Pour les amoureux de la précision qui auront à utiliser des optiques 24x36 modernes équipées d'une bascule (pour ceux que je connais, c'est une bascule sur berceau), il faut préciser que la règle suivante
« les bascules au niveau de l'objectif changent la netteté sans modifier la géométrie de l'image projetée »
n'est rigoureusement vraie qu'avec les
optiques de chambre quasi-symétriques, grand-angulaires ou focales standard les plus utilisées à la chambre lorsqu'on applique des bascules.
La règle n'est plus vraie lorsqu'un utilise un objectif asymétrique comme un télé-objectif ou un grand angulaire rétrofocus.
Avec de tels objectifs, en particulier les rétrofocus grand-angulaires, l'application d'une bascule alors que l'image n'est pas nette produit une distorsion particulière qui n'existe pas avec les optiques de chambre quasi-symétriques.
Cet effet était donc inconnu des photographes travaillant à la chambre qui uilisent assez peu les télé-objectifs et qui n'utilisent jamais de rétrofocus, parce que ça n'existe pas en grand format, jamais fabriqué parce que parfaitement inutile avec un appareil non reflex à film.
L'effet et été découvert et discuté sur galerie-photo par J.P. Planchon il y a quelques années, puis expliqué par Fabrice, un pro de la conception optique.
TSE24 mm sur 1DS mk2, effets de trapèze inhabituels, par J.P. Planchon
http://www.galerie-photo.org/n-f-69259.htmlL'effet est visible dans la situation suivante :
- appareil parfaitement horizontal donc film ou capteur parfaitement vertical ;
- on vise une façade verticale parfaitement parallèle au plan du film ou du capteur et on bascule l'objectif.
Dans ces conditions, quel que soit l'objectif, l'image est floue parce qu'elle ne respecte pas la règle de Scheimpflug : si l'objet et le détecteur sont plans et parallèles, la netteté parfaite entre les deux ne peut être obtenue qu'avec le plan de la planchette parallèle à ces du plans, c'est à dire l'axe optique parfaitement perpendiculaire aux deux plans. Et bien entendu il faut que le réglage de mise au point soit fait !!
L'image est donc obligatoirement floue si on bascule l'optique (vers le haut pour voir le sommet de l'édifice par exemple) mais rien n'empêche de diaphragmer pour, non pas forcément récupérer la netteté (nous parlons ici d'images de haut de gamme, pas d'une image de bloc-note numérique) pour homogénéiser le flou (c'est ainsi que fonctionne un sténopé ;-) )
- Avec l'optique quasi-symétrique comme les optiques de chambre grand-angulaires ou standard, la géométrie n'est pas altérée, aucune distorsion en trapèze n'apparaît dans la pseudo-image projetée floue, mais de netteté acceptable une fois l'optique diaphragmée.
- Avec l'optique rétrofocus, la pseudo-image projetée floue même diaphragmée au-delà du raisonnable (et pour bien utiliser un capteur de trente-douze millions de pixels 24x36, il ne faut pas trop diaphragmer !!) est affectée d'une étrange distorsion, celle découverte par J.P. Planchon, effet qui n'est pas interprétable par un tracé de rayons de type sténopé / projection conique de perspective traditionnelle.
L'optique de chambre quasi-symétrique présente donc, pour l'enchaînement des réglages, et pour ceux qui veulent contrôler la géométrie de leur projection dès la prise de vue sans post-traitement numérique, l'avantage décisif de pouvoir régler en séparant tout ce qui est projection / géométrie de tout ce qui est netteté / Scheimpflug.
On peut régler ainsi, du moins dans les cas les plus simples rencontrés par nos lecteurs du XXIe siècle en photo urbaine ou de paysage :
- On règle la géométrie de l'image projetée, qu'elle soit nette ou floue, peu importe, en jouant uniquement sur le corps arrière ; il faut tout de même que l'image ne soit pas trop floue !!
- On règle la netteté par les bascules de Scheimpflug uniquement en tournant l'objectif.
Par exemple en photo d'architecture classique, chambre bien de niveau, on ne se sert que du décentrement pour cadrer et on ne pointe jamais l'axe optique vers le haut. Néanmoins on peut pointer à peine l'objectif vers le haut, on perd alors la netteté ; mais tant que le plan du film est vertical, les verticales, bien que partiellement floues, resteront parallèles dans l'image. Avec une optique de chambre quasi-symétrique.
On se sert des bascules latérales pour régler la netteté si le plan de l'édifice est incliné, par exemple : en représentation traditionnelle, les verticales n'ont pas le droit de converger, mais on accepte que les fuyantes horizontales convergent.
Voir les bons ouvrages comme le Groulx ou le Stroebel (en anglais) pour comprendre comment on peut changer la projection en jouant sur les mouvements de la chambre, c'est fascinant mais plus du tout utilisé par les photographes pro d'aujourd'hui (me semble-t-il).
Cette vision idyllique : netteté en jouant avec les bascules sur l'objectif, géométrie de la projection en jouant sur l'arrière uniquement, a néanmoins quelques limites.
Dans la photo de paysage classique avec des optiques qui n'ont pas un très grand cercle image, on peut faire comme Saint Ansel, c'est à dire simplement basculer le dos pour que le sol soit net de 1m à l'infini (Scheimpflug). Procéder ainsi évite que la limite du cercle image ne soit atteinte trop vite, ce qui se passe en basculant l'objectif. C'est une pratique courante avec une chambre de campagne qui possède une bascule d'axe horizontal à l'arrière.
Si le dos basculé n'est plus vertical, tout objet cubique dans le champ avec des arêtes verticales verra ses verticales projetées sous forme convergente, donc pas correcte au sens de la perspective classique.
Pencher l'axe optique vers le bas et remettre le dos à la verticale, puis régler le cadrage par décentrement est une façon de faire qui permet de satisfaire à la fois la règle de Scheimpflug et la non-convergence des verticales projetées avec une chambre qui n'a pas une très grande amplitude de décentrements.
Avec une monorail moderne vous êtes libéré de toutes ces contraintes, votre seule limite est le cercle-image de vos objectifs.
Et j'ajouterais : avec le post-traitement numérique, vous pouvez-même vous considérer comme libéré de toutes ces contraintes de réglage de projection à la prise de vue, mais c'est un autre débat ;-)
E.B.Modifié 1 fois. Dernière modification le 14/03/15 11:36 par Emmanuel Bigler.