Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
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Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)

Envoyé par Emmanuel Bigler 
Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 10:43:33
Finalement, la copie numérique a du bon !

Lecture de « Télérama » N° 3398, du 28/02/2015, pages 26 & 27.

En complément d'un épais dossier intitulé « Qui nous dit que c'est un chef d'œuvre », Nicolas Delasalle nous raconte de manière plaisante l'aventure extravagante (datant de 2007, ce n'est pas vraiment une info récente) qui a consisté à fabriquer un fac-simile sur toile, à l'échelle 1, du fameux tableau de Véronèse « Les noces de Cana », qui est au Louvre à Paris, juste en face de la Joconde. 67 mètre carrés, ce n'est pas rien !

L'entreprise qui a réalisé le travail s'appelle « Factum Arte », fondée par M. Adam Lowe. La toile mesure 67 mètres carrés en surface, dans les 9 m de large et 7,5 m de haut. Le fac-simile a été réinstallé dans le réfectoire d'un couvent de Venise, d'où, nous dit A. Delasalle, il avait été volé en 1797 « par des soudards de Napoléon ».
(personnellement, pour 1797, je dirais : Bonaparte, car même en 1802, Napoléon, ne faisait que percer sous Bonaparte)

Ce réjouissant article plein d'humour soulève, me semble-t-il, un certain nombre de questions qui m'apparaissent comme pertinentes pour l'animation de notre forum « esthétique ».

La première remarque est que finalement, la copie numérique peut avoir du bon ; A. Lowe, cité par N. Delasalle, dit à propos de l'inauguration: « Quand j'ai vu les gens pleurer, j'ai vu qu'on avait fait quelque chose d'important. »

Deuxième remarque : est-il acceptable qu'une œuvre d'art majeure, volée par des soudards d'un pays A lors d'une razzia dans un pays B, ne soit pas rendue, même après plusieurs siècles, au pays d'origine ?

Troisième remarque, destinée à ce que Jean-Claude Mougin nous éclaire de ses lumières. N. Delasalle dit à propos du « faussaire », A. Lowe :

« Il veut faire mentir Walter Benjamin, qui décrétait que jamais l'aura d'une œuvre ne pourrait migrer de l'original à la copie .»

J'imagine que le texte de référence est celui-ci : « L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique » (disponible chez Allia, 2012, et sur le web, du moins dans cette version française de 1936).

Enfin, quatrième remarque, N. Delasalle cite ce point de vue de l'académicien Jean Clair :
« La réplique plutôt que la relique ! Vaut-il mieux l'œuvre dégradée, ou la copie supérieure à l'original dégradé, replacée dans le lieu de sa raison d'être ? »

Et vous, amis lecteurs, ne pensez vous pas que « le numérique » a du bon lorsqu'il fait de bonnes copies bien matérialisées, et non pas dormantes dans un fichier numérique ? ;-)

E.B.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 12:04:05
Restauration à la Française.
On bétonne et on vois le béton.

Restauration à l'Italienne.
On bétonne et on vois rien, comme si ça ne s'était pas écroulé.

Cf. Certaines restaurations vu à Siem Reap sur certains temples d'Angkor.

La Joconde au Louvre serait une réplique suite à sa dégradation au couteau...

L'impression sur toile est au point.
Peut être bientôt des imprimante capable d'imprimer avec de la vraie peinture.
J'avais vu il y a quelques années une démo d'un robot peintre.
On lui donne une image numérique et il la peignait sur une toile. A la façon des traceurs du siècle dernier qui utilisaient des "stylos".

Personnellement je suis plutôt pour la restauration, même via des fac-similé, que se soit de l'architecture de la peinture ou autre.
Je suis pour la diffusion de la connaissance, donc contre la rétention d'information, ceci incluant les œuvres d'art.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 12:48:54
Bonjour à tous,

Concernant la reproduction (numérique) et Benjamin, il y a justement un texte de Bruno Latour (avec Adam Lowe ) sur la question de l'aura et de la reproduction.
Dans mon souvenir la critique de Latour était de dire que l'aura de Benjamin était une notion simplement mystique, sans vraiment expliciter ce qui pourrait se cacher par cette idée de mysticisme.

Les arguments dans ce texte sont même parfois caricaturaux voire ridicule mais il faudrait une relecture pour être plus précis. De plus le concept d'aura pris chez Benjamin n'est pas contextualisé, et sa plurivocité n'est pas non plus donnée.

Latour, Bruno, Adam Lowe, and Eduardo Ralicktas. “La Migration de L’aura Ou Comment Explorer Un Original Par Le Biais de Ses Fac-Similés.” Intermédialités : Histoire et Théorie Des Arts, Des Lettres et Des Techniques, no. 17 (2011): 173–91.


Bonne journée

Romain
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 14:04:40
Je suis pour la diffusion de la connaissance, donc contre la rétention d'information, ceci incluant les œuvres d'art.

D'accord avec Vincent.

Mais on voit bien les limites de la diffusion dématérialisée.
J'ai oublié de préciser que le fac-simile des «Noces de Cana » est installé au couvent bénédictin de l'île de San Giorgio Maggiore, où il fut volé il y a plus de deux siècles.
J'ignore si ce couvent est actuellement le lieu où vivent des religieux, mais imaginons cela : ces religieux reliés à Internet avaient tout loisir de voir « les Noces de Cana » sur leur écran, en long, en large et en travers.

Mais lorsque le fac-simile de haut de gamme fut installé, ce fut vraiment autre chose.

Donc, amis lecteurs, matérialisez vos images, c'est ce que disait (entre autres idées fortes) Camille Bonnefoi dans son intervention au congrès de galerie-photo à Graçay en octobre 2013 !!

E.B.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 14:23:12
L'erreur de Latour est de penser que le rapport que nous entretenons avec la valeur ou la qualité d'original n'est qu'une question de ressemblance. Autrement dit que si la ressemblance est parfaite entre l'original et la copie alors nous devrions avoir la même expérience vis à vis de l’œuvre.

Or si on se place devant une œuvre (qui est originale) et qu'on vous dit que c'est une copie je ne suis pas certain que vous aurez la même expérience, ressenti que si devant une autre (tout autant originale) on vous affirme que celle-ci est un original.

Selon moi voici ce que je prends en compte face à un original :
- que l'on est en train de faire face à un objet qui a 200 ou 1000 ans d'histoire,
- c'est à dire que l'objet en face de moi, un objet qui a été touché par le peintre, des assistants, des restaurateurs, des militaires (dans le cas des noces)
- que l'objet a des marques du temps que je peux interpréter, ou à partir duquel je peux me raconter une histoire.
- qu'à ce titre l'objet qui est en face de moi n'est pas immuable, il va changer ou il a déjà changé suite à une restauration par exemple
- de me demander comment cet objet a été utilisé, par qui il a été regardé et comment pouvait on le regarder il y a 200 ans.

je ne pense pas avoir cela en tête quand je me trouve face à une reproduction. Par conséquent cela change l'expérience que je fais, les questions qui traversent ma tête pendant que je regarde.

Si je sais que c'est une reproduction ce sont d'autres questions qui vont peut être traverser l'esprit. Comment a-t-elle été réalisée ? Combien était-il ? Ont-ils utilisés les même pigments ? Ont-ils fait des stratigraphies pour comprendre l'épaisseur de la touche ? Combien de reproduction existe-il ? Ont-elle toute le même encadrement ?…

Parce que regarder une œuvre, n'est pas simplement un phénomène optique. C'est là où Latour et autres ont raté leur questionnement.

Cela dit ces différences entre l'original et les copies ne justifient pas l'abandon de toute copie. Je suis d'accord à ce qu'elles sont absolument nécessaires pour la diffusion de la connaissance. Mais pour autant je ne dirai pas que ce sont la même chose pour moi en tant que spectateur et pour faire le lien avec l'aura et Latour.



Bonne journée

romain



Modifié 1 fois. Dernière modification le 10/03/15 14:24 par romain.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 14:57:56
<<Parce que regarder une œuvre, n'est pas simplement un phénomène optique. C'est là où Latour et autres ont raté leur questionnement.<<

L'original instaure une relation particulière,
S'allonger dans la galerie du cairn du Petit-Mont, par exemple, ne saurait être remplaçable par la visite d'une copie, fut-elle en pierre.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 15:46:04
Ok pour la relation privilégiée avec l'œuvre originale.

Lascaux :
Protection de l'œuvre. Qui apparaît être nécessaire.

Je pense aussi à une expérience en visite virtuelle de l'Abbaye de Cluny reconstituée.
La technique aujourd'hui en permet d'autres.
Une autre forme de relation. Mais pouvant être intense aussi.



Oscar Wilde : "La beauté est dans les yeux de celui qui regarde."
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 16:12:26
VincentD écrivait:
-------------------------------------------------------

> Je pense aussi à une expérience en visite
> virtuelle de l'Abbaye de Cluny reconstituée.
> La technique aujourd'hui en permet d'autres.
> Une autre forme de relation. Mais pouvant être
> intense aussi.

C'est pas mal, mais documentaire.
Il y a un truc rigolo à Fontevrault pour les amateur de virtuel,
C'est une sorte de très gros Ipad de chez Microsoft, on zoom avec les doigts et on descend dans les époques par pression du doigt,
Le point d'entrée étant le plan de l'abbaye.

> Oscar Wilde : "La beauté est dans les yeux de
> celui qui regarde."

Oui, sans doute, mais tu trouveras des citations pour tout expliquer, même le pire.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 16:27:36
Oscar Wilde c'était aussi pour illustrer les posts idiots de qui est bon ou mauvais.


Dans le virtuel : inscrit dans la Pieuvre Nébuleuse Google -> [www.google.com]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 10/03/15 16:28 par VincentD.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 16:50:22
Bonjour,

Cas très intéressant que cette copie du tableau de Véronèse.

En effet la question de l'aura selon Benjamin prend une saveur particulière avec ces copies de tableaux dont la touche et l'épaisseur sont restituées par impression 3D.

Ainsi il est aussi possible de vous montrer une copie et de vous affirmer qu'il s'agit d'un original. Dans ce cas, le ressenti psycho-esthétique du spectateur sera-t-il sous la coupe de cette fameuse aura ?

Pour bien cerner le phénomène il me semble qu'à la notion d'aura de Walter Benjamin il serait judicieux de rapprocher celle de halo de Simondon.
En effet dans les quelques extraits du texte de Bruno Latour et Lowe que j'ai pu lire, il semble que les auteurs soutiennent que se sont les reproductions et la qualité de leur diffusion qui garantissent la plus ou moins bonne pérennité des œuvres d'arts, en les rendant visibles, soumises à l'attention collective et donc entretenues et présentées). Je partage cet avis dans le sens ou ce sont les reproductions des œuvres dès leur présentation dans les livres d'école par exemple, et dans de nombreux autres médias par ailleurs qui constituent pour beaucoup de citoyens le premier mode d'existence formelle des œuvres d'art. La forte valeur culturelle assignée aux œuvres étant d'origine institutionnelle depuis la création des Musées (puis des salons, puis des biennales...) elle produit en partie sur les œuvres un effet de halo (tout comme la mécanique de précision suisse à produit un halo sur les productions suisses en général qui bénéficient ainsi par extension de ce "label qualitatif" Suisse).
On peut dire que ce système constitue le capital existentiel de l'oeuvre.
La vitalité de l'objet en question dépendra de son régime de visibilité en accord avec le propos de Nathalie Heinich (De la visibilité: Excellence et singularité en régime médiatique, Gallimard).

Quand nous sommes en présence de l'original l''aura peut se déployer, mais il n'est pas de même nature dans le cas d'une oeuvre ancienne ou contemporaine, ni dans celui d'un spectateur occidental en école d'art ou d'un chasseur Achuar d’Amazonie (ou d'un autre peuple dont parfois nous présentons certains artefacts dans nos musées).

En ce qui nous concerne, l'aura dépend en partie du halo qui émane de l'objet.
Un Delacroix, un Picasso, un anonyme, un Murakami ...

Et si la copie ne permet plus de distinguer l'original sauf à conduire un examen minutieux de spécialiste l'aura peut alors se déployer depuis la copie, libérée de l'original.

La revanche du simulacre.

Marcel.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 18:09:20
Bonjour à tous,

Marcel, c'est quoi le halo chez Simondon?

Bonne journée

Romain
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 20:44:59
VincentD écrivait:
-------------------------------------------------------
> Ok pour la relation privilégiée avec l'œuvre
> originale.
>
> Lascaux :
> Protection de l'œuvre. Qui apparaît être
> nécessaire.
>

>
>
La visite de Lascaux m'a laissé un très grand souvenir.
J'ai été saisé d'une émotion très particulière quand je suis rentré dans le fac similé.
Certes j'aurais aimé visiter l'originale (dont on sait qu'elle est à proximité, mais on ne sait pas où exactement), mais la scénographie fait que l'émotion est au rendez vous.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 21:49:05
Emmanuel Bigler écrivait:
-------------------------------------------------------
> La première remarque est que finalement, la copie
> numérique peut avoir du bon ; A. Lowe, cité par
> N. Delasalle, dit à propos de l'inauguration: «
> Quand j'ai vu les gens pleurer, j'ai vu qu'on
> avait fait quelque chose d'important. »

C'est une propriété des fichiers numériques de faire pleurer ? Vous pleurez souvent devant vos fichiers ?

[rue89.nouvelobs.com]

J.C.L.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 22:02:48
Jean-Claude : il s'agissait plus haut de la découverte du fac simile des Noces de Cana, lors de la toute première présentation publique. Il ne s'agissait pas de quelque affichage sur écran.

Mais les écrans ont fait des progrès : bientôt, tels les phares olfactifs d'Alphonse Allais, les écrans enverront des odeurs, et devant les natures mortes hollandaises avec des oignons à demi pelés, on pourra pleurer pour de bonnes raisons.

E.B.
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 23:23:29
Le halo c'est le rayonnement de la technicité d'un objet, cet technicité a acquis une valeur de référence dans l'opinion et comme un effet de halo elle englobe d'autres objets de sa "grâce" ; comme l'exemple de l'horlogerie Suisse qui par extension confère aux autres objets de manufacture suisse un "label" symbolique de qualité. C'est la charge symbolique d'un objet qui déborde l'utilité même de l'objet pour en englober d'autres comme par un effet de halo.

Le halo de la Joconde s'est probablement étendu depuis l'affaire de son vol dans la première moitié du XXème siècle. Son aura pas nécessairement. La multiplication de cette image (T-shirt, produits dérivés), d'une manière surréaliste ou non, avec ou sans moustache, montre un effet de halo avec peu de contrainte, assez "volatile" qui contraste avec une aura moins accessible, puisque dorénavant "en aquarium".
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
mardi 10 mars 2015 23:33:01
Bonjour à tous,

Ok, merci Marcel.

Romain
Re: Finalement, la copie numérique a du bon ! ;-)
vendredi 13 mars 2015 18:33:52
Finalement, la copie numérique a du bon : pour en revenir à " Peut-être bientôt, des imprimantes capables d'imprimer avec de la vraie peinture."
Le Peintre-Hyperréaliste-Photographe-Geek-(Sculpteur) aura un souci. Le plus cher (à son cœur) sera l'achat des peintures au kilo et toile au mètre.
Intéressant, marché à suivre ou à devancer. Pour ...rephotographier les peintures hyperréalistes.../...
Sinon, si l'on ne veut pas tomber dans l'hyperréalisme dû à la photographie de base, il y multitudes d'applications numériques esthétisantes vers l'interprétation, le dessin... Quant aux musées et galeries, ..."Finalement"..., ça vient à la maison, sur l'écran HD (avec un tas d'infos possibles, plus ou moins plausibles, va savoir ?) Exit kilos de peintures, mètres de tissus, litres de révélateurs. Puis en public évènementiel, pour fac-smileys, écran géant.

2015 impertinences et incertitudes... Respects.
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