distraction / méditation
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Envoyé par OUTIS 
distraction / méditation
mercredi 17 décembre 2014 10:18:58
Teste par MRG

Un texte livré à votre méditation/

Benjamin: réception par la distraction
with 5 comments

Dans les derniers paragraphes de l’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin analyse en termes d’attention les mutations de ce qu’il appelle le mode de perception de nos sociétés. Ce qui caractériserait le mode nouveau serait la « réception par la distraction », concept qu’il explicite par les exemples complémentaires du cinéma (comme art nouveau appelant des modes d’attention nouveaux) et de l’architecture (comme art ancien qui pour sa réception a toujours fait appel à l’usage autant voire plus qu’au recueillement de l’attention) à quoi il oppose la peinture et la poésie comme arts anciens du recueillement (non qu’ils soient indemnes de la mutation, bien au contraire: plutôt « liquidés » de l’intérieur par le geste dada).

On trouvera infra les extraits qui précisent ce que je ne fais ici qu’annoncer.

Deux remarques, cependant, avant ça:

Par opposition à la peinture, au tableau qui invite le spectateur (individuel) à la contemplation et au recueillement (que Benjamin caractérise par l' »abandon à ses associations »[1]), le cinéma, le film s’empare de la pensée du spectateur (collectif) et la guide. Mais qu’en est-il alors de la fiction romanesque qui a accompagné la culture bourgeoise tout au long de son histoire? N’y a-t-il pas chez Benjamin une inscription abusive dans la chronologie d’une différence dans les modes de réception qui se constate aussi bien dans la synchronie[2]? Ou bien faut-il plutôt interpréter à la lumière de l’analyse benjaminienne les différences qui séparent le récit filmique du récit textuel comme le véritable lieu de la rupture: présence réelle de l’image (d’où asservissement de l’imagination) et surtout inscription dans la réception d’une temporalité contrainte?

Ce qui repose la question activité / passivité. Ici, dans le moment saisi par Benjamin, la nouveauté se caractérise par le passage activité > passivité. Cependant, alors que l’analyse benjaminienne apparaît si pertinente à s’appliquer aux mutations induites par le numérique, c’est le mouvement inverse: passivité de la lecture livresque (de la réception d’un cours magistral, etc.) > activité, voire hyperactivité, qui semble caractériser ces dernières. La clef du paradoxe se trouve peut-être dans le texte de Benjamin lui-même: le spectateur de Benjamin est moins passif que distrait (ou dispersé, notion que connote plus fortement zerstreut, voire multi-attentionné) et s’il laisse le spectacle se dérouler devant lui, il ne cesse dans le même temps de l’évaluer:

« Le public est un examinateur … distrait. «

Cette activité évaluatrice plutôt qu’associative ou imaginative est bien ce que l’observation des usages comme l’imagerie cérébrale retrouvent comme caractéristique de la lecture sur le web par opposition à la lecture livresque. Si la notion de « culture de l’écran » fait bon marché de l’opposition passivité / activité qui sépare la réception des écrans télévisuels de l’usage des écrans numériques, on trouverait chez Benjamin les éléments d’une caractérisation plus précise des attitudes d’activité et de passivité et des modes d’attention qu’elles opèrent face aux productions culturelles, caractérisation qui permettrait de penser la continuité d’un processus à travers ces ruptures.



La reproduction mécanique de l’art change la réaction des masses envers l’art. L’attitude réactionnaire envers un Picasso se change en une attitude progressiste envers un film de Chaplin. (XII)

Dada (XVII)
Les dadaïstes s’appuyèrent beaucoup moins sur l’utilité mercantile de leurs œuvres que sur l’impropriété de celles-ci au recueillement contemplatif. Pour atteindre a cette impropriété, la dégradation préméditée de leur matériel ne fut pas leur moindre moyen. Leurs poèmes sont, comme disent les psychiatres allemands, des salades de mots, faites de tournures obscènes et de tous les déchets imaginables du langage. Il en est de même de leurs tableaux, sur lesquels ils ajustaient des boutons et des tickets. Ce qu’ils obtinrent par de pareils moyens, fut une impitoyable destruction de l’aura même de leurs créations, auxquelles ils appliquaient, avec les moyens de la production, la marque infamante de la reproduction. Il est impossible, devant un tableau d’Arp ou un poème d’August Stramm, de prendre le temps de se recueillir et d’apprécier comme en face d’une toile de Derain ou d’un poème de Rilke. Au recueillement qui, dans la déchéance de la bourgeoisie, devint un exercice de comportement asocial[3], s’oppose la distraction en tant qu’initiation à de nouveaux modes d’attitude sociale. Aussi, les manifestations dadaïstes assurèrent-elles une distraction fort véhémente en faisant de l’œuvre d’art le centre d’un scandale. Il s’agissait avant tout de satisfaire à cette exigence : provoquer un outrage public.

cinéma (XVII – XVIII)
Que l’on compare la toile sur laquelle se déroule le film à la toile du tableau ; l’image sur la première se transforme, mais non l’image sur la seconde. Cette dernière invite le spectateur à la contemplation. Devant elle, il peut s’abandonner à ses associations. Il ne le peut devant une prise de vue. À peine son œil l’a-t-elle saisi que déjà elle s’est métamorphosée. Elle ne saurait être fixée. Duhamel, qui déteste le film, mais non sans avoir saisi quelques éléments de sa structure, commente ainsi cette circonstance : Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées.[4]

Duhamel voit dans le film un divertissement d’ilotes, un passe-temps d’illettrés, de créatures misérables, ahuris par leur besogne et leurs soucis…, un spectacle qui ne demande aucun effort, qui ne suppose aucune suite dans les idées…, n’éveille au fond des cœurs aucune lumière, n’excite aucune espérance, sinon celle, ridicule d’être un jour « star » à Los-Angeles.[5]

architecture (XVIII))
On le voit, c’est au fond toujours la vieille plainte que les masses ne cherchent qu’à se distraire, alors que l’art exige le recueillement. C’est là un lieu commun. Reste à savoir s’il est apte à résoudre le problème. Celui qui se recueille devant l’œuvre d’art s’y plonge: il y pénètre comme ce peintre chinois qui disparut dans le pavillon peint sur le fond de son paysage. Par contre, la masse, de par sa distraction même, recueille l’œuvre d’art dans son sein, elle lui transmet son rythme de vie, elle l’embrasse de ses flots. L’architecture en est un exemple des plus saisissants. De tout temps elle offrit le prototype d’un art dont la réception réservée à la collectivité s’effectuait dans la distraction. Les lois de cette réception sont des plus révélatrices.

Les constructions architecturales sont l’objet d’un double mode de réception : l’usage et la perception, ou mieux encore : le toucher et la vue. On ne saurait juger exactement la réception de l’architecture en songeant au recueillement des voyageurs devant les édifices célèbres. Car il n’existe rien dans la perception tactile qui corresponde à ce qu’est la contemplation dans la perception optique. La réception tactile s’effectue moins par la voie de l’attention que par celle de l’habitude. En ce qui concerne l’architecture, l’habitude détermine dans une large mesure même la réception optique. Elle aussi, de par son essence, se produit bien moins dans une attention soutenue que dans une impression fortuite.

réception par la distraction (XVIII)
S’habituer, le distrait le peut aussi. Bien plus : ce n’est que lorsque nous surmontons certaines tâches dans la distraction que nous sommes sûrs de les résoudre par l’habitude. Au moyen de la distraction qu’il est à même de nous offrir, l’art établit à notre insu jusqu’à quel point de nouvelles taches de la perception sont devenues solubles. Et comme, pour l’individu isolé, la tentation subsiste toujours de se soustraire à de pareilles tâches, l’art saura s’attaquer aux plus difficiles et aux plus importantes toutes les fois qu’il pourra mobiliser des masses. Il le fait actuellement par le film. La réception dans la distraction, qui s’affirme avec une croissante intensité dans tous les domaines de l’art et représente le symptôme de profondes transformations de la perception, a trouvé dans le film son propre champ d’expérience. Le film s’avère ainsi l’objet actuellement le plus important de cette science de la perception que les Grecs avaient nommée l’esthétique.

Dans la version de 1939[6], la fin de ce dernier paragraphe est différente. La dernière phrase est remplacée par:

In seiner Chockwirkung kommt der Film dieser Rezeptionsform entgegen. Der Film drängt den Kultwert nicht nur dadurch zurück, daß er das Publikum in eine begutachtende Haltung bringt, sondern auch dadurch, daß die begutachtende Haltung im Kino Aufmerksamkeit nicht einschließt. Das Publikum ist ein Examinator, doch ein zerstreuter.[7]

En son effet choc, le film vient à la rencontre de ce mode de réception. Le film pousse la valeur cultuelle à l’arrière-plan non seulement en mettant le public en position d’évaluateur mais aussi en ce que la position d’évaluateur au cinéma n’implique pas l’attention. Le public est un examinateur, mais un examinateur distrait.

Où se croisent le thème de la distraction (de la perte de l’attention) et celui de la fin de l’expertise.

Je ne peux m’empêcher alors de penser aux films des Straub, aux longs panoramiques de Fortini, Cani en particulier, ou bien aussi au long plan final d’Au Travers des oliviers, d’Abbas Kiarostami, découvert chez Christian Fauré – dont toute la magnifique série « Shots that changed my life » invite à repenser la thèse de Benjamin, formulée avant la grande époque de la cinéphilie, qui peut s’interpréter comme la ré-injection dans le cinéma du recueillement – et de la figure de l’auteur.
avec des différences analogues quant aux valeurs, la lecture de roman étant dans le long temps de cette culture bourgeoise considérée peu légitime
L’archétype théologique de ce recueillement est la conscience d’être seul à seul avec son Dieu. Par cette conscience, à l’époque de splendeur de la bourgeoisie, s’est fortifiée la liberté de secouer la tutelle cléricale. À l’époque de sa déchéance, ce comportement pouvait favoriser la tendance latente à soustraire aux affaires de la communauté les forces puissantes que l’individu isolé mobilise dans sa fréquentation de Dieu.
Georges DUHAMEL, Scènes de la vie future, Paris, 1930, p. 52.
Georges DUHAMEL, op. cit., p. 58.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 17/12/14 10:25 par OUTIS.
Re: distraction / méditation
mercredi 17 décembre 2014 22:31:42
Re: distraction / méditation
mercredi 17 décembre 2014 23:07:27
Jean Claude,

Ici c'est un forum de photographes pas de philosophes...
Quand ça dépasse trois lignes et qu'il n'y a pas d'image, je ne lis plus ;-)))

=====================================================================
Anything more than 500 yds from the car just isn't photogenic. - Brett Weston

Quelques images et vidéo : [www.facebook.com]
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 00:49:53
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 00:59:44
L'esthétique est une discipline philosophique.

On peut faire de la philosophie sans être philosophe.

On peut également faire des photos sans être photographe.

Enfin quand si l'on est capable de lire trois lignes, on peut en lire 6, puis 12 etc..

OYTIS



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/12/14 01:06 par OUTIS.
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 13:43:29
J'apprécie énormément cette "ouverture", @OUTIS.
Ça me rappelle les "cours" de Willem Flusser, aux Beaux-Arts, voire de certains articles complexes partagés sur GP (...Henri Peyre...) Et autres "Culture Visuelle", .../...
En effet, les forums de Galerie-Photo.com, notamment en "esthétique et autres discussions", devraient être l'occasion pour des "Photographes", ayant une haute définition de notre passion commune, de croiser mots et idées, autour de La Photographie.
" Etre Photographe " n'a jamais été le seul profil d'intéressants virtuoses techniciens.
Il serait plus agréable et logique, d'intégrer effectivement des photographies, légendées, dans des commentaires, mais le concepteur en a décidé autrement (?)
( le renvoi de liens est possible, mais moins sympa )

Néanmoins, connaissant, malheureusement, les sbires guerriers récurrents, je referme aussitôt les volets blindés et la fenêtre anti-diffraction. Je me demande bien pourquoi j'ai été distrait ?

2015 impertinences et incertitudes... Respects.
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 14:33:43
Merci pour ces 2014 secondes de distraction qui donnent à méditer.

Merci aussi d'avoir su nommer ces "sbires guerriers récurrents", engeance jusque là innommée mais bien réelle.

Respect donc.

OYTIS
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 14:58:35
La perception de toutes les disciplines balance entre activité et passivité, même si toute activité nouvelle sera perçue au premier abord par la distraction (la nouveauté).
Impossibledonc pour moi d'avoir une quelconque opinion sur un texte dont je ne partage pas les prémisses.

Gabriel
gabrielramon.com
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 16:37:08
Bonjour à tous,

En allant vite je pense qu'il y a des choses à voir du côté de l'expérience entre
- la réception des images (filmiques) qui comme Outis le souligne sont dans une temporalité qui s'impose au spectateur, avec une nuance lorsqu'un film est regardé par le petit écran (possibilité de faire une pause, revenir, re-revenir)
- la création des images (mentales) lors de la lecture d'un texte, et une temporalité que le lecteur décide en partie
- un peinture ou photo dont le spectateur maitrise totalement la temporalité de l'expérience, puisque la lecture et la création d'image (mentale) est laissée totalement dans les mains du spectateur.

Je suis d'accord avec l'idée de cette séparation "le récit filmique du récit textuel comme le véritable lieu de la rupture: présence réelle de l’image (d’où asservissement de l’imagination) et surtout inscription dans la réception d’une temporalité contrainte?"

Cependant de la à conclure que cinéma = distraction et peinture , photo, sculpture = activité de la création d'image mentale, intérieure... c'est certainement abusif.

J'ai beaucoup apprécié le point de vue de Hans Belting sur le fait de penser le corps comme medium de l'image et donc de placer la personne comme acteur et lieu de l'image. J'y trouve une réflexion plus fructueuse qu'un point de vue presque normatif de Benjamin qui oppose les choses.

tout ça en allant très vite

bonne journée à tous

Romain
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 17:28:22
Le texte n'est pas de moi. Je n'en partage pas la conclusion, lé méditation au sens chrétien, comme face face avec Dieu.

Je suis heureux de lire les réactions. Gabriel je trouve va un peu vite. Quant à Romain sans doute a-t-il raison, mais je ne peux guère polémiquer ne connaissant pas Hans Belting.

Certes Benjamin est passéiste, cela veut surtout dire qu'il regarde vers le passé. mais c'est notre provenance qui permet de comprendre notre présent.

Notre rapport aux images changé, cela est une évidence. Pour Nicéphore l'Iconodule, l'image avait une fonction anagogique, elle élevait l'âme par une pratique de la méditation. Il en est de même des grands oeuvres picturales. Cette fonction en dehors de quelques pratiques fétichistes est en voie de disparition. La fonction distrayante paraît évidente. Même les oeuvres d'art contemporain n'attire l'attention pas plus de quelques minutes.

Comme la distraction chez Pascal éloigne le croyant des la vraie question du salut, il est évident que la distraction par flux d'images, nous empêche de voir et de penser l'essentiel. Et comme toujours avec Benjamin on en arrive à la politique qui est la vraie question. De ce point de vue se détourner des écrans ne serait-ce qu'un instant est déjà un acte d' insoumission. Bien des révolutions de pensée se sont nourries de "passéisme".
Re: distraction / méditation
jeudi 18 décembre 2014 19:48:59
Une fois n'est pas coutume je partage votre dernière opinion, même si, au sujet de Pascal, mes réminiscences scolaires m'avaient invité á penser le contraire de ce que vous exprimez. (Mais je me trompe sûrement, ce ne sont que de lointains souvenirs.)

Gabriel
gabrielramon.com
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 00:27:19
Mes réminiscences scolaires remontent à la seconde. Mr Kreisler notre professeur de français, durant cette année n'étudiait avec nous que Pascal et Montaigne. Je lui dois mes premières leçons de Philosophie, et plus encore. Ils nous apprenait à travers ces grands auteurs à penser par nous mêmes. Des méthodes pédagogiques sans aucun doute passéistes, venant d'un homme dont la quasi totalité de la famille était morte à Auschwitz.

Le destin nous accorde parfois de rencontrer des êtres d'exception qui changent le cours de votre histoire.

OYTIS



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/12/14 17:39 par Emmanuel Bigler (modérateur).
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 15:19:41
Bonjour Jean-Claude et merci de nourrir nos réflexions par des textes.

Je ne répondrai pas sur le fond de la discussion (du moins pas pour l'instant) mais je picore avec gourmandise cette phrase attribuée à Georges Duhamel (1884 - 1964), un auteur de l'entre-deux guerres bien oublié de nos jours, mais cependant moins oublié que Gyp ou Marcelle Tinayre dont Reboux & Muller se moquaient (avant la guerre de quatorze) avec férocité dans leurs légendaires pastiches.

G. Duhamel dit à propos du cinéma, opposé à la vision d'un tableau :
Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées.

Et je ne peux pas m'empêcher de faire le lien avec la profession de foi fondatrice de galerie-photo.info, selon Henri Peyre : ici, sur ce forum pourtant dédié aux images, on n'affiche point d'images, même pas fixes, et encore moins mouvantes qui pourraient se substituer à la pensée ; le texte écrit, oui le texte seul a droit de cité dans nos discussions.

Et selon le Wiki de service, G. Duhamel qui pratiquait régulièrement la musique en tant que bon amateur fustigeait ce qu'il appelait « de la fausse musique, de la musique de conserve », c'est à dire la musique « mécanique » écoutée au phonographe de 1930 (en étant passif) et non pas jouée en famille (donc en étant non seulement actif, mais acteur) comme on le fait, dit-on, dans les familles allemandes de façon bien plus répandue que de ce côté-ci du Rhin.
(Cette pratique de la musique familiale se perd peut-être en Allemagne de nos jours, mais par le passé cela n'a pas empêché l'Allemagne d'être certainement un très grand marché pour l'édition phonographique ; c'est une autre histoire qui va de pair avec la pratique familiale de la photographie & l'importance du marché photographique allemand).

E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/12/14 15:19 par Emmanuel Bigler.
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 17:38:01
Selon une tradition désormais bien établie, voici une version pdf du texte que J.C. Mougin nous soumet.

J'ai demandé (discrètement) à l'un des modérateurs de faire une p'tite correction dans le texte de l'une des réponses de JCM ; il s'agit du patronyme de M. Kreisler, prof de français à B'zançon dans l'après guerre.
Alexandre Kreisler (1910-1979) reçu à l'agrégation de grammaire en 1937, je pense qu'il s'agit de lui, sans ambiguïté possible.

E.B.



Modifié 3 fois. Dernière modification le 19/12/14 17:47 par Emmanuel Bigler.
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 18:02:09
ça va se terminer par la taille de silex avec les potes de Daesh dans ce coin de forum....

[collodion-humide.com]
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 18:26:14
Tiens v'là mon cousin, qui revient du paléolithique inférieur !
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 19:29:23
"...qui pourraient se substituer à la pensée ; le texte écrit, oui le texte seul a droit de cité dans nos discussions."

Oui, du "Texte", des "Textes". Critiques, argumentés, contredits, questionnés, contextualisés, disputés...mais avec respects. Ça colle plus avec l'esprit que je prête à Henri Peyre.

2015 impertinences et incertitudes... Respects.
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 21:33:39
Cette bouillie peu reluisante ne m'inspire pas le respect donc je me tire à nouveau dans le paléolithique inférieur.

[collodion-humide.com]
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 23:18:31
Le philosophe se reconnaît à ce qu’il a inséparablement le goût de l’évidence et le sens de l’ambiguïté. Quand il se borne à subir l’ambiguïté, elle s’appelle équivoque. Chez les plus grands elle devient thème, elle contribue à fonder les certitudes, au lieu de les menacer. (Merleau-Ponty, leçon inaugurale au Collège de France)

Sur tout forum parlant de photographie, l'évidence n'est-elle pas que nous parlions d'images, et que nous en affichions ?
Qu'en dit le philosophe-palladonnicien qui vit l'ombre de la basilique des moniales de Paray ?
Ne devrais-tu pas nous ancrer dans des certitudes au lieu de nous livrer aux affres de l'ambiguïté ?

E.B.
Re: distraction / méditation
vendredi 19 décembre 2014 23:20:57
Fini le collodion, il va te falloir apprendre à tailler le silex, et c'est un autre boulot, un vrai boulot d'intello! Salue de ma part mes amis d'El Beyyed, ceux d'hier et d'aujourd'hui.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 19/12/14 23:59 par OUTIS.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 06:33:45
Il me semble que, pour la plupart, la réception de l'image ne me paraît plus (pour autant que cela ait été le cas par le passé) s'opérer entre distraction / méditation mais se situer au niveau du spectacle, dans sa dimension purement événementielle et où tout a vocation à devenir marchandise ; toute occasion de voir une image n'ayant aucune dimension utilitaire place instantanément le regardeur dans la peau du spectateur et celui-ci, s'il ne retrouve pas rapidement dans l'image qu'il découvre les codes du spectacle (largement normalisés par la publicité et l'industrie culturelle) il s'en détourne aussitôt. L'image ne semble devoir l'atteindre, tracer un chemin en lui, que pour autant qu'il y retrouve les codes du spectacle, quels qu'ils soient (provocation, humanisme sucré, pseudo romantisme pompier, etc...). Et le monde regorge d'images, publicitaires dans leur immense majorité, à l'aune desquelles se construit le goût des images, la réception, voire la production, des images qui pourtant se donnent comme ne relevant pas de cette dimension. Il n'y a plus distraction ni méditation, mais une fabuleuse saturation de l'humain par l'image parmi la masse desquelles en jaillit parfois une, pour un moment plus ou moins bref, mais qui bientôt replongera dans la nuée qui nous submerge. Est-ce distraction, incapacité à la méditation, platonicienne avant de devenir religieuse, ou plutôt l'avènement d'un homme tout entier pris dans le cycle de la production et de la consommation incapable de trouver en lui la distance nécessaire pour s'attacher au monde tel qu'il est et non tel qu'objet d'un désir de consommateur, avènement du spectateur comme "regardant" à l'âge de la totalisation marchande ?
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 08:45:07
Profit collectif
La masse sociétale, c'est le public-consommateur distrait, (volontairement ?), par des "aperçus" visuels, sonores et olfactifs... à moindre prix.

Science de la perception
Ici, c'est un cénacle de quelques individus en hyperactivité (d'où passion, attention, contemplation, méditation, réflexions, questions, discussions), ouverts à la réception de Photographies, en une toute petite chapelle, dont certains distraits en sus, par la reproductibilité technique, de ces images hors-normes, malheureusement refusées en ce forum.

2015 impertinences et incertitudes... Respects.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 09:03:37
Martial Maurette Photographe écrivait:
-------------------------------------------------------
> La masse sociétale, c'est le public-consommateur
>
> Ici, c'est un cénacle de quelques individus

Il est illusoire de penser que nous échapperions, par la grâce de l'appartenance à un cénacle (quel en sont les critères ?), à l'image telle qu'elle se produit et se reçoit dans le monde où nous sommes. Nous appartenons, quoi que nous puissions en dire, à la "masse sociétale", ce qui n'interdit pas que l'on puisse développer un discours critique à son endroit (critique au sens où l'on essaie de repérer ses modes de fonctionnement), mais sans jamais perdre de vue cette appartenance et la profonde influence quelle opère en nous.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 09:54:11
@mmp (avatar ?) :Je n'ai pas écrit que je n'appartenais pas à la masse, et concernant le "cinéma", que je préfère "voir" en film distrayant, seul chez moi, pour m'endormir, ...je fais bien sûr partie de l'humanité bourgeoise moyenne, distraite.

Je pense, je crois, que d'autres moi sont par contre très éveillés dès qu'il y a "Photographie". C'est une façon de "bien vivre".

2015 impertinences et incertitudes... Respects.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 10:42:35
Martial Maurette Photographe écrivait:
-------------------------------------------------------
> @mmp (avatar ?) :Je n'ai pas écrit que je
> n'appartenais pas à la masse, et concernant le
> "cinéma", que je préfère "voir" en film
> distrayant, seul chez moi, pour m'endormir, ...je
> fais bien sûr partie de l'humanité bourgeoise
> moyenne, distraite.
>
> Je pense, je crois, que d'autres moi sont par
> contre très éveillés dès qu'il y a
> "Photographie". C'est une façon de "bien vivre".

Ma réponse ne visait personne (non plus que l'initiateur de cette discussion, que selon la tradition ici je salue, en souvenir d'un échange ancien...) ; j'ai pris votre réflexion dans sa portée générale, posant la possiblité d'un cénacle qui pourrait mettre en oeuvre une modalité de réception des images qui ne soit pas celle de/des "masses, et lui répondait tout aussi généralement. Sans doute aurais-je dû être plus précis quant à cela.

Le fait que nous puissions, chacun à sa façon, être sensible à la photographie et, de ce fait, développer une approche qui aille plus loin que celle à qui elle n'est qu'une image parmi d'autre image, ne nous place pas pour autant en position de radicale extériorité à la réception des images telle qu'elle se produit dans le monde où nous sommes. Il nous faut, me semble-t-il, en être conscient et tenter de repérer, aussi bien en nous que dans la société, de quelle manière opèrent les images, la culture des images dans notre monde. C'est pourquoi l'existance d'un cénacle me paraît totalement illusoire, en tout cas comme existant "hors de".

Ce qui rejoint la question de la contemplation, quelle que soit la nature de ce qui est contemplé (expérience religieuse, mystique, de l'aura, etc...), qui tendrait à placer celui qui regarde comme hors de soi-même et des déterminations qui, entre autres, sont à l'oeuvre et construisent sa sensibilité de regardeur. L'opposition distraction / méditation me semble en effet peu pertinente car elle n'offre en somme qu'une seul modalité de réception des images, la méditation (ou la contemplation), la distraction que la marque de l'incapacité à pouvoir se placer en situation de méditer.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 11:40:01
Cher professeur Bigler, merci pour cette citation de Merleau-Ponty, dont la qualité littéraire en fait un pur joyau. Si vous lisez bien la phrase, en apparence élogieuse vis à vis des grandes philosophies, celle-ci est de fait critique et énonce bien que le pire en philosophie c'est la certitude.

Je n'ai pas de réponse à donner, et dans le texte proposé qui est d'un Anonyme, je ne fais que poser une question, et c'est comme cela que l'intervention a été comprise. L'évidence est que nous parlons ici de notre rapport aux images, d'une façon quelque peu binaire ou bien, ou bien,soit. De toute façon il est interdit d'en afficher, sagesse de H.P. Sans doute aurait-il été assuré d'y voir le pire. Il suffit d'aller sur facebook pour voir comment le premier photographe venu se prend pour un artiste.

Que l'image distrayante l'ait toujours emporté sur l'image à méditer c'est évident. Qu'il y ait encore des esthètes et des amateurs d' images cela est évident aussi. L'idée d'un cénacle n'est plus guère d'époque.

Il existe un troisième rapport aux images dont il n'est pas parlé ici qui est le rapport fétichiste, l'idolâtrie , qui a valu leur condamnation par les deux grandes religions que sont le judaïsme et l'islam, et aussi la Réforme. C'est contre ces réaction iconoclastes qu'est apparue la pratique iconodule et méditative des images. Nicephore "Contre les Iconoclastes" IXème siècle. Il en existe une édition moderne aux Editions Klieksieck. L'icône a ainsi un sens "anagogique" dans l'église orthodoxe, qui a multiplié les images. Vraisemblablement ce culte des images non religieuses commencé à la Renaissance s'est laïcisé avec la naissance de l'esthétique au 18ème siècle et la pratique disons bourgeoise du jugement esthétique et également du cénacle.

Note au Professeur Bigler. Mes voisines papistes sont incontestablement iconodules, La Basilque de Paray-le-Monail qui me fait de l'ombre a été construite par les moines de Cluny au XI° siècle, et en esthète accompli je peux chaque jour en admirer la sublime et spirituelle façade, propre à élever l'âme d'un agnostique chrétien apostolique et romain. Pourtant Benjamin fait de l'architecture un art impropre à la méditation. L'ordre de la Visitation lui date du 18ème siècle.

OYTIS



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/12/14 11:47 par OUTIS.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 14:13:19
Alexandre Kreisler, surnommé Le Raz, était le frère de Jacques Kreisler, l'un des fondateurs du Festival de Musique de Besançon. Je crois me souvenir que ce frère était fourreur dans la Grande Rue.

OYTIS
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 15:07:52
Quelle maîtrise de l'iconologie et de la théologie de l'icône orthodoxe ! On sent que t'as vraiment travaillé le sujet.
Prions pour Nicéphore le patriarche de bien heureuse mémoire et responsable de cette avalanche d'images !

[collodion-humide.com]
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 15:48:02
Je n'en ai pas la maîtrise, mais je l'ai lu Nicéphore, ainsi que l'une de ses lointaines disciples en orthodoxie, Marie José Mondzian . Si tu ne l'as fait, mets toi au boulot!

"Si le spectateur naissant est l'homme même, la mort du spectateur est la mort de l'humanité. c'est la barbarie qui menace un monde sans spectateur".......... "Il ne faut pas céder sur notre liberté face à la violence des industries audiovisuelles". Marie José Mondzian . Voilà peut-être l'enjeu de ce que tu appelles "cette bouillie peu reluisante". Distration/méditation.

Maintenant si tu veux jouer au "pope" tu peux en appeler au "progrom", pour quiconque ne te plaît pas.

Enfin je ne dis pas que Nicéphore est responsable de cette "avalanche d'images" mais qu'il a défendu la valeur anagogique et non fétichiste ou non idolatre des icônes. Qu'il y ait maintenant beaucoup d'images dans les églises orthodoxes est une évidence, qu'il n'y en ait pas dans les temples Réformés, est vrai aussi.

Il n'est pas nécessaire d'être grand clerc, pour savoir et dire cela. Notre rapport aux images est la suite de cette histoire, et sans la victoire des Iconodules nous ne vivrions pas dans ce monde "tout images".

OYTIS

Enfin pour compléter tes lectures je te conseille la lecture de Shitao, le Moine Citrouille Amère, "Propos sur la peinture" et tu y découvriras que pour le moine taoïste la pratique de la peinture est le plus degré d'élévation spirituelle auquel peut parvenir celui qui prétend arriver au Tao. Et comme tu parlais Silex tru n'es pas savoir que l'homo sapiens sapiens, inventeur de ces merveilleux bifaces que tu peux encore admirer sur le soj d'El beyyed, était le premier Homo Spectator selon l'expression de Marie José Mondzian.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/12/14 15:56 par OUTIS.
Re: distraction / méditation
samedi 20 décembre 2014 15:52:42
Formidables... vos liens-signature Monsieur Jacques Cousin. Installé en "l'épicerie de mon village" à Saint Maurice de Satonnay (71260) situé près de Mâcon en Bourgogne du Sud.
Ayant eu une attaque de distraction-méditation, soit une heure de sieste provençale, je me suis surpris de rêver à votre "anibem/medina".
Bon, je ne pourrais jamais faire de stage de collodion-humide puisque réservé aux amateurs. Mais, souvenirs d'hier, j'avais touché ça avec les Sudre et leur frère Nicéphore.
Merci de ne pas cacher votre nom derrière un ridicule avatar, ...et surtout de partager de vraies images, correspondant à ce site.
Aucune peur d'être critiqué ou dénigré, j'ai la certitude que c'est du beau travail.

2015 impertinences et incertitudes... Respects.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 20/12/14 15:59 par Martial Maurette Photographe.
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