Le Japon nous semble étrange, parce que là-bas, on n'oppose pas tradition et modernité.
Je crois avoir déjà énoncé ce point de vue ici, mais ce serait bien que quelqu'un connaissant bien le Japon puisse compléter ou contester.
Le
geek qui change de téléphone portable tous les trois mois aime bien, le ouquiende, après avoir fait une bringue d'enfer le vendredi soir avec ses potes
(les Japonais, fins connaisseurs en breuvages raffinés, adorent le vin jaune du Jura, qu'ils commencent, à juste titre, à préférer au beaujolais nouveau), aime revêtir le costume traditionnel et se rendre auprès des frais ruisseaux dans des montagnes couvertes de végétation luxuriante
(lieux qui, chez nous, sont peuplés de naïdes et de vouivres accortes ; j'imagine qu'il en est de même au Japon).
Là, après avoir cadré à la main en re-faisant le geste ancestral des samouraïs ciblant leur ennemi avec précision avant un implacable combat au sabre, celui qui est
geek pendant la semaine installe sa chambre et expose son plan-film comme le font ici tous les galerie-photoïstes.
Ensuite, il choisira le papier le plus raffiné, fabriqué à la main selon la même recette inchangée depuis mille ans ; mais cela ne l'empêchera pas de peaufiner sa courbe de rendu à l'ordinateur pour que son négatif numérique soit parfait.
Nous sommes trop cartésiens, par ici : on nous demande de choisir notre camp photographique selon les principes du tiers exclu ; si tu es moderne, tu es silicium ; donc si tu es photochimique, c'est que tu es ringard.
Rien de tel au Japon.
Et je pense qu'il doit en être de même en Chine : demandez à un Chinois de 2016 ...
« Mais enfin, vous ne pouvez pas être à la fois communistes et capitalistes ! Il faut choisir !»
Avec un large sourire, votre interlocuteur vous répond :
« Il faut les deux ! »
E.B.