... pas de bruit, pas d'ostentation personnelle, être invisible ...

... pas de bruit, pas d'ostentation personnelle, être invisible, autant que faire se peut, ne rien « préparer » , ne rien « arranger », simplement être là, arriver tout doucement à pas de loup, afin de ne pas troubler l'eau ...

Seuls nos lectrices et nos lecteurs qui n'ont pas accès à Internet auront du mal à identifier l'auteur de cette citation.

Face à cette profession de foi, on peut être sincèrement admiratif d'un style qui a marqué la photo du XXe siècle.

Mais en contrepoint, s'il s'agit de photographier les gens, dans le contexte de la législation française actuelle régissant le droit à l'image, n'a-t-on pas affaire ici à la profession de foi du parfait « voleur d'images » ?

E.B.

Bonjour Emmanuel,
C'est du HCB il me semble

Du HCB pur jus?

A la dernière expo présentée à Beaubourg, une petite vidéo le montrait opérer dans les rues; une fois en place, il sautillait sur un pied (chaussé tout de même d'un mocassin ;-) ), puis tout d'un coup le Leica jaillissait au-dessus de la mêlée, comme un serpent foudroyant sa proie, l'aller-retour du boitier ne dure pas plus de trois secondes, puis le prédateur s'éclipsait en glissant dans la foule et disparaissait dans le décor...

C'est du HCB il me semble.

Oui, Marcel, et du pur jus, comme dit Marc.

Samedi 30/05/15 dernier, nous avons fait un petit tour dans les montagnes jurassiennes & neuchâteloises avec la bande GP du Grand Est.

Le musée des Beaux Arts du Locle (NE-CH) exposait HCB, « Premières photographies », son travail d'avant guerre, années 1926-1939.
Samedi 30 et dimanche 31/5 c'étaient les deux derniers jours.

La citation était imprimée au mur dans l'une des salles, mais l'année où elle fut prononcée ou écrite par HCB n'était pas indiquée.

De très beaux tirages, quand on pense que c'est d'après du 24x36 d'avant guerre [sauf les images d'avant 1932, antérieures à l'usage du petit format par HCB], on est admiratif.


Au passage et complètement hors sujet, on a placé le matin une petite visite au musée d'horlogerie du Locle, le château des Monts, où en marge d'une collection horlogère extraordinaire, il y avait un petit panneau en forme de pique digne de Plonk et Replonk destiné à ceux qui vont craquer pour une de ces « montres électroniques connectées » qui sont censées, comme dans les années septante, mettre définitivement les rouages à la trappe.
Il y avait également une prévision humoristique sur l'avenir du Swiss Made horloger, anticipant qu'en 2030, 150% des composants de la montre devraient être fabriqués en Suisse.
Nous, les montagnes neuchâteloises, on aime encore bien : savoir-faire ancestral et capacité d'auto-dérision, il faut les deux.

E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/06/15 17:40 par Emmanuel Bigler.

Merci pour lui, et nous. Accord/Raccord.

2015 impertinences et incertitudes... Respects.

Voir est un tout, entretiens et conversations, 1951-1998 ISBN : 978-2-84426-639-2

"Je m'occupe presque uniquement de l'homme. Je vais au plus pressé. Les paysages ont l'éternité. Bien sûr, cet être humain, je ne le sépare pas arbitrairement de son entourage, je ne le détache pas de son habitat : je suis un reporter et non un portraitiste d'atelier. Mais l'extérieur (ou 'l'intérieur') où vit et agit cet homme, mon sujet, ne me sert, si vous voulez, que de décor significatif. Je me sers de ce décor pour situer mes acteurs, leur donner leur importance, les traiter avec le respect qui leur est dû. Et ma manière est basée sur ce respect, qui est aussi celui de la réalité : pas de bruit, pas d'ostentation personnelle, être invisible, autant que faire se peut, ne rien 'préparer', ne rien 'arranger', simplement être là, arriver tout doucement, à pas de loup, afin de ne pas troubler l'eau...



Modifié 1 fois. Dernière modification le 01/06/15 19:02 par Marcel Couturier.

Merci Marcel pour la référence !
Avec la citation complète et la source, la profession de foi est un peu différente !

L'idée selon laquelle voler les images des gens selon la bonne méthode, c'est le faire avec respect, ne manque pas d'intérêt.

Ah ! C'était mieux avant les lois françaises sur le droit à l'image ! ;-)

E.B.

Emmanuel,
c'était quoi déjà son appareil?
:)

c'était quoi déjà son appareil ?

En '26 : ch'sais pas, mais c'était pas du 24x36, pour sûr ! (cette image était exposée au Locle).

Par contre, à partir de '32 ... c'est une autre histoire ;-)

E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 02/06/15 08:13 par Emmanuel Bigler.

Il faut préciser que l'Homme travaillait au Leica III puis au Leica M.
Dans la discipline qui était la sienne, l'outil avait son importance. Petit, discret, peu bruyant, avec de grandes mains il disparaît facilement.
J'avoue pratiquer la street de cette manière et c'est vrai qu'on peut assez facilement photographier les gens sans qu'ils s'en doutent.
Comme certains animaux se transforment pour échapper aux prédateurs, il y a des manières de se faire oublier. C'est amusant.
Bon quelquefois ça se passe mal :-)
Mais ça fait des souvenirs.

l'Homme travaillait au Leica III ...

... disons, à partir de 1933 minimum, sinon, cela l'aurait mis nettement en avance sur son temps (mais c'est pour cela qu'il est devenu célèbre).

E.B.

Son tout premier oui, on dirait un I ou un II.
On se demande comment il pouvait cadrer avec ce viseur rikiki. J'en ai un, c'est absolument impossible!
Même avec les III à part le G, pas facile. Il utilisait souvent un viseur extérieur sur la griffe porte-accessoire.
A partir des M, ce fut le bonheur. Surtout le 2 avec son cadre pour 35 mm.

On s'croirait chez Summilux... :-)

Assis sur les marches du temple , une soucoupe à ses pieds , il annoncera "1 pièce , je souris , 1 photo pour vous" .



Modifié 1 fois. Dernière modification le 02/06/15 08:56 par GERARD.

Assis sur les marches du temple ...

... comme on dit au Locle, au magasin « la photo du temple » ;-)
L'un des membres de l'équipe, dont je tairai le nom, a regretté vivement que ce magasin situé juste en-dessous du temple soit fermé entre midi et deux, car il y serait bien entré pour voir s'ils avaient du film 120 en stock : dehors y'a une belle boîte aux lettres Kodak jaune pour déposer les films à développer !

E.B.

HCB écrivait:
-------------------------------------------------------
... pas de bruit, pas d'ostentation
personnelle, être invisible, autant que faire se
peut, ne rien « préparer » , ne rien «
arranger », simplement être là, arriver tout
doucement à pas de loup, afin de ne pas troubler
l'eau ...

Il a quand même mis en scène quelques photos, c'était pas mal du tout dommage qu'il ait radicalisé sa pratique, du moins son discours. Aujourd'hui le world press photo condamne la mise en scène et pourrait graver cette sentence au frontispice de l'institution.
[www.telerama.fr]
A ce compte un travail comme celui de Paul Strand ne serait donc pas éligible pour concourir puisqu'il avait recours à la collaboration avec ses modèles.
L'idéal d'extraire une image de pure réalité est une illusion journalistique à laquelle le WP fait mine de croire encore, en revanche HCB définit le champ de sa virtuosité, et sur ce terrain il était plus fort que les autres ;-)

Merci à Zoran pour le pointeur vers l'article de Télérama.

Cette expo où l'on voit les quelques images de diffusion publique prises par HCB avant 1932, donc probablement avec un appareil de format supérieur à 4x4 cm, nous montre les débuts de l'artiste et on imagine à la vue de ces images la « libération » qu'a représenté pour HCB le fait de pouvoir utiliser un petit appareil discret et toujours prêt à l'emploi. Et en '33 HCB n'est pas à proprement parler un photo-journaliste, c'est un jeune homme qui cherche sa voie.

En lisant la phrase avec le regard de l'an 2015 il y a effectivement quelque chose de très actuel et de très sympathique, un manifeste pour la photo 100% naturelle et non trafiquée, ce qui recoupe pas mal de préoccupations d'aujourd'hui concernant les produits alimentaires par trop « arrangés » par les procédés industriels ;-)

Lorsque HCB dans la citation (donc sans son bouquin d'après la 2e guerre), parle de portraitiste d'atelier, il a probablement en tête les machines qui devaient être encore en usage chez les portraitistes lorsque le jeune homme fit son apprentissage artistique à la fin des années 1920.
Et je suis d'accord que si on prend au pied de la lettre et de façon intégriste cette profession de foi comme un dogme pour l'action photographique, ce sont des pans entiers du monde photographique qui seraient voués aux gémonies ; tout le travail des portraitistes en général (August Sander a énormément travaillé hors studio, et on ne peut pas dire que ses images soient arrangées ou qu'il manque de respect vis à vis de ses modèles !) et toute la photo de mode et de publicité.
Nous n'aurions pas la photo de guerre de Churchill par Karsh, un sommet de photo à la fois sur le vif / instant décisif, mais d'une certaine façon, totalement mise en scène !!
Sans parler de la photo de paysage, finalement, la photo de paysage pourrait satisfaire assez facilement le « cahier des charges » de façon naturelle (il suffit de ne pas coucher le foin ou de ne pas déplacer les cailloux), mais cela n'intéresse pas HCB ;-)

E.B.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 02/06/15 22:10 par Emmanuel Bigler (modérateur).

<< Sans parler de la photo de paysage, mais cela n'intéresse pas HCB.

Pourquoi donc ?
HCB a fait du paysage et sans doute produit plus d'image de ce registre que AA

Tout à fait, un livre uniquement sur les paysages de HCB a été édité:
[www.amazon.fr]

un livre uniquement sur les paysages de HCB a été édité

Merci de l'info !
Cela ré-équilibre utilement l'image que l'on pourrait se faire, à tort, à la lecture de ces quelques mots de l'auteur, déjà cités plus haut !
Je m'occupe presque uniquement de l'homme. Je vais au plus pressé. Les paysages ont l'éternité.

E.B.

Dans "HCB l'oeil du siècle" de Pierre Assouline:

(lors de son voyage en Cote d'Ivoire) "Quand il ne chasse pas, il prends ses premières photos avec un appareil qu'il s'est procuré avant son départ en Afrique, un Krauss acheté d'occasion, le bouchon d'objectif faisant office d'obturateur"

Celui là ?:

[www.collection-appareils.fr]

(avant Leitz, Zeiss)

Plus loin:
"HCB devient photographe quand ce jour de 1932 où il en achète un (Leica) à Marseille."

Emmanuel Bigler écrivait:
-------------------------------------------------------
> Cela ré-équilibre utilement l'image que l'on
> pourrait se faire, à tort, à la lecture de ces
> quelques mots de l'auteur, déjà cités plus haut
> !

Oui, et là dessus il y a un travail qui pour l'instant n'a pas été fait. C'est que HCB c'est un trésor national, alors pas touche ;-)
Cela dit à l'époque on était plus friand de la "petite phrase qui fait mouche", exercice dans lequel il excellait, Cartier-Bresson, le travail mis de côté, c'est l'homme à formule. Dans ce registre Capa en a livré une désastreuse à mon avis, "Si ta photo n'est pas bonne c'est que tu n'étais assez ... etc.".
Un monde idéal serait sans injonction, plein de "peut être serait-ce mieux si ...?", aujourd'hui c'est le règne du pourquoi pas ?, qui n'est qu'une injonction déguisée.
Heureusement il y a une vie (et une critique) en dehors des formules.

Heureusement il y a une vie (et une critique) en dehors des formules.

Oui, et on peut dire également qu'on veut toujours coller une étiquette sur un artiste, pour le figer dans un genre qui l'a rendu célèbre, en lui déniant toute existence hors du champ esthétique et photographique défini par l'étiquette.

Bon, il est vrai que certains artistes sont meilleurs dans un genre que dans un autre.
Par exemple, même les admirateurs les plus inconditionnels de Frédéric Chopin reconnaissent que sa musique orchestrale n'est pas, disons-le en termes diplomatiques, aussi enthousiasmante que ses pièces de piano ;-)
Mais de même que HCB a fait du paysage et qu'Ansel Adams a fait des portraits, Chopin a écrit des pièces pour orchestre ;-)

Ceci étant dit, le fait qu'à cette exposition vue samedi dernier, il n'y avait aucune image sans un personnage ou sans un animal, ne prouve évidemment pas que HCB ne prenait aucune photo sans animal ou sans personnage.
Disons que le paysage, fût-il urbain, sans paysage et sans personnage, n'est pas la partie du travail de HCB qui a été mise en avant à destination du bon peuple : le livre cité par J.P. Mahé serait-il l'exception qui confirme la règle, destiné aux fins connaisseurs uniquement ?

E.B.

A propos de livre un peu décalé il y a eu aussi celui là:

[www.amazon.fr]

Et on ne peut pas dire que Magnum a la réputation de proposer des images de paysages.

En parlant de Magnum, un (bref mais pas totalement) hors-sujet pour vous signaler les tirages que l'agence met en vente pour quelques jours :
[store.magnumphotos.com]

Charles

Dès fois, il suffit d'un rien, immense .../...

[38.media.tumblr.com]
[33.media.tumblr.com]

2015 impertinences et incertitudes... Respects.