Bonjour à tous.
Je pense qu'il faut distinguer le cas d'un compur du début du XX
e siècle avec celui d'un prontor CF de chez Gauthier ou un Copal japonais récents.
Entre 1900 et 1960, les aciers à ressort ont fait des progrès considérables !
Pour les aciers à ressort modernes, la fatigue ne vient pas d'être laissés sous tension, elle vient du nombre de cycles d'opérations réalisées, bien entendu sous réserve que le mécanisme soit bien conçu et ne fasse pas sortir le ressort hors de sa limite élastique, ce qui est le cas de nos obturateurs centraux.
C'est un comportement très différent de celui des caoutchoucs et des matières plastiques : laissés sous tension, ces matières perdent leur élasticité. Mais, rassurons nos lecteurs : dans aucun obturateur central sérieux, le ressort moteur principal n'est ni un élastique ni un méchant bout d'plastoc.
Concernant le nombre de cycles que peut subir un bon ressort moderne sans fatigue, il suffit de penser aux quatre cent mille aller-retour d'un balancier de montre mécanique moderne en 24 heures ! Et concernant le ressort de barillet, dans une montre automatique qui est portée, le ressort est toujours armé au maximum, il ne se désarme que lorsque la montre n'est pas portée. Donc il passe environ 50% du temps armé à fond, et 50% du temps partiellement armé, du moins lorsque la montre n'est pas au fond d'un tiroir.
Les obturateurs Prontor CF qui équipent les dernières générations d'objectifs Hasselblad V
(c'est à dire essentiellement des optiques Carl Zeiss ; en 1982 lors de l'introduction des optiques CF, l'entreprise Gauthier, située à Calmbach dans la Forêt-Noire, était contrôlée par le groupe Zeiss, ce n'est plus le cas aujourd'hui) sont équipés de ce qui se fait de mieux en matière de ressort ; la publicité Hasselblad ne manquait pas de citer le fournisseur
NivaroxMD, une entreprise du groupe SwatchMD, qui produit des aciers et des ressorts d'horlogerie au mieux de l'état de l'art métallurgique.
Si cela peut rassurer notre lecteur, je possède un prontor CF Planar 100mm depuis 1983. Il est resté avec le ressort armé pendant 99,99 % de son temps d'utilisation, et je préfère ne pas parler des périodes pendant lesquelles il n'a pas été utilisé du tout.
Donc après trente années de bons et loyaux services, le bilan s'établit comme suit : zéro panne et zéro intervention de maintenance que ce soit pour le boîtier 500 C/M ou pour TOUS mes objectifs CF. J'avais un distagon C, parmi les derniers, acheté en 1982, je l'ai revendu à un ami et 31 ans plus tard à ma connaissance l'optique n'est pas gommée; Mais elle sert régulièrement.
J'ai par la suite racheté quelques C anciens pour le plaisir, ils fonctionnent parfaitement, bien que soumis au même régime d'oisiveté délirante si on compare à ce que devrait être le travail quotidien d'un outil professionnel !
Le problème de désarmer l'obturateur d'une optique Hasselblad C ou CF, c'est qu'on ne peut alors ni la démonter du boîtier ni la monter, il faut réarmer l'appareil pour pouvoir la démonter et réarmer l'objectif avec une pièce de monnaie pour pouvoir le remonter. Bien que ces inconvénients soient minimes, je concède qu'après avoir pensé pendant les premières années où j'avais un blad, qu'il pourrait être préférable de laisser l'appareil et l'objectif désarmés, je ne me pose plus la question aujourd'hui : c'est toujours armé, donc toujours prêt à déclencher ou toujours prêt à changer d'objectif.
Concernant les obturateurs Synchro-Compur qui équipent les objectifs Zeiss et Schneider en monture Hasselblad pour la série C (1957-1982), les règles sont les mêmes que pour les compurs des Rolleiflex-bi de la même époque, il est indifférent de les laisser armés ou désarmés, mais bien entendu les laisser désarmés ne nuit pas. Cette sage précaution me semble peu utile avec les compurs postérieurs aux années 1950, et totalement inutile avec un prontor CF récent ou un Copal récent. Du moins c'est mon expérience avce un recul de 30 ans.
Les compurs de tous âges, anciens ou modernes, doivent être révisés de temps en temps par un homme de l'art, selon la méthode horlogère, c'est à dire dégraissage soigneux avec re-lubrification au pique-huile de certains pivots importants, avec une huile appropriée, en particulier au niveau de l'échappement de la minuterie des vitesses lentes.
Moyennant quoi la durée de vie d'un compur bien entretenu dépasse probablement le siècle.
Concernant la lubrification,
Claus Prochnow, dans le « Rollei Technical Report » va même jusqu'à dire qu'il vaut mieux dégraisser complètement un compur et le laisser totalement sec, du moment qu'il s'agit d'un appareil de collection qui ne sert que très épisodiqment, que de tenter soi-même une re-lubrification mal faite.
Personnellement avec tout le respect que je dois au regretté Claus Prochnow
(qu'on devait souvent solliciter pour remettre en état des compurs qui avaient été aspergés d'huile de table en croyant bien faire), il est hors de question que je laisse un compur sec ! Du moins tant que la compétence de réparation est disponible, ce qui est le cas aujourd'hui.
En général lorsque les vitesses lentes d'un compur commencent à gommer, il est temps de penser à une révision. On n'est pas à un jour près, et si effectivement le fait d'actionner l'échappement des vitesses lentes ne peut pas être nuisible pour retarder le gommage, un compur ne s'auto-répare pas
durablement de lui-même simplement en l'actionnant de manière intensive : la diffusion de traces d'huile dans le mécanisme, et le vieillissement des huiles, sont des phénomènes irréversibles.
Donc, nettoyage et re-lubrification selon les règles de l'art sont la seule solution. C'est un principe de base de l'horlogerie : on ne re-lubrifie jamais un mécanisme sale, et le compur est conçu selon ces principes-là. Il faut toujours passer par une étape de nettoyage complet avec une re-lubrification précautionneuse avec une huile neuve
(je dirais même : une huile neûeûve, comme on dit chez nous).E.B.Modifié 6 fois. Dernière modification le 05/03/14 12:27 par Emmanuel Bigler (modérateur).