Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
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Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto

Envoyé par Jimmy Péguet 
Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 15:09:15
Discutant off G-P de livres japonais il y a un moment avec L. - ce qui fait un peu furtif, alors nous dirons « Claude » :-) -, il en évoque un d’un photographe que je ne connais pas : « Kagirohi » de Toshio Enomoto, paru en 2008. Aussitôt recommandé, aussitôt commandé au Japon, Claude évoquant un peu trop tard la possibilité d’en trouver un exemplaire chez Eric Desachy, de la librairie Loisir et culture à Paris et de la Galerie Les Yeux ouverts à Fontainebleau. Claude rectifiera s’il passe par ici.

« Kagirohi » doit signifier quelque chose comme « la lumière juste avant le lever du jour », les japonisants corrigeront. Format carré, très bien imprimé sur un beau papier ivoire, le livre contient 98 photographies carrées divisées en trois ensembles : Sakura (les cerisiers), Kyo et Tayu (en passant, je suis preneur d’une traduction de ces deux derniers termes). Maquette classique, une photo par page, du blanc autour, un index reprenant les vignettes des photographies et les légendes de chaque image en fin d’ouvrage, une jolie postface enfin. Le texte est bilingue japonais-anglais.

Le premier ensemble, Sakura, ce sont… des cerisiers. Des cerisiers en fleurs comme je ne les ai jamais vus photographiés, dans la pénombre souvent, parfois à la lueur d’un flash.

Le second ensemble, Kyo, montre des photographies de villes, de rues, des détails urbains, murailles, portes, oiseaux saisis au flash la nuit, poissons dans un bac, un filet d’eau, quelques beaux portraits.

L’habitué d’une certaine photographie japonaise se retrouvera parfois en terrain connu : une manière très particulière de photographier les rues, un train qui passe, la nuit, la neige qui tombe, d’être attentif aux détails, deux femmes qui traversent le no man’s land autour d’une usine, un éclair derrière une vitre…

Tayu, la troisième partie, montre des images de théâtre, de comédiens. Portaits en contrejour, dans le miroir parfois, le mouvement d’une main sur une porte qui se ferme, chaussures, tentures et rideaux, costumes, détails de tissus, cierges, un éclair derrière une fenêtre encore dans l’averse du soir et pour clore le livre la chute des fleurs au bord de la rivière. Portraits de femmes, d’enfants, groupes rieurs, la plupart du temps dans un magnifique clair-obscur remarquablement rendu par la belle impression et le papier.

Sans tomber dans la japoniaiserie, comment à chaque image ou presque ne pas penser à « L’éloge de l’ombre » ?

Toshio Enomoto est né en 1947. On trouve dans ce livre des photographies faites entre 1976 et 2008 : quelque chose qui pourrait ne pas fonctionner, certaines images étant un peu classiques, « datées », caractéristiques des années 70. Mais comme dans d’autres livres japonais, le mélange prend bien. Une autre chose est souvent surprenante à nos yeux dans certains livres japonais, la juxtaposition dans le corps du livre de photographies de genres à priori très différents. Ici, la division en trois parties aide grandement à l’unité.

On aurait tort de n’imaginer ici qu’un Japon convenu. Si certaines photographies sont très classiques et statiques, elles côtoient des photographies plus « modernes », plus destructurées, un peu comme dans un autre livre, encore que les deux n’aient pas grand chose à voir sinon leur qualité d’impression, la fabuleuse réédition du « Fushikaden » d’Issei Suda au noir et blanc somptueux, que je tiens pour un des plus beaux livres de photographie en noir et blanc. Avec ces images d'époque différentes, Kagihori permet aussi d'apprécier le chemin photographique de son auteur.

Kagirohi, de Toshio Enomoto, paru en 2008 chez Heibonsha, 22x26 cm, 98 photos en noir et blanc, texte de Naomi Yanagimoto et courte postface de l’auteur. ISBN 978-4-582-27771-5. Acheté au Japon 50 euros port compris comme neuf avec son obi :-).

Le site de Toshio Enomoto.

Les photos de Kagihori à la galerie Micheko. Le regard qu’on porte sur les photographies est évidemment très différent avec le livre.

Un texte sur un autre livre pêché par hasard chez Japan exposures.

Merci Claude, c'est une jolie découverte.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 28/02/14 16:03 par Jimmy Péguet.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 16:24:11
Bonjour et merci!

Kyo et Tayu (en passant, je suis preneur d’une traduction de ces deux derniers termes).
Quels sont les kanji correspondants?
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 16:27:40
Je ferai plus tard une photo des kanjis. Les dictionnaires romaji-français eux ne renvoient rien.

Jimmy
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 18:14:17
Les kanjis :

Kyo : 京

Quelque chose comme "ville", j'imagine. Sur le site d'Enomoto, beaucoup des photos du livre figurent sous le titre "Kyoto".

Tayu : 太夫

Jimmy
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 18:22:51
Kyo : 京: la capitale.
Tayu : 太夫: interprète, raconteur.

De ce que j'ai trouvé en tout cas.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 19:40:28
Très belle découverte. Même avis sur Sakura, ça vibre, c'est transparent et puissant et léger.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 22:23:56
Jimmy, merci d’avoir mis l’accent sur Enomoto Toshio (selon la coutume japonaise, les prénoms figurent toujours après le nom patronymique, ce que je respecte ici).

Pour le « L. » furtif, il n’en est rien. J’utilise mon nom propre pour seule signature car mon prénom renie mon origine italienne ; et puis, passionné de botanique, j’ai emprunté le « L. » à la nomenclature officielle des abréviations standardisées des scientifiques, notamment celui de Linné, comme un clin d’œil (rien que ça !).

Mais revenons à nos moutons.
Kagiroshi est un style littéraire ancien qu’il convient d’écrire aujourd’hui Kagiroi (il faut prononcer i, même lorsque c’était encore écrit hi avant la Seconde Guerre mondiale). Ce mot se trouve utilisé dans le recueil de poèmes Man.Yoshu (vers la fin de l’ère Taika, soit à peu près notre VIIIe siècle).
Kagero (かぎろひ = かぎろい = かげろう = 陽炎) décrit un phénomène atmosphérique particulier au Japon dû à un fort taux d’humidité où la vapeur qui s’élève de la terre opère un miroitement avec l’air.
Il est d’autant plus difficile d’en saisir le sens, que l’auteur l’a fixé en Hiragana-Katakana, c’est-à-dire, en phonétique (à l’image du Romaji). Ainsi, le hi (si c’était hi et non i) pourrait avoir sens avec lumière, jour, feu… mais l’auteur joue avec !
Ce titre général fait bien sûr union entre sakura (les cerisiers), Kyo (la capitale, la Kyoto ancienne) et Tayu (le « monde flottant » du no, du kabuki, des geisha).
Pour mieux pénétrer ce monde à part du Japon, vous lirez sans restriction aucune, l’œuvre de Tanizaki Jun.Ichiro, principalement Éloge de l’ombre, In.ei raisan.

(Petite note sur le romaji, veillez à ne jamais mettre ni pluriel, ni féminin : il s’agit d’une prononciation restituée, dû à Hepburn, et les genres n’existent pas au Japon. Ainsi : un judoka, une judoka, des judoka… laissez les journalistes ou David Douillet écrire des « judokates », cela permet aux Japonais de se tordre de rire.)

La description du livre est parfaite. Un grand merci à Jimmy.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
vendredi 28 février 2014 23:03:04
Merci à vous deux pour les précisions (au passage, la remarque sur "L" était un clin d'oeil).

Une des choses que je trouve fascinantes dans les livres photo japonais est parfois le mélange, l'association de photographies très différentes qui semblent parfois ne pas avoir de rapport entre elles. Il faut ne pas se raidir, se laisser porter, ne pas faire jouer l'intellect, ne pas chercher tout de suite à mettre de mots sur les photos. C'est agréablement déroutant. Il n'y a encore pas trop de ça dans Kagirohi, ou plutôt ça apparaît de manière moins radicale qu'ailleurs, la forme étant assez classique.

Parmi les grands mystères de la photo japonaise, il y a - entre autres - la manière de photographier les rues et les ruelles :-)

Jimmy
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 08:40:32
Ainsi :
> un judoka, une judoka, des
> judoka… laissez les journalistes ou David
> Douillet écrire des « judokates », cela
> permet aux Japonais de se tordre de rire.)

Je me suis tordu de rire également en lisant cette phrase. Je me voyais, assis en face de toi, dire ces mots et m'imaginant la bobine de Douillet. A se pisser dessus.

Merci Claude, je parts d'un bon pied pour aujourd'hui.

Amitiés et passes le bonjour à ton ami à la "plancha".

[aboleo57.wordpress.com]
[libreinterpretationgp.wordpress.com]
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 10:41:33
Ahahah ! Bonjour Armand. Quand reviens-tu ? …pour saluer Nello ?
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 11:51:27
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 12:45:26
Bel découverte en effet. Où peut-on se procurer le livre au Japon ?
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 12:53:58
Je ne me suis pas pris la tête, je suis passé par Amazon.fr où il y en avait de dispo. Je peux rechercher l'adresse du vendeur si vous voulez. Mais comme écrit dans le message, L. dit qu'on doit certainement le trouver à Paris, ça doit valoir le coup de commencer par là. La librairie indiquée dans le message se trouve près de la porte d'Orléans si je me souviens de ce qu'il m'a dit, l'adresse mail d'Eric Desachy est v.desachy(arobase)aliceadsl.fr

Jimmy



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/03/14 12:54 par Jimmy Péguet.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 14:55:13
Merci pour le retour sur ce livre.
J'ai consulté quelques infos sur le net et je l'ai finalement acheté moi aussi sur Amazon.
C'est la mort du petit commerce mais par chez moi on ne trouve rien de rien malheureusement.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
samedi 1 mars 2014 17:32:46
Merci pour le lien sur le site de la galerie Micheko. Les arbres sont superbes, et je suis resté scotché devant un portrait de japonaise que son enfant tient des 2 bras pour l'empêcher de se transformer en arbre.
C'est merveilleux !



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/03/14 17:34 par henri peyre.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
dimanche 2 mars 2014 08:23:32
Effectivement, amazon... Merci pour l'information.
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
dimanche 2 mars 2014 09:18:06
Amazon c'est pas seulement la mort du petit commerce, c'est bien pire....
Essayez avec : [www.lalibrairie.com]
Si ils n'ont pas le livre, leur communiquer le code isbn, contrainte il faudra aller le chercher dans un point relais.

La société c'est nous, on a toujours le choix, faut juste se bouger le cul.

Ø
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
dimanche 2 mars 2014 09:34:47
Sauf qu'il ne vous aura pas échappé que sur ce titre, aucun livre n'est trouvé.

Sur ce genre de livre, auteur quasi-inconnu en France, niche d'édition, publié dans un pays lointain, sauf disponibilité dans un lieu très spécialisé en France - j'en suggère un dans l'article, mais personne ne semble l'avoir pris en compte :-) - il n'y a à peu près aucune chance de le trouver de cette façon. Donc soit on a son propre petit réseau, soit on saute dessus quand on en trouve un, Amazon ou pas. J'ai pas mal cherché dans ma liste de librairies et de galeries, y compris celle d'Enomoto citée plus haut, en France, en Europe et au Japon, j'ai fini par le trouver bêtement chez Amazon.

Je suis bien d'accord que plutôt que de cliquer chez Amazon pour faire venir quelque chose de très loin, on trouve parfois tout simplement à côté. Ca m'est arrivé récemment avec des livres de Jungjin Lee : après pas mal de recherches, je trouve un des bouquins aux USA avant de penser à écrire bêtement à sa galerie française, Camera obscura, où des exemplaires - non listés en ligne - étaient disponibles.

Jimmy
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
dimanche 2 mars 2014 09:50:19
Jimmy Péguet a écrit
"Sauf qu'il ne vous aura pas échappé que sur ce titre, aucun livre n'est trouvé."

Certes, mais il y a un point contact, je leur ai écrit, voyons si ils font bien le job de libraire ...
A suivre

En tout cas merci pour la découverte
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
dimanche 2 mars 2014 23:30:55
Ludilivres (alias Eric Desachy ou Les Yeux ouverts - Fontainebleau et Paris) ne possède plus Kagirohi mais, cependant, un certain nombre d’autres ouvrages qui pourraient intéresser les suiveurs de ce fil : [www.galerielesyeuxouverts.com]

…et il expose, en ce moment à Fontainebleau : [galerielesyeuxouverts.com]
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
mercredi 5 mars 2014 15:26:38
La réponse de "La librairie.com"

Bonjour,
En fait, je crains de vous décevoir mais l'éditeur de cet ouvrage, Heibonsha, ne semble pas distribué en France, à ma connaissance du moins.
Bien à vous,
Philippe Legendre
Responsable Qualité

La messe est dites !!!

Que cela ne vous empêche pas de fuir Amazon pour du moins pointu.

Ø
Re: Notes de lecture : Kagihori, de Toshio Enomoto
mercredi 5 mars 2014 17:08:03
Réponse attendue, Alain :-) On ne peut guère trouver en France ce genre de livres relativement confidentiels, qui s'adressent à un public réduit et qui n'ont pas de distributeur que dans de rares points de vente spécialisés dans les beaux-arts. De plus, de gros sites de recherche à l'international genre Abebooks ne renvoyant quasiment rien sur ce livre précis, on ne pouvait pas vraiment s'attendre à autre chose. Ce qui ne signifie pas qu'il n'en traîne pas un ou deux exemplaires ici ou là.

De plus, en dehors des gros calibres et des éditeurs importants, les tirages de l'édition photographique exigeante ne dépassent pas bien souvent les 1000 exemplaires, ça descend souvent à 500 voire moins aujourd'hui. Il faut souvent aller chercher ces livres au plus près de la source. Deux exemples chez l'éditeur japonais Nagasawa, qui publie certaines des plus belles choses que je connaisse, à un niveau de qualité exceptionnel : le somptueux "Fushikaden" cité dans le premier message est tiré à 500 exemplaires, le très beau "Simmon, a private landscape" dont je dis quelques mots rapides ailleurs est tiré de tête à 900.

Jimmy
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