un révélateur sans dilution qui lui boostait son film. Nota : dans les deux cas il utilisait un film très employé en reportage : le TRI-X de chez Kodak.... film souple qui sait encaisser, souple et point timide pour les ombres. ...... avec une grande latitude de pose.
Voilà la question posée à Lee FRIEDLANDER : cela marche-t-il vraiment ? ......... et voici la réponse qu'il m'a donnée
Dans mon travail '' THE AMERICAN MONUMENT ", seuls 3 tirages m'ont posé des problèmes sous mon agrandisseur. Chers Internautes qui lisez ce texte, allez sur Google IMAGE et tapez le titre d'une des trois images concernées : OUR LADY, STAR OF THE SEA. MORGAN CITY, Louisiana LEE FRIEDLANDER ......... une vierge en NB vous apparaîtra sur une image carrée ( mais qui est en réalité une photographie horizontale format 24.36 dans le livre The AMERICAN MONUMENT). que me disait Lee Friedlander : " j'avais beaucoup de mal à faire ressortir le drapé de la vierge blanche exposée au soleil ".
nota perso : on peut très bien appliquer ce mini Zone System cher à Lee FRIEDLANDER avec un HASSELBLAD avec 2 DOS , voir plus ........ ou avec 2 Rolleiflex pour les argentés de ce FORUM !!!
Mais qu'est-ce : THE AMERICAN MONUMENT de Lee FRIEDLANDER ? :
C'est avant tout, 12 ans durant, un travail photographiques sur les Monuments Américains réalisé par Lee FRIEDLANDER à travers les Etats-Unis ........... avec toutes les vicissitudes que cela comportait sur cette durée là.
Lee FRIEDLANDER racontait : " quand dans la voiture (lors de mes pérégrinations photographiques), à l'arrière, mes enfants Erik et Anna somnolaient........... à chaque fois que le moteur de la voiture s'arrêtait, les enfants dans leur demi-sommeil, les yeux mi-clos, me rabrouaient et j'entendais de leur part : " encore un monument ".
Dans l'article de Patrick ROEGIERS, critique au MONDE et article consacré aux Monuments de Belfort, ayant paru chez MARVAL en avril 1994* que pouvait t-on lire au sujet de THE AMERICAN MONUMENT : " paru en 1976, cet album désormais introuvable comprend 213 photographies de plus de cent monuments américains dont certains appartiennent au patrimoine national des Etats-Unis comme le George Washington Monument ou le Mount Rushmore. Sur un ton documentaire, non exempt d'ironie, dénué de tout romantisme, Friedlander constate d'un oeil volontairement anonyme, la perturbation du paysage empli de signes incohérents dont les monuments, souvent bizarres, font partie .....................
Voyez-vous chers Lecteurs ............. ce Zone System là marche...... malgré sa transformation !!! 3 photos ( sur 213 sélectionnées ) qui ont posé un problème de tirage : chapeau l'Artiste.
LEE FRIEDLANDER sur le terrain :
Comme Lewis BALTZ, sur le terrain, et dans sa quête documentaire, les prises de vue de Lee Friedlander se faisaient avec un Leica M trônant sur son ''tripod''( pied photo) et avec un système d'attache rapide sur une simple rotule qui lui permettait une action rapide pour photographier dans toutes les directions et se détacher lestement de cette rotule quand l'action l'exigeait. Point de rotule micrométrique 3D........ ni de pied carbone en 1978.
Dans sa veste légère reposait une tout petit flash basique pour réaliser du " fill-in '' ( qui sert à déboucher les avant-plans, ce qui lui permet souvent d'équilibrer l'image... ou faire sortir avec acuité des détails ........ tout en sachant que le boitier LEICA-M ne gère point électroniquement le dosage de ce '' fill-in '' . Pour certains qui sont débutants sur ce Forum cette technique est expliquée sur WIKIPEDIA fill-in.
Pourquoi un trépied ?
Pour sortir la quintessence d'une optique LEICA et d'un film .......... et pour rivaliser timidement avec une chambre les photographes documentaires s'adjoignent d'un trépied.
Voilà un tableau que je vous propose ....... tableau reflétant les pertes de qualité avec une photographie faite à main levée :
Rappelez-vous chers Lecteurs nous sommes là avec un LEICA M ( donc sans chocs d'un miroir qui risque de diminuer la netteté ) , avec des optiques d'extrême qualité mais optiques qui ne comportent point de '' stabilisateurs internes ''.
Imaginons que notre notre film NB soit avec une résolution finale de 100 lignes/mm ........ que va-t-il en rester ? :
- à 1/1000e de seconde = il en reste 98 lignes/mm
- à 1/500e de seconde = il en reste 93 lignes/mm
- à 1/250e de seconde = 78
- à 1/125e de seconde = 53
- à 1/60e de seconde = 30
- à 1/30e de seconde = 16
- à 1/15e de seconde = 7
- à 1/10e de seconde = 5 Nota : du 1/4 de seconde à 1/125e de seconde les stabilisateurs sur vos optiques modernes vous sauveront la mise !!!
LEE FRIEDLANDER dans son labo :
Que rajoutait Lee Friedlander à sa méthode simplifiée de zone System une fois arrivé dans son labo personnel :
1) il avait fait le choix d'un révélateur simple : le D-76 de chez Kodak.
2) .......... mais avec un cahier des charges précis et qui peut sembler banal ou commun : préparer sa solution de D-76 deux jours avant son usage pour qu'elle perde un peu de sa virulence par oxydation ( nota pour les Internautes qui débutent : si on veut accélérer cette oxydation on ne remplit la bonbonne qui contient ce révélateur qu'à 3/4........ plus il y a d'air plus vite cela s'oxyde sachant aussi que le D-76 résiste bien à l'oxydation. Donc à vous de trouve la meilleure adéquation.
3) ........ les films NB réalisés avec des scènes contrastées à la prise de vue = sont développés avec un D-76 dilué.
.......... les films NB réalisés avec des scènes plates à la prise de vue = sont développés avec un D-76 non dilué.
Vous faudra-t-il donner de la pêche à vos négatifs : faîtes prendre à ces négatifs là un bain au sélénium. Attention à sa toxicité .... à faire de préférence sous une hotte de labo et munissez-vous de gants. Ne fumez-point lors de cette opération.
LEE FRIEDLANDER et ses Planches Contacts :
Vous savez, chers Lecteurs, les grands photographes sont souvent des personnes très sensibles et où l'affectif et la sensibilité au monde jouent un très grand rôle. Le laisse-t-il paraître, c'est une autre question.
C'est pour cela que Lee FRIEDLANDER, quand ses planches contact sont faîtes....... il les range et ne les consulte que 3 ans après leur création ........ pour échapper à toute relation affective au sujet.
Oui, chers Internautes, c'est ça le professionnalisme des grands Photographes américains.
Il ne vous reste donc, chers Internautes, qu'à avoir un oeil lors de vos pérégrinations photographiques.
C'est bien le photographe WOLS qui nous a averti :
'' Pour voir, il ne faut rien savoir, sauf savoir voir ''.
Bernard BIRSINGER Photographe / février 2014.
* THE AMERICAN MONUMENT par Lee Friedlander , 1976. ISBN 0-87130-043-5 ou Library of Congress Catalogue Number 76-6715. Nota perso : j'ai vu ce livre signé à Paris Photo 2010 à 2350 dollars. .......... et sur Internet, sans signature : avec un prix moindre.
* L'oeil complice , 25 préfaces sur la photographie de 1983 à 1993, chez Marval, 1994. ISBN 2-86234-149-5. ...................avec un texte sur les Monuments du Territoire de Belfort , de Patrick ROEGIERS, critique au Monde.
* Berenice ABBOTT : en 1928, la photographe américaine Berenice ABBOTT quittait Man RAY et Paris en emportant avec elle aux USA, 5 000 plaques (négatifs) d'ATGET qu'elle revendra bien plus tard au MoMA de New-York.
50 années plus tard, en 1978, elle reviendra à nouveau et pour la première fois et la dernière fois à Paris pour son expo à la Galerie ZABRISKIE. Elle avait 80 ans.
* WOLS photographe. Catalogue du Centre Georges Pompidou, 1980 , commissaire d'expo Pierre DE FENOYL ISBN 2-85850-038-X
Modifié 1 fois. Dernière modification le 02/02/14 16:33 par bernard birsinger.