Histoire de partager, 1
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Histoire de partager, 1

Envoyé par L. 
Histoire de partager, 1
mercredi 23 juillet 2014 23:57:32
« Lorsque nous nous félicitons du succès de la photographie dans l’art actuel, il faudrait préciser de quel « art » il s’agit. Car le mot est ambigu. Arts et Métiers désigne une école d’ingénieurs, on parle de « l’art de la cuisine », de l’art de faire ceci ou cela. Le résidu commun à tous ces emplois du mot serait une notion de savoir-faire, et cela même mérite notre attention. Mais chacun comprend que l’art dont je parle ici est celui de Phidias, de Poussin, de Goya, de Matisse, celui de Chartres comme celui des masques africains. À travers cette prodigieuse diversité il y a là un concept clair, avec un contenu et ses limites.
Or, j’ouvre mon journal (
Libération, 14 septembre 2005) et j’y trouve le compte-rendu de la Huitième biennale d’art contemporain de Lyon. Il s’agit d’attractions foraines, comme de ces labyrinthes où les visiteurs sont soumis à des épreuves plus ou moins amusantes ou effrayantes, afin de les distraire. Rien que de sympathique. Ces présentations jouent leur rôle, elles ont leur place dans notre vie.
L’art qui m’intéresse n’y joue aucun rôle. Il est parallèle, étranger, à tout ce qui est social, il ne saurait y être intégré. Notre société est en train de passer du dressage à l’élevage, l’art qui s’en fait complice, par divers formes d’assouvissement, ne m’intéresse pas. Je suis en quête de la photographie qui s’interroge sur elle-même, et qui, comme tout art, remet en question son rapport au réel.
 »

Extrait de : Jean-Claude Lemagny, Silence de la photographie, présentation Steven Bernas, Paris, éditions L’Hamattan, collection Champs visuels, juillet 2013, page 29-30.

Cet ouvrage pourrait compléter la liste établie en février 2010 par Jean-Claude Mougin, pour une bibliographie en rapport avec « Esthétique et photographie ».
Re: Histoire de partager, 1
mercredi 6 août 2014 23:17:30
Dans un temps jadis où j’œuvrais avec beaucoup de conviction pour l’écologie (me sentant plus écologue non diplômé qu’écologiste), j’avais imaginé, non pas une définition du mot « art » mais une « situation », une tentative concrète de positionnement de ce mot, dans mon milieu de vie et dont je vous livre ici l’image.

Admettons la plaine comme base de données technologiques, scientifiques et techniques. La forêt – ancienne mais non primaire (c’est-à-dire contemporaine, influencée par l’homme) – représenterait la création avec son vaste cortège faunistique et floristique (tant endémiques qu’ubiquistes), ses biotopes naturels aux espèces reliques mais aussi ses futaies jardinées, y compris ses fabriques, ses éventaires, ses aménagements, ses détritus. La clairière – artificielle ou naturelle (c’est-à-dire créée par les éléments ou par l’homme) – pourrait être la recherche fondamentale. Un peu, pour ceux qui la connaissent, à l’image de la Forêt de Bière (massif forestier de Fontainebleau) mais, à l’échelle de la planète bleue. (La masse aquatique – de la marre de platière à l’océan – serait l’inconnu, l’« à-découvrir ».)
Alors, dans cet exemple, l’« art » serait la lisière, l’orée.

Les questions alors affluent. S’agit-il de la lisière intérieure ?, extérieure ? Regardons-nous l’art depuis la plaine, ou la forêt ? À moins que nous ne soyons lisière ? Mais, où commencent réellement les frontières de la lisière ?
Dans cette proposition, nous voyons bien les interpénétrations, les influences et la fragilité du système, comparable à un écosystème.
Re: Histoire de partager, 1
jeudi 7 août 2014 07:51:55
Le concept est intéressant.
Si l'on accepte les fondements de la problématique tels qu'ils sont posés, de mon point de vue, l'art se définirait alors en termes de "franchissement".
Re: Histoire de partager, 1
jeudi 7 août 2014 10:50:35
Sur cette belle remarque d’une idée de « franchissement », je l’entends plus volontiers dans le temps que géographiquement. Où nous situons-nous ? En effet, la lisière est parfaitement définie et claire pour tous, excepté qu’il est difficile d’en donner les « frontières » même si nous pouvons parler de lisières intérieure et extérieure (à l’image du « beau » que tous nous nous accordons à dire qu’il existe mais qui reste si difficile à « classifier »). (J’ai volontairement laissé de côté l’écotone, trop restrictif dans le cadre de cet exemple.) D’autre part, cette orée évolue très vite (échelle humaine). Il y a bien là une notion de point de vue spatio-temporel ; dont certaines œuvres échapperaient ?
Merci pour cette observation.
Re: Histoire de partager, 1
jeudi 7 août 2014 11:57:21
Je me permets de reformuler votre concept: l'art naviguerait donc quelque part dans cet espace, ou plutôt dans cette nébuleuse vivante et mouvante comprise entre deux visions d'une même frontière suivant qu'on l'observe d'un côté ou de l'autre, observation elle-même sujette à changement dans le temps...
Re: Histoire de partager, 1
jeudi 7 août 2014 13:16:41
« Je me permets […] »
C’est une discussion ouverte et j’apprécie cette reformulation.

Pour précision, ce que je nomme frontières interne et externe sont la strate « nulle » (comme, par exemple, un banc de sable) et la strate ligneuse (les abords du manteau, dans le cas d’une forêt). Il est évident qu’entre les deux, il y a souvent un continuum, un joyeux mélange entre l’espace enherbé et l’ourlet arbustif. Ensuite, il y a lecture depuis la forêt, ou depuis la plaine (ou la clairière !), ou encore, depuis la lisière…

Mais je vois déjà, avec vos trois petits points de suspension, une contre-proposition en devenir :-))), non ?
Re: Histoire de partager, 1
jeudi 7 août 2014 13:35:41
C'est votre plaine qui me pose question.
Elle me renvoie au désert nietzchéen du chameau de Zarathoustra, lui-même transfuge de l'"esprit", chameau qui va devenir "lion", puis "enfant". Le point commun étant que l'invitation du philosophe qui nous est faite de casser nos visions imposées du monde est très proche ce celle qu'il aurait pu nous faire de briser nos visions apprises de l'art.
Mais nous nous éloignons un peu de votre sujet et je dois partir sur un tournage.
Re: Histoire de partager, 1
mardi 12 août 2014 23:40:29
Zarathoustra est un bon copain mais il n’a rien à voir dans cette histoire-là. C’est plus une certaine remise en cause par une tentative d’éclaircissement du mot « art », à défaut de définition, que je relève ici, suite à la citation de Jean-Claude Lemagny.

Dans ce qui nous concerne ici, l’art n’a que très peu à voir avec la technique. La peinture n’est pas un art, ni la photographie, ni la danse, ni l’écriture, ni la musique, ni pas grand-chose du reste. Imaginez : ce n’est pas parce que vous peignez que vous êtes artiste ; peintre tout au plus. Sinon, cela se saurait. Par contre, certains utiliseront cet outil et leur production sera art et eux artistes.
Ce n’est pas non plus parce que vous créez que vous êtes artiste ; créateur tout au plus. Par contre certains feront quelque chose de nouveau, d’autres utiliseront même un objet existant (sacré Marcel) et leur proposition sera art et eux artistes.
Tout ceci ne ressemblerait-il pas à une forme de libéralisme ? Pour le seul plaisir ?, le plaisir de l’évolution. Par le désintéressement ? Évidemment.



P.-s. : pas de « retour » possible de ce fil avant septembre, pour cause de congés.
Re: Histoire de partager, 1
mercredi 13 août 2014 13:55:34
Si le mot "art" est galvaudé, essayons de le cerner dans sa plus noble acception par la qualité de ceux qui s'en réclament : les artistes, les vrais, et les autres, ceux qui seraient plutôt "artisans", le peintre, le boulanger, le photographe...dont une étroite fraction pourraient produire en quelques nanosecondes une étincelle artistique.

Dans les exemples d'art vrai (?), j'ai justement vu récemment au Whitney Museum une construction inédite à base d'objets connus: un marteau, des épluchures et un pochette déchirée de vinyle 33T.
Les visiteurs semblaient partagés sur ce rapprochement intempestif et sur le « ça en est ou ça n'en est pas ? », mais tous restaient collés là comme fascinés, en attente de clé, d'intégration, de digestion.

L'art ressenti serait-il un moment privilégié de découverte fortuite, une seconde d'état de grâce qui cabre nos sens, nos neurones, une pyrotechnie, une gifle ? un truc qui vrille nos séquences ADN dans l'autre sens...(je cherchais une image génétique, je n'en ai pas trouvé d'autre :-)


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Re: Histoire de partager, 1
jeudi 14 août 2014 15:30:07
L'art n'est il pas une manière de transcender le réel ?
Re: Histoire de partager, 1
vendredi 15 août 2014 08:54:20
AlexL écrivait:
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> L'art n'est il pas une manière de transcender le
> réel ?


L'art est une manière "tout court", charge à l'artiste d'en faire quelque chose non ?
Re: Histoire de partager, 1
vendredi 15 août 2014 09:05:53
L'art surprend, désoriente, indigne, bouleverse, ébahit, renverse, séduit, offense, trouble, dépayse, offusque, déroute, déconcerte, interloque, désempare, charme, contrarie, choque, méduse, émeut, scandalise, abasourdit, émerveille, stupéfie, estomaque, fascine, enivre, rebute, hypnotise, pétrifie, apaise, terrifie, perturbe, débecte.

Il ouvre des portes sur des univers inconnus.
L’art est au non-art ce que la philosophie est aux croyances, la goutte d'angustura dans un Sherry Old Fashioned, un arc électrique kaléidoscopique dans les ténèbres de nos esprits sclérosés.

« L’œuvre l'art naît du renoncement de l'intelligence à raisonner le concret »
(Le mythe de Sisyphe. Albert Camus).


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