M. Colletta me précise qu'il est capable de recoller des lentilles selon la méthode du baume du Canada, ce qui lui permet de recentrer avec grand soin le doublet grâce à un appareillage dont il se sert en routine.
Il y a eu par le passé des triplets collés, ils ont la réputation d'être terriblement difficiles à centrer. Doublet, oui, triplet, c'est un défi que de le désassembler et de le recoller en recentant parfaitement les lentilles.
Donc dans les optiques récents, il n'y a plus de triplet collé, trop difficile et trop cher de tenir les tolérances dans une production idustrielle.
Le décollement de doublets est un défaut dont souffrent parfois cetains objectifs pas forcément très anciens.
Avant l'usage généralisé des traitements anti-reflets, donc avant le 2
e guerre mondiale, pour augmenter le nombre de lentilles et améliorer la performance des objectifs photographiquues, on avait besoin de lentilles collées pour augmenter le nombre de lentilles nécessaires aux corrections des aberrations sans trop augmenter le nombre de dioptres air<-> verre générateurs de réflexions parasites.
En utilisant un doublet collé, les deux dioptres collés l'un contre l'autre avec le même rayon de courbure et séparés par une très fine couche de colle transparente créent beaucoup moins de réflexions parasites aux interfaces que ne le fait un simple dioptre air<-> verre.
Traditionnellement le pourcentage de lumière réfléchie à chaque dioptre air<-> verre est autour de 4% pour un verre d'indice 1,5. Mais cela augmente vite avec les verres à fort indice qu'on trouvent dans toutes le optiques (y compris dans certaines optiques ophtalmiques, mais à ma connaissance il n'y a pas de lunettes de vue utilisant un doublet collé ;-) ); Par exemple avec un verre d'indice 1,7, le coefficient de réflexion monte à près de 7%.
Il se trouve que ce pourcentage de lumière réfléchie varie très peu avec la longueur d'onde et très peu avec l'angle d'incidence en-dessous de 20-25° (soit 40-50° d'angle de champ total vu par de l'objectif).
Si vous prenez un triplet de Cooke, 3 lentilles, non collées = 6 dioptres, c'est au moins 4% de lumière qui se sauve à chaque dioptre, et qui finit par se retrouver pour partie, après réflexions et diffusions multiples, dans l'image sous forme de lumière parasite diffuse ou sous forme d'images fantômes (pour les sources brillantes visibles dans le champ à contre-jour).
On utilise des doublets collés depuis le XIX
e siècle, sinon depuis le XVIII
e !
Le Petzval est un exemple parfait d'utilisation de doublets collés. Un Petzval ancien aura ses deux doublets collés au baume et bien entendu aucun traitement anti-reflet sur les verres. Donc M. Colletta sera parfaitement outillé pour une réfection de cet objectif, il pourra même vous faire ajouter un traitement anti-reflet ultra-moderne ! Ce qui n'est peut-être pas compatible avec ce que recherchent ceux qui bossent avec des Petzval anciens.
En rénovation de mobilier précieux de notre patrimoine, les règles sont très strictes : respect des techniques de collage d'époque (colles de peau d'os), réversibilité exigée à toute réparation (c'est le cas des colles anciennes, évidemment ce n'est pas le cas des epoxy évidemment, et les colles à bois genre vinyliques cristallisent dans le temps et ne sont pas à la hauteur des colles de peaux & d'os !), etc ... Avec le collage des lentilles au baume, on se place dans cette stricte tradition qui est celle des musées ; mais on s'en écarte si on rajoute un traitement anti-reflet , bref, c'est vous qui voyez ;-)
Sur une optique portant un traitement anti-reflet (c'est à dire toutes les optiques photographiques, et les jumelles, les microscopes ... donc pas forcément uniquement les optiques de chambre, depuis 1950 environ), le décollement se manifeste par des zônes mordorées en périphérie de la lentille visible ; on voit les couleurs d'interférences comme dans une bulle de savon à cause de la très fine lame d'air qui s'est insérée entre les deux dioptres décollés.
C'est très impressionnant en réflexion ; mais de fait, en transmission, l'effet dans l'image enregistrée sur le film n'est pas forcément si effroyable que cela, surtout si le décollement est en périphérie des doublets et qu'on fait la prise de vue à diaphragme fermé, donc uniquement avec la partie centrale de l'objectif qui n'est pas affectée.
Rappelons que les espèces de paillettes blanchâtres visibles en périphérie des lentilles de certains objectis, effet connu sous le doux nom de "Schneiderite", n'a absolument rien à voir avec le décollement d'un doublet. C'est une dégradation de la peinture noire qui est parfois utilisée en bordure de lentilles pour piéger un maximum de rayons parasites.
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Bref, à défaut de pouvoir venir poser votre problème directement face à face avec M. Colletta, qui est un grand amateur d'appareils photo classiques, téléphonez-lui.
J'avais par le passé le plaisir de pouvoir discuter régulièrement d'horlogerie avec un horloger-réparateur que je venais voir de temps en temps pour l'entretien de routine de mes montres de famille. Celui que je connaissais a pris sa retraite, mais il y en a d'autres aujourd'hui qui ont pris le relais ; donc apportez vos montres mécaniques de famille ou vos compteurs Junghans/Silvoz à réviser en même temps que vos objectifs à doublets décollés si vous v'nez à B'zançon exprès pour.E.B.Modifié 2 fois. Dernière modification le 14/10/13 13:08 par Emmanuel Bigler.