Jenny de Vasson, une photographe époustouflante sauvée de l’oubli
Presque tous ses écrits ont été détruits à sa mort en 1920. Ses photos, en partie brûlées pendant l’Occupation. Mais grâce à une exposition à La Châtre, dans l’Indre, l’histoire de Jenny de Vasson et son œuvre singulièrement moderne sont enfin redécouvertes.
Une œuvre qui a failli disparaître (deux fois) prend une saveur particulière, un goût de miracle fragile qui décuple sa valeur. Ainsi sont les photographies de Jenny de Vasson (1872-1920), d’autant plus saisissantes qu’elles émergent de l’oubli où la propre volonté de l’artiste d’abord puis la folie de l’Occupation auraient dû les plonger pour toujours. Et dont les a tirées un enchaînement de rencontres et de hasards tardifs.
Berrichonne, fille unique d’un magistrat et d’une aristocrate férue d’art, Jenny de Vasson est née à La Châtre (Indre). Son père y était procureur, et c’est sur les grilles de l’ancien palais de justice que la ville expose aujourd’hui soixante de ses clichés, tirés en grand format sur des plaques en aluminium. Ils témoignent de la vie intime d’une bourgeoisie aisée et cultivée — couture ou toilette saisies sur le vif, voyages, portraits de groupe composés avec soin — et d’un Berry profondément rural : travaux des champs, portraits de domestiques, de paysans ou de soldats. Une photographie documentaire et sociale, rare dans ce XXe siècle naissant — surtout devant l’objectif d’une femme. « La tradition pictorialiste de l’époque imitait généralement la peinture, rappelle le photographe Jean-Marc Zaorski, qui participa à la redécouverte de cette œuvre. Le regard de Jenny de Vasson est d’une grande modernité, attentif au cadrage, aux perspectives, à la composition de la scène. Une photo de rue prise en Sicile en 1906 ressemble au travail d’Henri Cartier-Bresson, qui n’était pas né. Quant aux portraits, sobres et puissants, ils évoquent ceux que fera dans les années 1920 l’Allemand August Sander. » Avec cet accrochage hors les murs, visible de tous au détour d’une balade, la directrice du musée George-Sand et de la Vallée noire de La Châtre, Vanessa Weinling, espère « rendre Jenny de Vasson aux habitants de la région, qui souvent ne la connaissent pas. »
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