Avertissement : la race cycliste a son langage *, ses signes de reconnaissance. L'argot cycliste est concret et on l'apprend dans les roues et dans la sueur. Ce langage camoufle la rudesse.
Arles - Rue du docteur Fanton et la sorcière aux dents vertes :
Hélas, je vais vous décevoir pour ce projet photographique précis qu'est ''Arles - La rue du Docteur Fanton''. Je n'ai pas photographié ce fringant jeune homme, Directeur de surcroît, que je voyais chaque matin, à l'ouverture des Rencontres de la Photographie d'Arles partir en vélo ''faire connaissance de la sorcière aux dents vertes'', mais je l'ai vu faire sauter la soupape à ce moment là.
Dois-je vous décrire son vélo ? Antédiluvien, vous dis-je !
Je ne l'ai pas vu grimper comme un fer à repasser la rue qui monte vers l'ancienne école de photographie d'Arles, ni manger de la luzerne en pleine ville.
Question que je me suis posée : est-il passé à l'injection ? D'ailleurs avec son vélo antédiluvien (et même préhistorique) pouvait-il passer à l'injection ? Non, mais il pédalait avec les oreilles.
Vous pouvez vous demander s'il restait la pédale en l'air ou s'il roulait en éventail. Se plaisait-il à rouler en facteur pour ébaudir les touristes de la place du Forum ?
Une exposition consacrée à Henri Cartier-Bresson doit être montée à l'heure pour l'ouverture des Rencontres de la Photographie d'Arles, alors roulait-il sur la jante ? Ce n'est pas lui qui se faisait péter les varices : trop jeune !
Et sucer la roue : impossible pour lui, personne ne le devançait en vélo. On l'a vu faire l'acrobate place du Forum, surtout devant le café Van Gogh où stationnaient les premiers touristes venus de Chine. Déjà, quand je l'ai vu monter la première fois sur son vélo, je me demandais s'il était vacciné dans sa jeunesse avec un rayon de bicyclette ? Peu de doutes en le voyant faire.
Il ne pouvait pas être pâle des genoux, son architecte d'expo l'attendait car chaque minute de retard pour boucler une expo était cruciale. Alors il se mettait en danseuse puis mettait un coup sur la meule. Il n'hésitait pas : que dirait le Ministre de la Culture si une expo n'est montée qu'à moitié lors du vernissage des Rencontres ?
Qui l'a vu becqueter de l'aile...je vous le demande. L'avez-vous vu avoir les mains aux cocottes ? Bien sûr que non, son vélo n'en était pas équipé sinon dans la rude descente des Arènes il aurait pu couler une bielle. Il préférait chatouiller les pédales pour pouvoir compter les pavés.
Comme la plupart des coureurs du Tour de France avait-il la selle dans le trou du cul ? Vous n'aviez jamais remarqué cela, alors que les coureurs du Tour passaient dans votre ville, ça alors ! Et vous ne m'avez pas répondu ! Il m'aurait fallu
un autofocus de dernière génération pour capter cette scène qui est si courante au Tour de France. Il m'aurait fallu travailler avec la rapidité d'un Garry Winogrand... Ce n'était pas le moment de travailler avec une Deardorff 8.10 comme Richard Avedon.
En remontant des Ateliers de chez LUMA, là où l'architecte américain Frank Gehry a construit sa Tour, notre cycliste avait des braquets d'asthmatique : comme excuse, il n'était pas équipé du dérailleur de dernière génération.
Tout cela pour concourir vers un travail bien fait !
PS : mais attention, en cette année de Festival, je suis équipé d'un autofocus de dernière génération. J'ai l'oeil sur chaque vélo qui passe dans cette rue du Docteur Fanton.
* ''Expressions du cyclisme'' de Paul Fabre et Jean Bobet, éditions Bonneton, mai 2004, peut être commandé chez Actes Sud, au 47 de la rue du Docteur Fanton.
Bernard Birsinger
Modifié 1 fois. Dernière modification le 13/11/22 17:22 par bernard birsinger.
