Bonjour à tous
Le ouiquennde portant conseil, j'ai fait quelques petits dessins sur un coin de papier et je suis arrivé à cette conjecture que je vous soumets, à savoir qu'
un obturateur à fente qui se translate à vitesse constante derrière un objectif ne crée pas de vignettage dynamique, ou alors très peu !J'imagine que je ne fais que marcher dans les pas des fabricants du début du siècle dernier, qui avaient, évidemment, tourné et retourné le problème dans tous les sens. Mais il n'est jamais trop tard pour essayer de comprendre en détail ce qui se passe dans une chambre photographique grand format, c'est l'un des buts de notre forum.
Donc sauf réfutation de la conjecture par la pratique ou la théorie, c'est une très bonne nouvelle pour Thierry M-L qui va pouvoir se lancer à fond dans un projet d'obturateur à fente, sans cette effroyable épée de Damoclès du vignettage dynamique ! ;-);-) (J'imagine que TML n'en dormait plus la nuit)
Commençons par regarder ce qui se passe avec un obturateur central à lamelles placé
derrière l'objectif. Donc à une certaine distance de la pupille de sortie.
Pour ceux de nos lecteurs qui ne seraient pas familiers avec la notion de pupille, nous signalons amicalement cet excellent article sur galerie-photo.com
Lumière, diaphragme et pupilles
http://www.galerie-photo.com/pupilles-objectif-photographie.htmlPlaçons nous dans la phase d'ouverture, lorsque l'obturateur est partiellement ouvert. Du centre du champ, je vois les lamelles de l'obturateur qui couvrent une surface plus petite que la pupille de sortie, donc pas de problème particulier, si la surface apparente est la moité de celle de la pupille de sortie, mon éclairement instantané est la moitié de l'éclairement maxi. Plaçons-nous ensuite dans l'image, en bord de champ, mais néanmoins dans le champ de pleine lumière, c'est à dire en un point d'où je vois toute la pupille de sortie sans effet d'oeil de chat lorsque l'obturateur est grand ouvert. En ce point, je n'ai donc pas de vignettage mécanique lors de la pleine exposition, lamelles d'obturateur grand ouvertes, je n'ai que la chute de luminosité inhérente à l'objectif, en particulier si c'est un grand angulaire quasi-symétrique.
Comme l'obturateur n'est pas placé au niveau de la pupille, par suite de l'effet de parallaxe, ce que je vais voir est, selon la situation et les géométries en place, l'intersection de l'ouverture définie par les lamelles de l'obturateur et par le bord de la pupille de sortie. Donc je vais voir moins de surface émissive que lorsque je suis au centre du champ. Plaçons nous maintenant lors de la fermeture, c'est la même géométrie, là encore lorsque l'obturateur est partiellement fermé, les points de l'image en bord de champ recevront potentiellement moins d'éclairement que le centre de l'image. On voit que quantifier cet effet est très délicat, puisque cela dépend de l'ouverture effective de la pupille, de la forme de l'obturateur partiellement fermé
(avec un compur partiellement fermé c'est une espèce d'étoile-de-mer bizarroïde à pattes arrondies, une forme qu'on ne voit jamais sauf sur un compur bloqué à mi-course, ou en réflexion en prenant en photo des flocons de neige flous, éclairés au flash avec une synchro qui est défectueuse et qui flashe avant l'ouverture max).Bref, résumons : si l'obturateur central n'est pas placé dans la pupille, cette disposition implique un vignettage dynamique. Cet effet sera négligeable dès que le temps d'ouverture-fermeture est petit devant la pose longue totale. De plus, l'effet se mélange avec le vignettage mécanique ou le vignettage naturel d'un grand angle, et n'apparaît que lorsqu'on est au voisinage de la vitesse d'obturation maximale, c'est à dire lorsque les lames, à peines ouvertes, se referment immédiatement.
Dans l'obturateur électronique Rollei au millième, les accélérations instantanées affectant l'extrémité des pales lors du renversement du mouvement sont Kolossales, je dirais : de l'ordre de l'accélération de l'obus emportant les héros de Jules Verne vers la Lune ;-)Qu'en est-il avec un obturateur à lame mobile ?Commençons par un bord d'écran bien rectiligne que nous déplaçons vers le bas pour découvrir progressivement l'arrière des lentilles. Pour simplifier, imaginons un mouvement de translation rectiligne et uniforme. Plaçons nous dans la phase d'ouverture lorsque le bord d'écran se trouve au centre de la pupille. Du centre de l'image, a priori sur l'axe optique si je suis à décentrement nul, je vais voir une belle demi-lune bien éclairée, sous réserve évidemment que la pupille soit circulaire et non pas pentagonale. Donc je vais recevoir 50% de l'éclairement max au centre du champ, à mi-parcours de l'ouverture de cet obturateur à lame mobile. Mais à cause de l'effet de parallaxe, le bord d'écran n'étant pas placé dans la pupille, du haut du film je vais peut-être voir les 3/4 de la pupille, et du bas du film, un quart seulement.
Donc je vais avoir un vignettage dynamique dans la phase d'ouverture, plus éclairé en haut, plus sombre en bas du film.Refermons l'obturateur en ramenant le bord d'écran vers le haut : dans la phase de fermeture, même géométrie, même vignettage dynamique qui s'ajoute à l'effet enregistré pendant l'ouverture.
MAIS !!!Au lieu de n'utiliser qu'une seule lame qui monte puis descend, faisons descendre vers le bas une première lame ; puis pour refermer, faisons descendre
du haut, une 2e lame parallèle à la précédente. Un petit miracle se produit : le vignettage dynamique lors de la fermeture par la 2e lame sera égal et opposé à celui qui affecte l'image pendant l'ouverture. Ce système de 2 lames est équivalent à une fente fixe qui se translate, ou bien à un obturateur à deux rideaux, l'un qui part, puis l'autre qui le suit après un certain délai.
BREFMalgré toute l'admiration que nous portons aux obturateurs centraux, force est de constater, lorsque nous les montons derrière un objectif, qu'ils créent un vignettage dynamique, alors que la fente qui se translate est l'objet d'une compensation du vignettage dynamique entre la phase d'ouverture et la phase de fermeture.
Rappelons encore une fois que cet effet ne serait visible que si l'on travaille au temps maximal d'exposition pour un obturateur central, en général ce sera invisible pour une pose longue : ceux qui pratiquent l'obturateur au béret ont, et c'est heureux, une très grande liberté dans le geste consistant à décrocher le béret puis à le raccrocher, du moment que les temps d'accrochage et de décrochage sont faibles devant le temps de pose total.
Qu'en est-il pour une fente qui se déplace, ou bien pour un obturateur à rideaux dont la fente équivalente est variable ?
La première chose est qu'il faut que la largeur de fente soit supérieure au diamètre de la pupille de sortie. Si ce n'est pas le cas, tout fonctionne, mais l'ouverture effective étant donnée par un cercle tronqué par une fente qui se balade, le nombre d'ouverture gravé sur l'objectif n'est évidemment pas le nombre d'ouverture photométrique effectif.
Mettons quelques chiffres : imaginons une optique de 640 mm de focale, quasi symétrique genre apo ronar pour ne pas s'embêter avec le grandissement pupillaire (G_p) différent de l'unité. Si nous fermons ce 640 à f/64 en marchant sur les traces de Saint Ansel, la pupille d'entrée sera de 1 cm de diamètre, et donc avec un G_p égal à un, la pupille de sortie également. Donc on pourra travailler à f/64 sans problème si on a une fente de 1 cm ou plus. La largeur minimale de fente est à peine plus petite à cause de l'effet de parallaxe, la fente n'étant pas dans le plan de la pupille, mais ce n'est pas fondamental dans cette évaluation à la louche pour fixer les ordres de grandeur.
Reste à voir la largeur de fente de l'obturateur d'une speed graphic par exemple. De mémoire, il me semble que la fente est de largeur fixe dans la speed graphic, mais les spécialistes vont me dire immédiatement.
Pour ce qui est du calcul du temps d'ouverture effectif, prenons l'exemple d'une pupille parfaitement circulaire, négligeons l'effet de parallaxe pour simplifier ; la courbe d'éclairement à l'ouverture et à la fermeture est donnée par la surface d'une portion de cercle délimitée par le bord du cercle et un bord d'écran. La même courbe, en fonction du temps, mais symétrique, est obtenue lors de la fermeture. Si la pupille était carrée, on aurait une courbe en forme de triangle à bords rectilignes. Là, avec une pupille circulaire, c'est un peu plus compliqué, le triangle a des bord incurvés ; mais en gros, si le temps de passage d'un bord d'écran devant la pupille est de 0,1 seconde, et que le 2e bord d'écran referme l'ouverture dès que le premier a atteint l'extrémité inférieure, le temps total qui s'écoule entre le début d'ouverture et la fin de fermeture sera de 0,2 seconde ; mais vu la courbe, en gros en triangle, le temps photométrique effectif sera la moitié de ce temps total, soit 0,1 seconde. Le même obturateur à fente placé juste devant l'image va découvrir chaque point du film pendant 0,1 seconde également, sous ces hypothèses on retrouve le même temps mais on voit que cela ne tombe pas sous le sens.
Et le tout sans vignettage dynamique, sauf erreur de ma part !Quelques points, pour quelques pistes de réflexion, en guise de conclusion :
- que se passe-t-il si on place l'obturateur à fente devant l'objectif plutôt que derrière ? Fondamentalement, je ne vois guère de différences, mais l'analyse est moins intuitive ; si on veut voir ce qui se passe depuis l'image, il faut raisonner, toujours sur la pupille de sortie, mais cette fois sur l'image de la fente d'entrée vue à travers l'objectif. Donc il y a des facteurs de grandissement qui interviennent ; mais dans le fond, je ne pense pas qu'il y ait de différence fondamentale en ce qui concerne la compensation du vignettage dynamique ;
- une fente en translation a l'avantage, une fois lancée, de ne pas être soumise aux accélérations violentes des pales d'un obturateur central lors du début de la fermeture ; ce qui explique les temps d'obturation extra-courts qu'on peut avoir avec les caméras à balayage de fente pour l'enregistrement des phénomènes ultra-rapides ;
- un obturateur rotatif, comme celui du Robot d'avant guerre avec son moteur à ressort, obturateur placé juste derrière l'objectif interchangeable, ne me semble pas fonctionner, du moins en ce qui concerne le vignettage dynamique, différemment de la fente qui se translate.
E.B.Modifié 1 fois. Dernière modification le 21/10/13 13:10 par Emmanuel Bigler (modérateur).