Souvenir de Bâle Lieux visités : salon Photo Basel - Expo Rhy Art - foire au livre d'art (Kaserne) - foire Art Basel (Basel Messe)
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salon Photo Basel, Johannvorstadt 19-21[
www.photo-basel.com]
Le nouveau salon Photo Basel n'enlève rien de ce qui existait auparavant en galeries de photo à Art Basel. Ce sont simplement d'autres galeries qui exposent en même temps.
Le lieu est sympathique, un mélange de vieux édifices avec des beaux escaliers ultra-suisses en bois massif (très massif même) et des planchers qui craquent, et de fraîchement rénové avec des murs en béton brut de décoffrage. Pas loin du Rhin, St. Johannvorstadt 19-21. en rive gauche, c'est l'occasion d'entrer dans une de ces maisons bâloises.
Impressions à la va-vite non classées : un éventail de styles photographiques large, des trucs impossibles, des trucs suisses, des beaux palladiums japonais mais sur des sujets bof-bof. Et les prix marqués le plus souvent.
Un peu de photos anciennes, un Sander, un Atget mais de retirage des années '50.
55000 euros pour un grand Becher (petite maison à colombages) considéré comme pas terrible par l'un des spécialistes du Grand Est présent à cette visite. Et un peu plus loin, un petit Yosemite de Saint Ansel, contact 20x25 cm, à 16500 euros. Pour moi, ramené au centimètre carré, il est clair que Saint Ansel, du moins à Bâle, et selon cet outil de mesure surfacique, cote toujours plus que les maîtres de l'école de Düsseldorf.
La prochaine fois, avant de dire cela à l'un des camarades du Grand Est qui n'apprécie guère Saint Ansel, j'allumerai un panneau fluo clignotant : « Achtung, Provokation! Den Troll nicht füttern, bitte! »--------------------
Expo Rhy Art[
rhy-art.com]
Saalbau Rhypark am Rhein
Muelhauserstrasse 17
Sur la même rive, un peu en aval, tout près du pont de l'autoroute avec son double étage.
Bon, que dire ? Pas mal de sculptures et autres machins en relief, encore des trucs suisses incompréhensibles par leurs références sarcastiques. Des trucs élégants, des trucs affreux. Comment s'y retrouver ?
Dans l'entrée, une Ferrari
[MD] présentée côté arrière, dont on ne voit pas tout de suite que le capot-moteur avant est effroyablement percé d'une espèce d'épieu acéré à la manière d'une défense antichar.
Pas loin, un truc qu'on croirait naïvement recouvert de papier d'aluminium froissé : pas-du-tout ! C'est une savante couche décorative faite de gouttes de soudure à l'étain, un travail de précision, goutte par goutte, un tour de force de microtechnique.
Petite marche le long des quais du Rhin, admiration des astucieux petits bacs-sur-câble qui permettent de traverser le large fleuve sans dépense énergétique aucune ; admiré le contraste étonnant entre une première pente de la rue du quai, soigneusement rasée de ses herbes folles, et la dernière pente inondable, tout au contraire, laissée libre, abondamment fleurie comme un alpage de Heidi. Surprenant, très beau, plus humain que la pauvre Ferrari transpercée de part en part. De l'autre côté du fleuve, un austère immeuble parallélépipédique à l'enseigne d'une fameuse maison pharmaceutique nous prouve, si c'était encore nécessaire, que l'art moderne et l'industrie vont la main dans la main.
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foire au livre d'art (Kaserne)Art Book Fair 2015
www.ineverread.com
Klybeckstrasse 1b
Traversée du Rhin en restant sur les quais pour rejoindre la Kaserne. L'ambiance change. On est très loin du salon aux Becher à 55000 euros. Des familles, des enfants jouant dans l'herbe, une atmosphère de guinguette. Sous une vaste halle bourdonnante de monde, des petites tables et des éditeurs de bouquins d'art de tous les âges : des jeunes éditeurs imberbes, des vieux éditeurs à barbe blanche, mais un public jeune, avec des nourrissons dans des foulards ventraux comme au Larzac en '75. Et des Japonais installés en Hongrie.
Le tout parrainé, entre autres, par une fameuse marque de bonbons-aux-herbes-suisses-de-précision. On aurait préféré que ce soit parrainé par un fabricant suisse de limonade au lactosérum, parce qu'il faisait soif.
Bref un événement bien sympathique, même si je n'ai trouvé aucun bouquin qui m'intéressait. Ça ratisse large, là aussi : on ne peut pas s'intéresser à tout !
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foire Art Basel (Basel Messe)[
www.artbasel.com]
Messeplatz
31000 m2 de surface d'expo, ça fait dans les 3 hectares, ça ne se parcourt pas en dix minutes. On change donc complètement d'échelle, et heureusement (pour rester dans les comparaisons surfaciques) le prix du ticket d'entrée à Art Basel n'est pas proportionnel à la surface offerte au visiteur, comparée avec Photo Basel. Une visite à Art Basel, ramenée à l'heure, c'est même bien moins cher que des séances de cinéma, et on ne s'ennuie jamais!
Par quoi commencer? Par la halle aux galeristes, là où l'on vend.
Et par la Foto, sans doute, toujours bien représentée par des galeries célèbres, mais néanmoins occupant une surface marginale vis à vis de celle dédiée aux autres arts.
Du Gursky, du Struth, du Ruff, du Baltz, du Ruscha, des Becher. La routine, quoi.
Neuf beaux gazomètres, et plus loin, neuf beaux châteaux d'eau. Mon préféré, celui avec une très large colonnade, et un élégant clocheton médiéval. Notre mentor de Bollwiller a demandé le prix : pour ces neuf
tours d'eau, il faut aligner nonante mille euros. Soit dix-mille par château d'eau. Le vendeur précisa que la série de neuf était vendue, mais qu'il en avait d'autres en réserve si on le souhaitait.
Un très beau Polidori carré, archi-net de chez Haute Résolution : une victoire de Samothrace dans sa galerie du Louvre. Mais un tirage qui, malgré sa perfection technique à mes yeux, suscita tout de même quelques critiques de la part de l'un des membres de l'équipe. La perfection n'est pas de ce monde !
Un très beau glacier, avec encore plus de pixels, probablement un raccordement d'images numériques tiré ensuite de façon gigantesque.
Et une photo représentant le dos-dépoli d'une Linhof Technika, légendée « Christopher Williams, 2007-2008 ». La Technika rejoindrait-elle la Victoire de Samothrace parmi les belles pièces de musée fournissant aujourd'hui de beaux sujets photographiques ?
Passons ensuite aux traditionnels F....ges de G...le (FdG en abrégé).
Une journée à Art Basel ne serait pas aussi attractive sans ses FdG, le jeu consiste à les extraire de la masse des oeuvres exposées, les FdG sont parfois bien cachés. Par ordre d'apparition, selon notre marche au hasard :
- une case à couverts des familles, mais re-fabriquée dans une belle matière noire mate ;
- trois beaux urinoirs finition inox poli ; je n'ai pas vérifié s'ils étaient suisses-de-précision, mais ils auraient mérité de l'être ;
- un bout de pneu de camion éclaté, comme on en voit partout sur les autoroutes de l'Ouest américain ;
- cinq bouteilles d'eau d'Évian
MD sous de belles cloches en plexi carrées ;
- un beau journal sous verre ; rien de nouveau par rapport à l'an dernier, me direz vous ? Si, si, cela n'avait rien à voir : c'était une double page de journal, certes sous verre comme l'an dernier, mais tournée de nonante degrés de façon que la lecture des textes du journal, rendue ainsi fort malaisée, ne gênait plus du tout la lecture de l'oeuvre exposée, journal agrémenté de cinq belles touches de peinture blanche agencées comme les cinq points d'un dé à jouer ;
- un beau billet de $1, et un beau billet de £5, bien encadrés sous verre, agrémentés d'un beau nez rouge pour chacun des deux personnages affichés ;
- le fin du fin, une paire de chaussures de sport noires, négligemment posées au pied d'une cloison d'exposition ; certainement le FdG le plus dur à détecter.
Je reconnais que j'ai toujours de l'admiration pour les sculptures extravagantes, plus que pour les peintures extravagantes, j'admire avec très peu de réserves l'imagination des artistes plasticiens-sculpteurs à faire quelque chose de nouveau, nouvelles formes, nouvelles matières.
Et puis il y a de l'art « moderne » qui est déjà classique, il y avait un beau bloc de pierre de Jean Arp, je dis « bloc » parce que je saurais pas décrire sa forme élégante. Superbe, inabordable pour le pékin moyen, évidemment.
Dans le genre : naguère provoc', mais aujourd'hui si classique, et qui a son propre musée à Bâle à deux pas, en forme de devinette.
Soit la description suivante expliquant de quoi l'oeuvre est composée, comme on dirait : huile sur toile
« Roues de bicyclettes, ferrailles de récupération, tiges et tubes en métal, planches et roues en bois, courroies en caoutchouc, ruban adhésif, colle, moteur électrique. »
Reconnaissable entre tous, voici évidemment le style de
Jean Tinguely. Notre mentor de Bollwiller, comme de coutume, n'a pas eu peur de demander le prix de cette oeuvre « La Tour, 1960 » = Eins komma acht Million.
Machine mécanique ? Jean Tinguely aurait apprécié de voir fonctionner sur les moquettes de la Basel Messe, pendant une foire-exposition entièrement dédiée à l'art, un très beau tour Schaublin
MD N° 140, en train d'usiner une pièce de forme farfelue, mais très artistique, en direct, avec retransmission vidéo par des optiques macro placées juste à l'extrémité de la broche. Ch'peux vous dire qu'il y avait du monde devant cette machine. Un beau coup de pub' pour l'honorable maison jurassienne (D'lémont) qui fêtait son centenaire (1915-2015) !
Dans le genre machine mécanique pour les nostalgiques, des projecteurs ciné 16 mm étaient mobilisés pour projeter des oeuvres sur film, j'avoue que j'ai plus regardé de près comment l'engin fonctionnait, que l'oeuvre projetée. Pour 2 de ces projecteurs, il y avait un astucieux montage du film en boucle que je découvrais, mais qui ne doit pas être nouveau : le film s'enroule sur une galette, par l'extérieur, mais il est repris au centre de la galette, pour une projection en boucle sans fin. Apparemment le truc était très bien réglé, ça tournait depuis le matin sans que la boucle n'ait sauté ou se soit emmêlée. L'an dernier à Art Basel j'avais vu une boucle de 20 mètres faisant tout le tour de la pièce, mais c'était moins spectaculaire que cette galette qui se vide par le centre et qui se remplit par la périphérie.
Autres amusements, optiques cette fois. Une série de lentilles boules à fond métallisé, différente diamètres agencés par ordre croissant et décroissant, deux états de surface pour le miroir arrière, soit poli blanc, soit dépoli jaune. Très beau. Et à un autre endroit, une énorme lentille rouge de 1m50 de diamètre, un peu comme un condenseur d'agrandisseur pour un négatif de format 1 mètre carré, dans un monture circulaire, lentille placée verticalement, au sol, donc à la hauteur des passants.
Terminons la halle aux galeristes par cette autre devinette.
À quoi reconnaît-on qu'on fait partie des dix plus chers artistes contemporains ?
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1/ vous êtes représenté à Art Basel par une fameuse galerie étazunienne ;
2/ bien entendu le prix de vos oeuvres n'est pas affiché ;
3/ mais votre nom n'est pas affiché non plus, ce serait encore plus vulgaire ;
4/ en option vous pouvez avoir droit à une petite cellule privée ;
5/ et de façon impérative, il vous faut un débonnaire vigile en faction à journée faite, avec son béret qui semble plus bâlois que basque, mais on ne saurait pas expliquer pourquoi.
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Terminons par la grande Halle aux installations. Dans le jargon Art Basel, on appelle cette section de la foire : « Unlimited ». Personellement, je préférerais « ungesperrt », mais ce serait moins parlant pour les visiteurs de Honk-Kong ou de Miami Beach, les autres implantations d'Art Basel. Et c'est vrai que dans la grande halle décorée de métal déployé par MM. Herzog & et de Meuron ...
(grand halle où, en mars-avril, on peut voir les grandes maisons d'horlogerie rivaliser avec des installations plus luxueuses les unes que les autres)... il y a du volume et de la surface pour les installation les plus débridées.
Dès l'entrée, impossible de rater l'artiste
Julius von Bismarck dans son bol tournant d'au moins cinq mètres de diamètre, impassible devant son ordinateur, assis à sa table de travail, le tout incliné de ce qu'il faut pour que la verticale apparente de son univers tournant soit bien perpendiculaire à la table reposant sur le bol incurvé vers le haut. Si l'artiste n'avait pas bougé de temps en temps les mains, on aurait pu croire à un mannequin. Je me suis dit que notre homme avec sa belle barbe de patriarche du pays de Bade devait s'imposer de fixer son ordinateur pour ne pas attraper le tournis à force de regarder le monde extérieur tourner autour de lui.
Dans cette grande halle, la tradition veut qu'il y ait pas mal de cabanons avec des projections vidéo ; avouons que cette année, nous n'avons pas fait la queue pour entrer dans les cabanons obscurs, et laissé les installations dématérialisées aux vrais amateurs. Nous concédons notre préférence pour le solide et le durable dans le monde réel, comme ce beau mur couvert de gamelles en alu ; d'un côté ; et de l'autre côté, planté d'arbres à l'horizontale, auxquels étaient accrochés de beaux sacs plastiques multicolores.
Trop durables, hélas, ces sacs plastiques, et les tristement célèbres
gyres-à-plastique de l'océan Pacifique, sont là pour nous rappeler qu'on aimerait parfois que nos emballages, si élégants soient-ils lorsqu'ils sont exposés à Bâle, soient un peu plus virtuels et un peu moins durables.
E.B.