Jeff Wall chez Beyeler (Riehen, CH-BS) du 28 janvier au 21 avril 2024

Aurélien écrivait:
.
> Chevrier cité plus haut, dit de la photographie
> quelle à posé la question : comment un document
> devient une œuvre.

Je goûte la photographie avec mon cerveau reptilien. La lumière, les textures, la couleur, l'espace, la perspective.
Mon mental me sert juste à me demander : quels outils et méthodes dois je utiliser pour faire un truc similaire?

J'ai dégusté la filmographie de Kubrick pour la qualité de sa photographie, sans me soucier le moins du monde de ce que ça racontait.

Pourtant...il y a matière à cogiter avec Kubrick, il y a de la clé de lecture en veux tu en voilà et c'est très stimulant intellectuellement.
Mais en tant qu'amateur de photographie je m'en fous complétement.
Je peux regarder un péplum débile juste pour savourer le Technicolor.

Je dirais que la photographie c'est comme la cuisine, on prend le crayon pour écrire la recette et on le remet dans sa poche ensuite; le reste c'est de la littérature et ça c'est vraiment un autre trip.

tenalk écrivait:
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> Aurélien écrivait:
> .
> > Chevrier cité plus haut, dit de la
> photographie
> > quelle à posé la question : comment un
> document
> > devient une œuvre.
>
> Je goûte la photographie avec mon cerveau
> reptilien. La lumière, les textures, la couleur,
> l'espace, la perspective.
> Mon mental me sert juste à me demander : quels
> outils et méthodes dois je utiliser pour faire un
> truc similaire?
>
> J'ai dégusté la filmographie de Kubrick pour la
> qualité de sa photographie, sans me soucier le
> moins du monde de ce que ça racontait.
>
> Pourtant...il y a matière à cogiter avec
> Kubrick, il y a de la clé de lecture en veux tu
> en voilà et c'est très stimulant
> intellectuellement.
> Mais en tant qu'amateur de photographie je m'en
> fous complétement.
> Je peux regarder un péplum débile juste pour
> savourer le Technicolor.

En fait vous intervenez comme Nestor, au fond vous vous intéressez surtout à vous-mêmes. Vous vous racontez de façon aggressive en mettant votre ego bien au milieu de la discussion.
Comme Nestor, vous vous sentez aggressé par l'analyse, c'est logique puisque le commentaire esthétique ou pire encore la sociologie met à distance vos "personnes" en parlant en termes généraux, autrement dit en des termes plus largement compréhensibles.


> Je dirais que la photographie c'est comme la
> cuisine, on prend le crayon pour écrire la
> recette et on le remet dans sa poche ensuite; le
> reste c'est de la littérature et ça c'est
> vraiment un autre trip.

Ce genre de règles ne valent que pour ceux qui se les fabriquent, et celle-là n'est pas meilleure qu'une autre.
Elle vous convient ? Grand bien vous fasse ;)

Aurélien écrivait:
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> Ah vous êtes un artiste qui n'a que mépris pour
> ceux qui exposent et qui regardent l'art, c'est
> ça ?

Qui a dit que j'étais artiste, surement pas moi, où juste pour rigoler, l'artiste du XXIe siècle étant plutôt une posture qu'un état.

Pour ceux qui exposent, ce sont les idiots utiles des commissaires d'exposition, et j'ai fait partie des idiots, et oui, je ne suis plus vraiment intéressé, le jeu n'est pas celui que je souhaite pour les artistes.

Pour les spectateurs, ils ne servent que le délire des commissaires d'exposition, juste du comptage, nombre de visiteurs, nombre de passage presse, les conditions du spectacle étant souvent désastreuses, inutile d'insister, un mépris de l'image au profit de la glose.

Cela dit, je n'ai rien contre Jeff Wall, son apport est considérable, mais il n'est pas représentatif des producteurs d'images non commerciales.

Nestor Burma écrivait:
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> Pour les spectateurs, ils ne servent que le
> délire des commissaires d'exposition, juste du
> comptage, nombre de visiteurs, nombre de passage
> presse, les conditions du spectacle étant souvent
> désastreuses, inutile d'insister, un mépris de
> l'image au profit de la glose.

Ce genre de discours a sûrement du succès, peut être auprès d'un public qui ne regarde pas ou plus l'art comme vous vous en vantez ici... une discussion consacrée à une exposition...

Malgré ça on peut en tirer une chose positive : si le spectateur du travail de Wall se sent parfois laissé sur le chemin, avec le sentiment qu'une clé est à découvrir (intervention de P. Ossette), c'est parce que la seule "glose" a disposition est un simple cartel avec uniquement le titre et la date pour renseigner le spectateur . Le spectacle de l'image n'est donc pas organisé au profit de la glose, c'est tout le contraire...

Aurélien écrivait:
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> Nestor Burma écrivait:
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> -----
>
> > Pour les spectateurs, ils ne servent que le
> > délire des commissaires d'exposition, juste du
> > comptage, nombre de visiteurs, nombre de
> passage
> > presse, les conditions du spectacle étant
> souvent
> > désastreuses, inutile d'insister, un mépris
> de
> > l'image au profit de la glose.
>
> Ce genre de discours a sûrement du succès, peut
> être auprès d'un public qui ne regarde pas ou
> plus l'art comme vous vous en vantez ici... une
> discussion consacrée à une exposition...
>
> Malgré ça on peut en tirer une chose positive :
> si le spectateur du travail de Wall se sent
> parfois laissé sur le chemin, avec le sentiment
> qu'une clé est à découvrir (intervention
> de P. Ossette), c'est parce que la seule "glose" a
> disposition est un simple cartel avec uniquement
> le titre et la date pour renseigner le spectateur
> . Le spectacle de l'image n'est donc pas
> organisé au profit de la glose, c'est tout
> le contraire...

Si la glose était un genre photographique ce serait sans doute intéressant, mais aujourd'hui la glose, ne trouvant pas de terrain plus favorable, s'est approprié la photographie.
Cette glose nous interdit de regarder les photographies,
Le public n'intéresse personne, sauf pour le comptage.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 24/02/24 11:58 par Nestor Burma.

Aurélien écrivait:
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> En fait vous intervenez comme Nestor, au fond vous
> vous intéressez surtout à vous-mêmes. Vous vous
> racontez de façon aggressive en mettant votre ego
> bien au milieu de la discussion.

Se prendre au sérieux est une chose, faire les choses sérieusement en est une autre.

On peut faire de la sociologie ou de la photographie sérieusement, sans se prendre au sérieux. Je pense que c'est le seul gage de qualité.
Et j'ai le sentiment que vous vous prenez vraiment au sérieux, et que votre "sociologie" n'est pas faite sérieusement : c'est incohérent, ça n'a ni queue ni tête.

tenalk écrivait:
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> Aurélien écrivait:
> --------------------------------------------------
> -----
> > En fait vous intervenez comme Nestor, au fond
> vous
> > vous intéressez surtout à vous-mêmes. Vous
> vous
> > racontez de façon aggressive en mettant votre
> ego
> > bien au milieu de la discussion.
>
> Se prendre au sérieux est une chose, faire les
> choses sérieusement en est une autre.
>
> On peut faire de la sociologie ou de la
> photographie sérieusement, sans se prendre au
> sérieux. Je pense que c'est le seul gage de
> qualité.
> Et j'ai le sentiment que vous vous prenez vraiment
> au sérieux, et que votre "sociologie" n'est pas
> faite sérieusement : c'est incohérent, ça n'a
> ni queue ni tête.

Vous confondez sociologie et esthétique.
La sociologie relève d'études statistiques faites auprès de cohortes, c'est le travail de Pierre-Michel Menger indiqué plus haut.
Se prend-il au sérieux ? Je ne sais pas, mais si la réponse préjuge de la qualité de son travail c'est votre affaire.

Emmanuel Bigler écrivait:
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> J'ai eu le plaisir d'aller chez
> [url=https://www.fondationbeyeler.ch/fr/exposition
> s/jeff-wall] Beyeler à Riehen (CH-BS) [/url]hier
> samedi 17 fév. 2024, en compagnie d'une solide
> délégation liée à GP.info.
>
> C'est une très belle exposition, comme toujours
> chez Beyeler, donc, cela va sans dire, chaudement
> recommandée.
> La plupart des images de Jeff Wall sont
> présentées sous forme de diapositives géantes
> éclairées par un caisson, donc en transparence.
>
> Il y a néanmoins quelques tirages classiques sur
> support opaque (dont des gélatino-bromures N&B de
> deux mètres sur trois).
>
> Je connaissais déjà certaines œuvres, le nombre
> d'images exposées en ce moment chez Beyeler
> (jusqu'au 24 avril 2024) est élevé (55,
> agencées en 11 salles !) j'ai donc découvert un
> grand nombre d'images que je ne connaissais pas,
> en particulier le superbe
> [url=https://www.fondationbeyeler.ch/fileadmin/_pr
> ocessed_/5/2/csm_gust_of_wind_header_ca79e3bdc2.jp
> g] « coup de vent » [/url].
>
> La vision de ces images soulève un certain de
> nombre de questions dont nous débattons ici
> depuis plus de 20 ans !
>
> - Pourquoi faire du noir et blanc alors que la
> couleur, c'est si beau ? (surtout en diapo) ?
>
> - « L'instant décisif » et la « photographie
> de rue », est-ce l'α et l'ω (** note 1) de la
> photographie ?
>
> - Une bonne photo doit-elle nous parler
> immédiatement, sans besoin d'une explication
> détaillée, ou sans besoin de la mention de
> références à d'autres œuvres picturales ou
> littéraires ?
>
> - Je fais de la photo sur film en quat-cinq,
> jusqu'à quelle dimension puis-je agrandir mes
> négatifs ?
>
> - Renzo Piano (**note 2), l'architecte qui a
> créé l'édifice de la fondation Beyeler,
> avait-il pensé, en concevant les systèmes
> d'éclairage, que, peut-être, un jour lointain,
> on y exposerait des tirages opaques de très grand
> format, protégés sous verre  ?
>
> - Du coup, comme je vais exposer mes tirages
> bientôt (en public mais pas chez Beyeler), et
> comme ils sont très précieux et seront
> protégés sous verre, comment les éclairer ?
>
> -----------------------------------
>
> Bref ! C'est une exposition
> magnifique-et-indispensable ; et, ce qui ne gâte
> rien, contrairement à certaines expositions dans
> une certaine capitale hexagonale (dont je tairai
> le nom), nul besoin de réserver sa place à
> l'avance, l'attente à l'entrée, même un samedi,
> n'est que de quelques minutes.
>
>
>
> Notes
>
> [url=https://saintebible.com/revelation/22-13.htm]
> 1/ Apocalypse, 22:13 [/url]
>
> [url=https://fr.wikipedia.org/wiki/Renzo_Piano] 2/
> Renzo Piano [/url]

Bonjour
Comme monsieur Bigler a tout dit je ne vais pas m'étendre en redites inutiles.
C'est beau, très intéressant, un peu déstabilisant par moment mais heureusement on peut entrer dans certaines images juste ce qu'il faut!
Premier jour de printemps et une belle journée pour s'instruire. On étaient tranquilles pour voir les expos, sachant qu'ils ont sorti d'autres oeuvres de leurs réserves: Tilman, Bacon, Mondrian, Degas... Un triptyque de Wall m'a fait penser à une oeuvre exposée de Francis Bacon!
C'est jusqu'au 21 avril, courrez y!
Belle deuxième journée de Printemps.

Et bien j'y courus (en fait on m'y a poussé).

Et comme tout a déjà été dit je vais en rajouter une couche.

Cette exposition ne suscite aucune émotion. C'est en quelque sorte une allégorie du capitalisme moderne où le controle de la technique et des outils de production prend le pas sur la réalité humaine, où la grandiloquence remplace la poésie.

Sur la forme d'abord. On déambule cerné par des cadres métalliques immenses posés sur des murs. Si au moins les panneaux étaient encastrés, on pourrait se dire que ce sont des fen^etres ouvertes sur le monde mais non, c'est plutot du monde en conserve qu'il s'agit. Il se dégage une impression de gigantisme et de prouesse technique comme si on était devant la Trump Tower le nez en l'air, sans se sentir vraiment concerné. Les images sont élaborées et construites de toutes pièces. Du photoshop avant photoshop.

Certes sur une diapo de 3x4m accrochée au mur on a plus de détails à voir que sur une reproduction du catalogue. Mais il ne faut pas penser se rapprocher pour gagner encore plus de détails. Ce qu'on gagne c'est du grain, la perception des déformations de perspective, un défaut des couleurs, alors que se rapprocher d'un ambrotype ou d'un dagueréotype apporte une masse d'informations supplémentaires. Sans doute, le rapport entre le grand contexte général et les petits détails est exarcébé.

Par exemple, ce qu'on prend dans le catalogue pour une scène de guerre (Dead Troops Talk) se transforme en théatre de guignols lorsqu'on s'approche et qu'on examine le visage des soldats: l'un est hilare, l'autre porte une blessure en carton-p^ate, deux autres échangent leur pronostique pour France-Allemagne. Le cahier d'accompagnement cite Goya et Otto Dix. Or on ne retrouve pas ici l'horreur des Désastres de la guerre ou des Tranchées de la grande guerre, mais plutot une transposition hollywoodienne du radeau de la méduse ou encore la Crimée de Fenton.

Le public semble ^etre connaisseur, on essaye d'échanger des regards de connivence, "tiens, là j'y étais", "et ca, vous avez vu?", "et mes chaussures qu'en pensez-vous ?", "est-ce que le garcon tombe pour de vrai ?".

Sur le fond ensuite. Le principal propos semble ^etre dans le symbolisme des images.

Le cahier d'accompagnement donne quelquefois les pistes d'un discours politique sous-jacent souvent tiré par les cheveux : ici une tranchée de fouille au milieu d'une jungle symboliserait la destruction d'une civilisation amérindienne; là un panoramique du bois flotté sur la Columbia River, le déboisement intensif. Le commentaire technique du cahier est faible: pour cette image l'artiste a reconstitué complètement une scène en studio (mazette), ou bien telle image (le coup de vent d'après Hokusai) a demandé des mois de travail (incroyable).

Les images sont distanciées et lointaines. le spectateur essaye de se rattraper avec des petits jeux: chercher Nestor, as-tu vu Mirza ? quel tableau classique se cache dans ce détail ? comment a-t-il fait ca ? combien de lés comporte ce tirage ? bref on essaye de comprendre et lorsqu'on croit comprendre on est décu par la faiblesse du propos, du pastiche, ou de la copie.

Signalons une ou deux trouvailles quand m^eme: fraichement creusée dans un cimetière, une tombe remplie à moitié d'eau avec un fond marin d'oursins et d'étoiles de mer ou encore un groupe d'enfants subjugués par un ventriloque sensés symboliser un monde d'avant la télévision. Ce qui semble compter, car on est toujours dans les apparences, c'est la théatralité des choses, une illusion de la réalité.

Je m'étais fait une joie de voir la photographie du fameux Panorama de Lucerne repésentant la tentative de l'armée francaise de trouver refuge en Suisse en janvier 1871 (en Sibérie donc). La déception a été à la hauteur. On se trouve devant autre chose: un panoptyque très partiel du panorama oú Wall déconstruit sa manière de photographier, donne une sorte de description de son mode de procéder, un panorama en abyme du restaurateur. C'est donc alors un autre jeu qui s'ouvre avec la reconnaissance des multiples traits personnels ou carrément autoportraits parsemant l'oeuvre.

En résumé, cette exposition est un beau terrain pour l'analyse et un vague terrain pour l'émotion.

Mais le meilleur chez Beyeler, c'est la croute: Bonnard, Cézanne, Degas. Quelle lumière dans les Degas, c'est l'ivresse des sens, on est happé par les effets de couleur et de mouvement, on est ému, on se dit qu'on est quand m^eme venu pour quelque chose.

Super compte-rendu, enfin un point de vue !
Merci :)