Une image emblématique
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Une image emblématique

Envoyé par Gabriel 
Une image emblématique
mardi 5 janvier 2021 21:22:23
Bon, un truc qui me turlupine depuis pas mal de temps: ¿Existe-t-il pour certains ici une image qu'ils auraient réalisé un jour et qui aurait marqué leur travail de photographe? Une image qui nous a surpris, et qui a tout changé dans notre pratique et notre façon d'aborder ce qui nous entoure.
Je sais qu'il est mal vu par ici de mettre en avant sa production photographique, mais nous pourrions le temps d'une intervention sortir de notre petit confort et nous livrer un peu.
Montrer pour une fois une image.
Je suis disposé á intervenir le premier s'il le faut, j'ai bien sûr mon idée derrière la tête, mais ce serait plus correct d'attendre un peu.
Pour une fois lançons nous, nous sommes dans un forum de photographes.
Et bonne année á tous!

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 10:56:49
Lancez-vous Gabriel, le reste suivra, je vais chercher de mon côté.
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 11:20:00
¿Existe-t-il pour certains ici une image qu'ils auraient réalisé un jour et qui aurait marqué leur travail de photographe?

¡Hola, Gabriel!

Ma réponse à cette interrogation est simple : non, il n'existe pas dans, ma collection -- mes premières images datent de la France de Tante Yvonne, cela ne nous rajeunit pas ! --, d'image que je considère comme emblématique au sens où la question de Gabriel est posée.
De plus, le mot même de « travail » en matière de photo personnelle m'est totalement étrangère.
Certes, il m'est arrivé très souvent de faire des photos dans le cadre de mon travail, mais toutes ces images professionnelles sont, évidemment, totalement hors du champ de l'interrogation de Gabriel.

Je suis un amateur, je suis venu à la photo en suivant l'exemple paternel qui était un amateur, notre pratique à mon père et à moi est centrée sur les photos de famille qui ont, dans ma vision des choses, vocation à rester dans l'album de famille et pas à être montrées hors du cercle de la famille et des amis.
Je me rappelle mon étonnement lorsqu'il y a un peu plus de 15 ans, un galerie-photoïste me demanda « Avez-vous un site web où l'on peut voir vos photos ? » !
Certes, depuis, il m'est arrivé de montrer publiquement (entres autres sur Internet, mais pas seulement, il y a même eu le projet « Noirlac », il y a 13 ans, sous la houlette de l'Archevêque de Moisenay) diverses images qui n'étaient pas des photos de famille, mais une « qui aurait marqué [mon] travail de photographe », c'est hors de ma façon de penser, puisque je n'ai jamais considéré ma photo d'amateur comme un travail !
Et je n'ai jamais, non plus, réalisé d'image « ... qui a tout changé dans [ma] pratique et [ma] façon d'aborder ce qui nous entoure. »

¡Paso la palabra a aquellos que pueden responder positivamente a la pregunta de Gabriel!

E.B.
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 16:24:30
Merci Emmanuel pour cette réponse.
Et puisque vous évoquez la France de Tante Yvonne et même si á ce moment elle n'a pas déclenché de vocation chez moi, pour vous cette image.
Quant au reste et devant l'enthousiasme général devant ma proposition j'en resterai lá (pour l'instant).

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 16:44:57
Réponse ambiguë, c'est ma photo qui n'a pas déclenché de vocation chez moi á ce moment, pas Yvonne.

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 18:16:25
¡Hola Gabriel!

Ah ! Merci du partage de cette image magnifique, format carré datant de l'époque bien-aimée de la France de Tante Yvonne (c'était mieux avant), photo prise probablement en 6x6, tirage N&B sur papier brillant mince avec bords déchiquetés !!

¡Gabriel! Soyez patient !

Votre question est l'une des plus pertinentes jamais posées ici ... elle nous demande, indirectement, pourquoi nous faisons des photos, pourquoi nous sommes contents (ou pas) de l'une de nos photos.
Elle nous demande ce qui a pu, un jour, nous faire « progresser » : votre question nous demande indirectement quel fut notre chemin photographique, notre mémoire est fortement sollicitée.
Et votre question, d'une certaine façon, fait appel ce qu'il y a de plus intime dans notre pratique photographique !

Donc soyez patient, Gabriel, ici, nous sommes des « photographes de l'Éternité » (oui, les vieux rabâchent, mais j'aime tellement cette façon de voir la photographie, je n'arrive pas à m'en défaire, « photographe de l'instant » opposé au « photographe de l'Éternité » au sens de Michel Tournier (** note 1)), donc il faut accepter d'attendre un peu les réponses, nous ne sommes ni sur touitteur, ni sur fesse-bouc !

Eh bien, Gabriel, figurez-vous que j'ai une image à proposer, mais elle ne répond vraiment pas à votre question ; néanmoins il me semble qu'elle se rapproche indirectement de ce qui vous tient à coeur.


La voici, mais à cette heure je n'en ai retrouvé qu'une méchante photocopie : c'est sur la page 146 de ma thèse (** note 2) universitaire.

L'image est celle qui est sur la moitié inférieure de la page, elle fut prise sur pola 665 négatif-positif avec une chambre Linhof, et elle montre, entre autres objets, un porte-film / dépoli coulissant sur tiges qui est un dos quat'-cinq de Sinar Norma !

C'est la première photo où j'ai pu utiliser des décentrements et avoir, enfin, en toute simplicité, des verticales bien verticales pour une photo d'objets. On comprendra que cette question des verticales me tienne toujours à coeur, 40 ans plus tard, c'est, en quelque sorte, un souvenir de jeunesse !

Mais sur deux points importants, cette image ne répond absolument pas à la question de Gabriel,

« ... Une image qui nous a surpris, et qui a tout changé dans notre pratique et notre façon d'aborder ce qui nous entoure.... »

bien au contraire :

1/ L'image ne m'a absolument pas surpris. J'avais lu les bons livres expliquant comment le décentrement permet d'avoir de belles verticales, j'ai appliqué les règles des bons maîtres, et ça a marché du premier coup : je n'ai donc pas été surpris !

2/ Entre le moment où j 'ai pris cette image et le moment où j'ai acheté une chambre à titre personnel, il s'est écoulé environ 20 ans ; donc je ne peux pas dire que cette image ait changé « ma façon d'aborder le monde qui m'entoure »  ;-) du moins pendant 20 ans  ;-)


(** note 1) « photographes de l'Éternité » selon Michel Tournier (1924 - 2016).
La citation apparaît ici, dans les actes d'un colloque, « Relire Tournier » (publications de l'université de Saint-Étienne, année 2000, ISBN 2-86272-203-0)
Le texte est extrait du recueil de nouvelles, pages 160-161 : « Le coq de bruyère. Les suaires de Véronique - Gallimard, 1985 - ISBN 2070372294.

(** note 2) et la Comtesse d'ajouter  : « Une belle thèse, ça laisse forcément des souvenirs »



E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 06/01/21 18:27 par Emmanuel Bigler.
Re: Une image emblématique
mercredi 6 janvier 2021 22:59:22
Bonsoir Gabriel

La question est très intéressante, mais je suis dans l'impossibilité d'y répondre ....

.... car je cherche désespéremment à réaliser un jour l'image qui marqera mon travail de photographe?

Si l'on regarde tous les "bons" photographes, vous y compris, il y a une ligne directrice dans leur travail; un fil rouge qui établit une cohérence et donne un sens global; c'est une forme d'écriture photographique.

Comme beaucoup d'amateurs, je fais de bonne images, malheureuserment éparses, car je n'ai justement pas rencontré l'image qui conduira aux autres et dont l'ensemble constituera un opus.

Ce qui est vrai en photographie et tout aussi vrai dans l'écriture; pour devenir artiste il faut, à mon sens, cette rencontre avec l'oeuvre, mère des autres oeuvres qui s'en suivront.
Re: Une image emblématique
jeudi 7 janvier 2021 12:40:21
Je n'ai pas d'image en tête

Mais le film Blow up a été pour moi le déclencheur, si je puis le dire ainsi

JP

JP

www.jpbo.fr
Re: Une image emblématique
jeudi 7 janvier 2021 14:31:38
Pas d'image emblématique à moi non plus, mais il en est une qui m'a déclenché à l'âge de 8 ans, dans une revue paternelle:

[hdarts.franceserv.com]

Je suis resté des heures et des jours à être collé devant.

Je me disais qu'un jour quand je serai grand, j'irai photographier des chats à New-York. Un peu plus tard, West Side Story allait enfoncer le clou.

Et puis j'y suis allé, pour le travail et pour le plaisir. Plus de 500 km à pied sur l'île et plus 20 000 déclenchements (pas que des chats hein) en 7 voyages, avec toujours cette image obsessionnelle devant les yeux.

Aucune des miennes ne m'est emblématique, mais elles me permettent de repartir par la pensée sur Manhattan et revivre ces ruelles de petits quartiers du west side et du lower east side.

Désolé Gabriel si je suis un poil hors sujet.

.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 07/01/21 15:04 par Jean.
Re: Une image emblématique
jeudi 7 janvier 2021 18:35:12
Image emblématique je ne crois pas, image marquante et importatnte, oui sans doute.
Une ferme traditionnelle caussenarde, avec un ciel peuplé de nuages somptueux.
La ferme de mon arrière arrière grand père, ou mon arrière grand père et mon grand père sont nés.
Un très beau paysage, bien classique.
Une architecture élégante et fonctionnelle.
Plusieurs niveaux de lectures.
Le paysage d'abord, mais rien d'exceptionnel, que tout le monde pouvait comprendre.
L'architecture qui demandait à connaitre les ressources locales ayant imposé le style.
La parfaite illustration de certaines notions types Bauhaus, la beauté nait de la fonction.
Et le niveau purement personnel.
Rien de particulier en somme.
Si ce n'est que depuis j'ai intégré qu'une photo n'existe que par celui qui la regarde.
Et c'est pour cela qu'elle fut importante pour moi.
Re: Une image emblématique
jeudi 7 janvier 2021 22:27:28
Bon, il faut bien que je me lance...
Quand je parle de photo emblématique je crois que le terme est inexact, disons une image qui a changé ma vie de photographe.
Pour moi il s'agit de cette image, ni meilleure ni pire de ce que j'ai pu faire ensuite (dans mes mauvais jours je trouve que le sujet louche). Un portrait tout bête dans un sous bois avec une belle lumière zénitale. Après deux années d'études au département photo de la fac d'Aix-Marseille je me trouvais un peu (beaucoup) dans une impasse. J'avais coupé les ponts avec une vie de fonctionnaire, je voulais être photographe, j'appartenais á cette élite qui jongle avec la chambre et parade avec le zone system, bref je ne savais rien.Mon unique client me cantonnait aux objets en plastique noir á la chambre et trouvait ma 4x5" trop petite. Jusqu'á ce jour les présences humaines dans mes images étaient anecdotiques, je photographiais un peu tout, sans enthousiasme. (Après avoir passé deux semaines dans l'abbaye du Thoronet et plusieurs centaines de plans film j'avais des images correctes, anonymes, bien faites, bien développées, bien tirées, mais moi qui avait choisi ce sujet après la lecture des "Pierres sauvages" je devinais bien le gouffre qui existait entre le talent d'écrivain de Pouillon et mes pauvres photographies).
Mais lá j'ai senti autre chose, qu'il y avait un jeu complexe entre quelqu'un que je m'étais approprié et qui pourtant me regardait, donc existait lui aussi. Voir et être vu, ce fut une révélation et donnait un sens á cette pulsion qui fait de nous des photographes, bien souvent sans trop savoir pourquoi.Toute ma vie de portraitiste a balancé entre ces deux termes, tantôt étant voyeur, d'autres fois heureux d'être accepté. (Chez moi l'acceptation sociale m'a longtemps perturbé, á Marseille ou même en France en général j'étais perdu; quand j'ai monté mon studio j'ai fuit pour Majorque oú je croyais avoir des attaches.)
Plus tard j'ai découvert cette image faite une année auparavant dans un bar á Marseille et qui m'avais laissé froid sur le moment; aujourd'hui c'est peut être celle lá l'image qui a tout changé. En tout cas elle est vraiment emblématique pour moi, on m'a rarement regardé comme ça.
Ce qui était important c'est que j'en étais l'auteur, mais cet auteur que je portais en moi il me fallait le connaître. (Je reconnais être confus, j'ai du mal á m'exprimer). La photographie a été pour moi une sorte de thérapie qui fait que, 42 ans de vie professionnelle après, il m'arrive d'être en paix avec moi même, pas pour une satisfaction particulière envers mes images, je n'en suis pas tres fier et porte le poids de tant de mauvaises photos, mais parfois je crois commencer á comprendre le bonhomme que j'ai dans ma tête.
Excusez le pensum.

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
vendredi 8 janvier 2021 17:56:09
Bonsoir et bonne année
Ma photo emblématique ci jointe a été prise quand j'avais 13 ou 14 ans avec un appareil Kodak 6x9 a soufflet avec réglages des vitesses, diaphragme et mise au point. Le tirage a été fait par le photographe de quartier sur papier chamois. Le tirage a plus de 60 ans.
C'est le Cabaret le Lapin Agile avant sa réfection
Quand j'ai retrouvé cette photo j'ai été stupéfié par le cadrage, la composition et les personnages : un homme âgé habillé en sombre avec sa canne et la petite fille en blanc de l'autre coté tous deux assis sur une borne.
Quand j'ai pris cette photo je n'avais aucune notion du cadrage et de la composition.

Ci joint [www.cjoint.com]

www.danielbouzard.com
Re: Une image emblématique
samedi 9 janvier 2021 15:06:22
Merci pour ce fil que je suis avec beaucoup d'intérêt.
Re: Une image emblématique
samedi 9 janvier 2021 18:17:24
Une image emblématique

Je vais essayer de répondre à cette question

“Existe-t-il pour certains ici une image qu'ils auraient réalisé un jour et qui aurait marqué leur travail de photographe?
Une image qui nous a surpris, et qui a tout changé dans notre pratique et notre façon d'aborder ce qui nous entoure.“

Belle question, même en 20 ans de forum, toutes les questions n'ont pas été posées, je présume qu'il y en aura d'autres, de nouvelles questions pour les 20 prochaines années.

Je suis “né“ dans le labo d'un bromurier, avant de jouer aux cartes, je jouais avec des tirages bromures au format 10x15, avec une prédilection pour les images très graphiques, des détails de chapiteau roman ou des moulures de colonne, en noir et blanc, sujets pour lesquels j'ai conservé un attachement constant, peut-être un premier cap.

Une image, c'est facile, nous les fréquentons quotidiennement ces images, le flux d'images nous abreuve chaque jour, chaque instant, mais ce n'est pas une photographie, seulement, peut-être ou sans doute le résultat d'une photographie, on va donc s'intéresser à l'aval sans se préoccuper de l'amont, c'est la nature de cette question …

Emblématique, c'est plus compliqué, la valeur symbolique de l'emblème, son encrage dans l'histoire et dans les institutions, le maroquin du Ministre, le bâton du Maréchal, le sceptre du Roi, l'épée de l'Académicien, tout cela me semble très loin de l'univers d'un photographe, et plus encore de mon univers.

Pour ma démarche personnelle, mon travail, ce que je laisse au vaste monde, je tiens à une lecture continue de l'histoire, à l'opposé de la lecture discontinue, faite d'évènements remarquables autour desquels on forge une histoire. Pour cette lecture continue, de mes photographies et de la vie, j'intègre l'acte photographique dans ses moindres détails, du transport des valises à la mise en page du livre, tous ces éléments sont une pierre à l'édifice, je n'en choisirais pas, c'est un ensemble, les marches d'un escalier, les pas du chemin, la théorie des points rouges chère aux agences ne m'intéresse pas, c'est un truc de marchand.

Pour ce travail, sur de longues années, éditeurs, agences, clients, ont tous fait leur choix, tous ont eu leurs images préférées, mais voilà, cela ne me concerne pas beaucoup, je suis comme le boulanger, mes pains quotidien, sortis du four, m'apportent tous ce que je recherche dans ce métier.

Et si par hasard, je tentais de trouver une image qui m'aurait donné un cap de façon décisive, je dirais plutôt que mes changements, viennent plutôt de livres, pour le récit, de bandes dessinées, pour le cadrage, de groupes de rock, pour l'acharnement au travail, ou de lieux, pour le documentaire de terrain, de personnes, pour leurs remarques pertinentes, ou de la somme de ces influences tout simplement.

Je vois plus la notion de cap, nouveau ou pas, de direction, à travers des expériences nouvelles, plutôt que par la confrontation avec mon propre travail, ce qui pourrait être qualifié d'expérience, mais je ne retiendrais pas ce point, on peut dire que les deux sont liés, l'un fabriquant l'autre.

Imaginons que je joue le jeu et que je recherche à tout prix cette image ou ces images, que je demande à d'autres de m'aider dans cette tache impossible. Je croise un psychiatre, un archéologue, un conservateur de musée, un amateur d'art, un archiviste, un graphiste, un confrère, un iconoclaste, et les laisse discuter autour d'une table à fouiner dans des Ektas et des bouquins, la discussion sera longue, chaotique et nous quitterons les lieux de ces conversations sans avoir de réponse déterminante.

Imaginons, qu'au lieu d'ergoter sur “emblématique“, on parle de figer une partie du temps et de parler d'un avant et un après, une singularité dans notre continuité.

Pour les lieux, j'ai beaucoup fréquenté les lieux, une sorte de métier, fréquenteur de lieux, et deux ou trois d'entre eux, dont j'ai gardé un souvenir précis, m'ont beaucoup appris, Fountain, Salagon, Fontenay ...

Pour l'Angleterre, dans mon travail documentaire, j'ai toujours eu pour habitude de travailler par ce que l'on appelle du “beau temps“, concept étrange, mais j'image que vous cerner ce que l'on appelle “beau temps“, bien sûr en Angleterre, ce principe est mis à rude épreuve, pour deux raisons, difficile et coûteux d'attendre le “beau temps“, et d'autre part cela ne documente ni l'esprit du climat du pays, ni celui de ces habitants. J'ai donc repris pour mon travail le principe Anglais, “Ce n'est pas la météo qui décide de notre emploi du temps“ et je ne suis plus inquiété du temps qu'il fait, juste adapter son regard au lieu et sa météo, une sorte de changement … Un souvenir à l'Abbaye de Fountain, une gigantesque Abbaye en ruine, merci Henri VIII, le célèbre Barbe Bleue, dans un parc “à l'Anglaise“, sujet parfait. Mon commanditaire voulait, entre autre, du 8x10, pour les doubles, et donc me voilà au milieu des ruines, avec pour tout véhicule un diable, et 3 formats de machine, 6x6, 4x5, 8x10, je faites jamais cela, trois formats c'est trop, et j'ai pu travailler à l'Anglaise, vent, soleil, orage, grêle, vent, soleil, orage, grêle, vent, soleil, orage, grêle, la journée a proposé une belle palette, et j'ai pu mettre en œuvre cette belle pratique qui se propose de travailler quelque soit le temps. En fait tout s'est très bien passé, mon éditeur a fait quelques pages dont plusieurs doubles, mais au retour, après douze heures de boulot à courir en tout sens, poussant tirant mon diable bien chargé sur le chemin qui me ramenait vers mon auto, la météo s'est ri de moi en déversant un dernier orage de grêle qui m'a trempé jusqu'aux os, un humour bien britannique sans aucun doute. Le bain très chaud que j'ai pris ensuite à l'hôtel du “Horse In“ m'a permis de survivre à cette météo typique du Yorkshire. Mais le cap était pris, le parti pris de se moquer de cette météo moqueuse …

Pour Salagon, autre chose, une église romane et les vitraux d'Aurélie Nemours, vitraux monochrome, rouge sélénium, Wratten No25, Lampe de Sanctuaire, utilisé également pour les feux des signaux des lignes de chemin de fer, un rouge profond, ambiance labo, mais un truc inphotographiable, une belle occasion de changer de cap, une très bonne journée. La constante de ce rouge, c'est le signe, le signal, un monde à part, un vrai sujet photographique, avec la contrainte du livre. Ce travail documentaire sur une ambiance inphotographiable, doit être imprimable, en offset avec seulement quatre couleurs … La contrainte de porter l'inphotographiable vers la presse offset est une sorte de tournant particulier, quelques pas sur le chemin.

Pour Fontenay, il s'agit de l'Abbaye, en fait, non, juste du cloitre, un vrai cap, une expérience, une découverte. J'ai un côté activiste, sans doute à tort, mais peu importe, parfois je vais trop vite, et comme je connais parfaitement ce travers, j'ai trouvé une méthode, mise en pratique à Fontenay, quatre journées, du lever du jour au couché du soleil, le 21 mars, le 21 juin, le 21 septembre et le 21 décembre, l'idée étant de cerner la lumière dans ses quatre moments extrêmes, juste en observant, pas de camera, juste un simple spotmètre, pour concrétiser quelques observations et beaucoup d'observations plus générales et interdiction de sortir du cloitre, observer chaque changement, chaque détail et en intégrer la palette. Marcher dans les pas de l'Abbé et attendre le jeu du théâtre du jour, observer l'écoulement du temps, cette fausse continuité ... Un fameux cap, ces quatre jours, même en tournant en carré, on peut trouver son chemin, et le cloitre est un bon terrain pour cela, il symbolise la vie et le vaste monde, en un espace clos.

Allons un peu plus loin ...

Imaginons que je prenne sur moi et que je réponde à tout prix à cette question … L'image du tournant, l'image du cap, en fait je crois que je ne l'ai pas faite, les photographies emblématiques d'une démarche, celles qui marquent un tournant sont aussi celles que l'on ne fait pas. On ne les fait pas en marquant le temps, en laissant le sujet se dérouler sans rien faire, pour le plaisir d'observer, d'essayer de comprendre. Celles que l'on ne fait pas par refus de les faire, les commanditaires ont parfois des demandes qu'il ne faut pas suivre, dire non est un cap emblématique, il y a tellement de oui, que quelques non seront toujours salutaires. Celles que l'on imagine pour ne jamais les faire, mais qui restent bien présentes et que l'on croise sans les faire. Celles que l'on voit sans réussir à les fixer, dans l'attente d'un moment idéal qui ne viendra pas. Celles que l'on voudrait faire mais qui restent sous forme de simple souhait, une sorte de suspension du temps. Celles que l'on rate tout simplement, celles que l'on imagine et qui attendent leur heure.

Prendre un virage et marquer la pierre qui a permis le virage, qui a permis de tenir le cap, compliqué tout cela … Alors une question, quand sait-on que l'on change de cap ? en regardant en arrière, que sait-on de cet élément qui nous permet de changer ou de garder le cap de façon déterminante, on enchaine les suppositions évidentes, mais le déclic vient peut-être de l'extérieur, d'un élément oublié, d'une simple lecture ou d'une réflexion inattendue de notre concierge, ou d'un propos de bar, c'est un peu comme pour un virus, où l'a-t-on chopé, avec qui, pourquoi, comment et quand, débobiner le fil semble complexe, de là à impliquer une image que l'on aurait produit …

Je reviens sur cette fameuse image, je vous propose un travail en cours, ce sont sans doute mes dernières images, pour le moment bien sûr, le projet XB33, un reportage sur une exoplanète, la planète XB33 qui se situe à 33 années-lumière de notre planète, ces images bien présentes en mon esprit, sont sans doute en train de fabriquer mes prochaines photographies, se fixer un cap et le garder, le marquer, cela colle assez bien avec pointer son objectif sur une exoplanète, raconter l'exoplanète, un vaste chemin. Ou bien ce sont ces images que je ferais demain, ou que je placerais dans un cadre bien différent. Un cadre différent, différent du livre, de l'expo, peut lui aussi devenir un jalon que l'on saurait pointer, mais qui a décidé de mon cap, qui serait le facteur déterminant. Changer de cadre, veut-il dire changer de cap, le cadre fait-il le chemin, par cadre j'entends la présentation, comme je suis attiré par les Arts-Décoratifs, mon cadre change. Que dire de mon cap et de ses évolutions, quel bras de levier fera le travail, je ne sais, sans doute une foule d'évènements qui n'ont rien à voir avec la photographie, de la valise de la chambre au tirage des cimaises, non surement pas, plutôt le maitre mot de la modernité , l'interdépendance, nul n'y échappe, même pas les productions graphiques.

Entre les photographies que je n'ai pas faites, celle que j'aurais dû faire, celle que l'on me demandait de faire, celle que l'on me demandait de ne pas faire, celles que j'ai pu faire, elles sont toutes là, pour me faire garder les pas dans mon chemin, rien d'emblématique, juste avancer chaque jour, à chaque photographie, chaque image, une multitude de pas qui font un chemin, une multitude de pains qui font un boulanger ...

Saluts à vous tout·e·s ...
Re: Une image emblématique
samedi 9 janvier 2021 19:16:23
Belle réponse !
Je souscris a cette absence de fétichisation de la "première" image, pour moi il n'y a pas eu d'image inaugurale ou d'image-talisman. Je pourrais certainement en choisir une et faire un récit crédible d'une initiation mais l'initiation est permanente. J'ai vraiment cette sensation d'avoir tout à réapprendre à chaque fois que je photographie à nouveau. Dû moins c'est ce que je crois, même si ce n'est pas tout à fait vrai. Même si cela semble paradoxal le fait de devenir photographe n'a eu qu'un lointain rapport avec la photographie, c'est ce qu'elle permet qui m'a attiré : la puissance d'évocation, l'image ouverte aux interprétations multiples qui arrête le discours intérieur.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 09/01/21 19:34 par Zoran.
Re: Une image emblématique
jeudi 14 janvier 2021 23:17:24
Pour une fois notre Totor national n'a pas sorti la kalashnikov mais le libretto di poesia. Beau texte,je ne peux y adhérer puisque je ne suis pas photographe de métier,juste de passion,mais je suis entièrement d'accord avec ce qui est écrit.
Re: Une image emblématique
samedi 16 janvier 2021 20:56:24
Bon, celá ne nous a pas mené tres loin...
Je suppose que l'emploi du calificatif "emblématique" n'a pas été très heureux, il a terminé par être interprété par "talisman, fétiche" etc... Pas vraiment ce que j'avais en tète.
(Dans ma naiveté j'avais tendance á croire qu'un jour il nous arrivait de voir une petite lumière á l'horizon de notre activité de photographe, amateur, une image que l'on ne voyait que chez les "autres" et dont nous étions pourtant l'auteur, et á partir de laquelle, sans trop en avoir conscience, on commençait enfin á penser que nous étions "photographe".
Je remercie Daniel, son image de gosse annonce le Daniel Bouzard d'aujourd'hui, il y a du Atget sans le savoir encore. (Jean c'est Jean, on ne va pas le changer, au moins j'ai vu une photo de HCB que je ne connaissais pas).
Pour ce qui est d'employer pour une fois l'image plutôt que la parole, c'est raté. C'était un peu le but de mon fil, connaître les intervenants de ce forum autrement que par leurs propos. Je ne désespère pas pour autant, un jour peut être on finira bien par parler de nos photographies...Je pensais qu'on etait ici avant tout pour ça...

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
samedi 16 janvier 2021 21:39:54
Bonsoir Gabriel

Ce n’est pas par désintérêt pour le sujet que je n’ai pas répondu mais par …paralysie.

Il y a une différence énorme entre vous, Henri et moi-même ; vous êtes professionnels et je suis amateur

Partant de ce simple constat les données sont différentes : je vais essayer de m’expliquer.:

En tant que professionnels vous devez vous exposer, vous mettre en avant, vous vendre et ainsi vous vous constituez au fil du temps une « patte » un savoir-faire, une signature qui aboutit à des ouvrages, galeries, livres ; par facilité intellectuelle et commerciale vous exploitez des filons, comme un Avocat lorsqu’il plaide aux assises joue une partition déjà rodée ; il n’y a pas de génie ex nihilo. (ce n'est pas un reproche et j'entends bien que par des travaux personnels vous cherchiez des évasions salutaires)

Pour parler plus simple, pour gagner votre vie, il vous faut construire une sorte de spécialité que vous exploiterez et cette obligation est un formidable moteur créatif. on vien vous voir pour vos portrais, on va voir Henri pour ces photos de monuments nationaux

J’ai connu cela dans mes différentes vies professionnelles ; c’est en devenant pro que l’on trouve sa voie ou alors on est un véritable artiste ce qui n’est pas donné à tout le monde. Et encore, devenu cet artiste on exploite une ligne conductrice que l'on perfectionne.


De mon côté, amateur, je me promène, les bras ballants à la recherche de mon génie qui n’arrivera jamais. L’absence de contrainte m’empêche d’exister ; j’avais presque envie, maintenant que j’en suis à ma 3 ° retraite de m’inscrire comme photographe pro, pour me booster et me contraindre, m'aidant en cela à me déterminer, voir me dessiner.

A l’occasion d’un autre fil, j’ai mis en ligne mes dernières créations :

Vous allez vous tordre de rire devant mes photos de cascade et pourtant j’aime cette image et si j’étais pro je ferais un bouquin de toutes les cascades du Var ; au lieu de cela je papillonne et passe d’un sujet à l’autre car sans contrainte, en totale liberté d’être je suis inexistant. Je me compare aux meilleurs et je me trouve nul alors que vous ne pouvez vous permettre cette incertitude car vous devez gagner votre vie (où la taire ce qui revient au même)

Je n’ai photographiquement parlant jamais eu de révélation, ni de chemin de Damas qui me fasse dire que ce que je faisais était tellement génial que je devais jouer les Pierre et Marie Curie de l’argentique alors que vous, pour nourrir votre famille vous avez eu un jour la révélation que vous aviez trouvé le truc qui vous permettra de vivre de votre photographie.


Obligez moi à vivre de la photographie et je vais trouver mon filon et mon image emblématique; ce sera peut être les cascades ou la tauromachie ou la mer mais partant d'un fil d'Ariane, je vais faire ma pelote .. bien obligé.


Ceci n'étant qu'un point de vue.
Re: Une image emblématique
samedi 16 janvier 2021 21:52:16
Bonsoir Pierre, la seule chose que j'ai appris durant mes deux années a Marseille St Charles c'est á montrer mes images.
Ce n'est pas facile je l'avoue, peut être même cette timidité ou réticence n'est pas une mauvaise chose en soi si ensuite on est capable de franchir le pas, je ne sais pas.
Quand on photographie on se met un peu á poil en public, on n'a pas le choix au fond.

Gabriel
gabrielramon.com
Re: Une image emblématique
dimanche 17 janvier 2021 11:17:12
Mon cher Gabriel,
Es-tu sincèrement étonné du flop de ton sujet...

Depuis 20 ans bientôt, ce forum réunit deux populations de pratiquants apparemment inconciliables.

- La majorité, pour qui la photographie consiste à branlotter des quincailles et des tambouilles diverses et variées, qui en parle toute l'année sans se lasser, et qui souille des surfaces vierges de toute impureté pour vérifier le bien-fondé des projets d'expérimentations.

- Les autres, en petit nombre et qui se raréfient et dont tu es, qui tentent de transmettre des sentiments, des émotions, des qualités artistiques par la photographie.

Les premiers, appelons-les les technophotocrates, est l'engeance légitime ici puisque nous sommes ici sur un forum technique clairement affiché.

Les autres, c'est des bisounourses.

Imaginons un instant qu'un brassage énergique aboutisse à une nouvelle génération d'artistes photographes qui présenteraient les qualités des deux populations...

Mais est-ce bien la peine : Certains fils historiques ont déjà relaté et débattu de cette fiction en vain parce que les célébrités photographiques ici évoquées semblent avoir acquis leur notoriété et leur créativité en s'asseyant sciemment sur les règles des bibles techniques.

Ce qui voudrait dire qu'une notoriété de photographe passerait presque à coup sûr par la transgression des règles, vieux débat entre apolliniens et dionysiaques.

Donc au fond, pourquoi se fatiguer à mixer l'huile et l'eau, elle se sépareront de nouveau.

Amitiés

Jean
Re: Une image emblématique
dimanche 17 janvier 2021 12:12:02
Beaucoup de pudeur de la part des uns et des autres pour montrer leur image emblematique.J'en fais partie quoique je sache à peu prés l'image que je préfère après des décénnies d'amateurisme.
Je suis allé regarder les vitraux du prieré de Salagon.Etonnant.
Ro
Re: Une image emblématique
dimanche 17 janvier 2021 12:13:56
RO écrivait:
-------------------------------------------------------
> Beaucoup de pudeur de la part des uns et des
> autres pour montrer leur image emblematique.J'en
> fais partie quoique je sache à peu prés l'image
> que je préfère après des décénnies
> d'amateurisme.
> Je suis allé regarder les vitraux du prieré de
> Salagon.Etonnant.
> Ro

[galerie-photo.com]
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 10:45:25
Bonjour,

Merci à Gabriel pour ce thème intéressant.
Longue hésitation avant de s'autoriser à participer.

Partage

Donc, la photo non pas emblématique mais critique, la voici (scannée avec un iphone):

[ibb.co]

C'est la dernière d'une série faite il y a quelques années, une sorte d'introspection photographique de la crise de la quarantaine, la crise du milieu de la vie, côtoyée d'assez près...
Mais paré d'un noble Rolleiflex hors d'âge comme fidèle et vieux complice !

Je regarde ça avec amusement et détachement maintenant, mais cette photo a été importante dans une évolution personnelle.
Un dénouement et une ouverture vers autre chose...
Voila, voila.


Brrrr !!
On se découvre un peu et il fait vite frisquet en ce moment !
Quelques buches et au coin du feu !

Au fait, le feu en pose longue, on en dit quoi sur Galerie Photo ? ;-))


-
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 11:41:28
Quelques buches et au coin du feu !
Au fait, le feu en pose longue, on en dit quoi sur Galerie Photo ? ;-))


Parfois on entend dire pour ce genre de photo qu'il faut éviter de tourner des bûches qui crament dans la cour.

E.B.
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 12:19:16
Bonjour,
Désolé de rompre le consensus sur l'absence d'image emblématique, mais ce n'est pas mon expérience, bien entendu simplement personnelle.
Premier choc: voir un vrai tirage argentique format 40x50cm issu d'un négatif 4x5, que m'a montré un ami photographe. Cela a été LA révélation, j'ai su immédiatement que je voulais obtenir la même chose, et même mieux.
Donc j'ai effectué mes premières images en 8x10, et ainsi de suite... le début d'un voyage...
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 18:10:03
Emmanuel Bigler écrivait:
-------------------------------------------------------
> Quelques buches et au coin du feu !
> Au fait, le feu en pose longue, on en dit quoi sur
> Galerie Photo ? ;-))

>
> Parfois on entend dire pour ce genre de photo
> qu'il faut éviter de tourner des bûches qui
> crament dans la cour.



AhAh! La contesse en personne qui intervient !

Madame à ses chaleurs ?...Le couvre feu et ses effets délétères probablement.

-
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 18:21:28
Emmanuel n'est pas content : la Comtesse suivant les réglementations gouvernementales lui avait promis un confinement serré.

www.danielbouzard.com
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 19:36:57
En voilà une belle image emblématique tiens!
:-P

.
Re: Une image emblématique
dimanche 7 février 2021 20:24:25
Attention,quand c'est serré,ça peut faire mal...
Re: Une image emblématique
jeudi 11 février 2021 15:17:05
Merci Jean, j'ai apprécié celle que tu as montrée aussi, elle me parle.
Les autres aussi sur ce fil d'ailleurs, sauf une, très technique, qui m'a laissé de marbre, mais que je respecte...
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