Photographe aveugle

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Lorsque j'ai fait la connaissance d'Evgen et qu'il m'a dit qu'il cherchait un modèle, j'ai eu quelques doutes puisqu'il ne voit rien.
Il a sorti son matériel, m'a demandé de me mettre derrière la caméra et a pris la place du modèle.
Ensuite il m'a posé des questions: regarde, tu vois la limite du cadre là-haut ? Et en bas ?
Si tout va bien, je fixe la mise au point.
Après, il a éteint toutes les lumières, j'ai repris ma place de modèle et on a commencé à travailler dans le noir, je ne voyais rien.
Et j'ai réalisé que je me trouvais dans la même situation que lui: dans le noir complet !
C'était un art de la même nature que la danse.
Pour la première fois de ma vie, je me suis sentie aussi libre devant la caméra, comme je suis libre lorsque je danse.

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La photographie et la vision semblent inséparables. Ils se réfèrent l'un à l'autre, soit lorsque nous parlons de capturer des images, soit lorsque nous les observons. Il existe cependant des photographes qui se consacrent à ce métier même sans la capacité de voir (du moins dans le sens le plus strict et physique de ce verbe). Dans le billet d'aujourd'hui, nous vous présentons l'un d'entre eux, Evgen Bavcar, peut-être le plus célèbre de cette fascinante lignée de photographes.

Naturalisé français et originaire de Slovénie, Bavcar a perdu la vue progressivement sur une période de huit mois alors qu'il n'avait que 12 ans. Cette cécité est due à une chute, qui l'a rendu aveugle de l'œil gauche, puis à l'explosion d'une mine, qui l'a blessé à l'œil droit. Il a commencé comme photographe à l'âge de 16 ans, donc alors que Bavcar était déjà aveugle.

" Narcisse s'est noyé parce qu'il n'a pas compris qu'entre lui et l'image il y a de l'eau. Je sais qu'entre moi et l'image il y a le monde, il y a la parole des autres, une grande distance. Entre les images réelles que j'ai. Il y a une distance infranchissable de 40 ans dans mes souvenirs de la Slovénie", raconte le photographe au magazine Trópico.

Entre le photographe et l'image, le monde, les autres, les mots. De manière poétique, Bavcar explique son processus de travail - ce qui nous amène à réfléchir à d'innombrables questions liées à la photographie. Avec l'aide d'autres personnes, Bavcar obtient des informations sur ce qui se passe devant sa caméra. Il travaille généralement de nuit, en utilisant des projecteurs, afin de faciliter l'utilisation de l'autofocus - même si, dans cette situation et dans d'autres, il peut mesurer les distances à l'aide de ses mains.

Né en 1946, Evgen Bavcar a participé à plusieurs expositions dans le monde entier. Au Brésil, un livre sur son œuvre a été publié par Cosac Naify (Mémoires du Brésil, 2003), sous la direction d'Elida Tessler et João Bandeira. Il est également l'une des personnes interrogées dans le documentaire Janela da Alma (2001), réalisé par João Jardim et Walter Carvalho. Dans ses déclarations et analyses de son travail, les réflexions sur le regard et la représentation dans la photographie sont évidentes.