Le Grand Format au cinéma : Ida

Assez grosse émotion hier soir en voyant le film de Panel Pawlikowski, Ida.
Film en N&B dans un format 4/5 avec un soin de la photo qui nous fait voyager ( le terme est juste car le film est un peu construit comme un road movie) à travers des plans qui ont chacun l'âme d'un Grand Format. La lumière et les tonalités de gris sont magnifiques, les cadrages souvent audacieux comme chez Sergio Larrain avec des personnages en bord de cadre parfois coupés, et souvent un grand vide ou faux vide dans le reste du champ qui colle bien au récit.
Le directeur de la photo s'appelle Lukasz Zal et j'ai l'impression que c'est son premier long métrage.
Bon je sais on va me dire que je me suis trompé de forum mais franchement le film est magnifique et si près de notre passion commune
Eric

Bonjour Éric,
Vous ne vous êtes pas trompé de forum. L'esthétique de ce film magnifique (vu aussi hier soir) est, c'est vrai, très photographique : que des plans fixes sauf le dernier, des découpes de cadre au couteau, un format désormais inhabituel au cinéma qui rapelle Eisenstein, Ozu ou Kubrick, et un noir et blanc subtilement teinté. L'image est tellement belle et l'histoire si intelligemment racontée que c'en est miraculeux, à voir !

Au fin fond de ma campagne, il va falloir attendre un moment pour le voir :-). Commentaire qui n'apportera pas grand chose à vos propos à tous les deux, comme dit Zoran, vous ne vous êtes pas trompé de forum, ça fait plaisir de lire des choses comme ça un dimanche matin.

Jimmy

Tu trouveras facilement les bandes annonces d'Ida sur le net, je ne l'a mets pas en lien. Mais en guise de consolation voici une merveille de trois minutes quarante six, c'est presqu'un film en soi. Comme dans Ida ou Alexandre Nevski d'Eisenstein, il n'y a que des plans fixes, la particularité de la photographie d'Ozu c'est qu'il posait sa camera très bas à moins d'un mètre du sol pour tous les plans de tous ses films, filmés avec une seule optique, l'équivalent d'un 50 mm. L'extrait du film The Only Son, montre l'extraordinaire délicatesse du bonhomme dans le traitement de ses personnages mais aussi la grâce incroyable des cadrages. Pardon pour l'accumulation des superlatifs, ces choses-là sont trop rares pour ne pas les mériter.
[www.criterion.com]



Modifié 3 fois. Dernière modification le 16/02/14 13:17 par Zoran.

Merci Zoran pour ce lien
J'avoue qu'hier soir j'avais pensé à Eisenstein, peut-être aussi à cause de l'ambiance "Est" mais je n'avais pas poussé jusqu'à l'Extrême Est et Ozu c'est vraiment un grand Maître y compris pour des photographes.
Eric

"Mother... what did you think I had become ?"

Merveilleux. J'avais racheté il y a un moment quelques films d'Ozu mais ceux-là ne figuraient pas dans le coffret.

Il y a une belle bande-son dans le Tokyo-ga de Wenders, quand il suit les traces d'Ozu.

Jimmy



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/02/14 13:38 par Jimmy Péguet.

Mais oui ! Dans Tokyo Ga il s'entretient avec le chef opérateur d'Ozu, il raconte qu'il n'a travaillé que pour lui et avec personne d'autre après sa mort, c'est tellement japonais...
Carlotta vient de les rééditer en dvd zone 2, apparemment ce sont des films de jeunesse, ce qui est étonnant chez ce genre d'artiste c'est que tout est là dès le début.

@ Éric, oui l'Est, l'extrême Est, ensuite il n'y a plus rien, mais ce rien est remplit de ce qui a été traversé :)



Modifié 4 fois. Dernière modification le 16/02/14 14:07 par Zoran.

Yuharu Atsuta, le chef opérateur d'Ozu a travaillé avec lui comme assistant-opérateur dès 1928, puis il est devenu chef opérateur à partir de 1937, soit une cinquantaine de films avec Ozu au total dont 15 comme chef op.

Extrait “Tokyo-ga” de Wenders avec Atsuta :
[www.youtube.com]

Les carnets d'Atsuta :
[www.um.u-tokyo.ac.jp]

Les 15 films d'Atsuta avec Ozu, avec captures d'écran et extraits :
[www.a2pcinema.com]

J'avais une version avec le timbre et le rythme très particuliers de la voix de Wenders en français qui ajoutait une dimension peut-être encore plus hypnotique au film. Ce qui était également frappant, c'est le choix de la musique qui évoquait irrésistiblement l'univers d'Ozu, qu'on commence à deviner à la fin de l'extrait de YouTube. Cet entretien avec le chef op' d'Ozu, on ne l'oublie pas quand on l'a vu une fois.

J'espère qu'Oksenh ne se formalise pas de l'éloignement de son propos initial :-)

Jimmy

Dans Tokyo Ga il s'entretient avec le chef opérateur d'Ozu, il raconte qu'il n'a travaillé que pour lui et avec personne d'autre après sa mort, c'est tellement japonais...

En lisant le commentaire sur les carnets d'Atsuta (lien de Marc), il semble que ce ne soit pas exact. A moins, je n'ai plus le film, seulement une cassette usée jusqu'à la corde de la bande-son, qu'il soit à ce moment-là question de quelqu'un d'autre.

Jimmy

Oui il a travaillé avec d'autres réalisateurs, mais ... "je n'était sensible ni au travail, ni au metteur en scène".

[collodion-humide.com]

Bien sûr qu'Atsuta a travaillé avec d'autres réalisateurs japonais : Hiroshi Shimizu, Yasushi Sasaki, Hideo Ôba, Noboru Nakamura et Masaki Kobayashi entre autres.
Ce qui est vrai, c'est qu'après la mort d'Ozu en 1963, Atsuta n'a quasiment plus tourné.

Un peu de lecture :
[www.leoscheer.com]
[www.objectif-cinema.com]



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/02/14 19:07 par Marc42.

J'avais vu le film de Wenders il y a longtemps, il faut que je retrouve ce passage de l'entretien qui m'a laissé penser qu'il n'avait filmé que pour Ozu. Je l'ai en DVD quelque part avec la belle voix de Wenders en français, merci Jimmy pour le rappel du film, et aux autres pour la précision, la mienne n'est pas franchement scientifique, et à part quelques bribes éparses mêlées de mes impressions très subjectives je n'y connais pas grand chose.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/02/14 19:52 par Zoran.

En lisant ce que tu avais écrit, il m'a également semblé m'en souvenir. Ou comment ce qu'on imagine être la mémoire est - peut-être ? - modifiée par les suggestions...

Jimmy

Merci beaucoup pour l’information sur Ida car l’affiche ne donne guère envie de se déplacer.
Sur le plan photographique – et ayant également un intérêt évident pour Ozu Yasujiro – le film qui m’a le plus marqué est La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Dreyer ; les plans, fixes, sont extraordinaires. Ensuite, il y a eu Jean-Luc Godard mais c’est une autre histoire (qui ne s’éloigne pourtant pas tant du fil d’origine…

J'ai la transcription de la bande son sous les yeux :" ww : Après la mort d'Ozu, avez-vous travaillé avec d'autres metteurs en scène? - Oui, je l'ai fait. Mais je me sentais tellement mal. J'étais complètement abruti........"

[collodion-humide.com]

Merci Jacques pour la retranscription, je comprends mieux mon erreur. (Vos jardins de lumières sont très beaux, en particulier le paysage urbain/architecture, à quand le livre ?)

@Jimmy,
C'est drôle ce que tu dis, parce que ce genre de trucs m'arrive uniquement sur des films, le cinéma me plonge dans une réalité seconde, instable. J'avais vu l'abécédaire de Deleuze à la télé lors de sa première diffusion et j'aurais pu te jurer dix ans plus tard, sans l'avoir revu, qu'elles étaient deux à s'entretenir avec lui. En fait sur quelques plans on voit le reflet de Claire Parnet dans le miroir placé derrière Deleuze qui, du coup, se retrouve encadré par l'image de deux femmes, ou deux images d'une seule femme. L'avantage de superposer les imaginaires c'est que je trouve un très grand plaisir à voir et revoir les mêmes films. L'expérience la plus forte de ce point de vue c'est le cinéma de Sokurov des années 90, je n'ai jamais pu voir Pages Cachées jusqu'au bout, l'onirisme sublime des images est si puissant que l'expérience se confond avec le rêve, si bien que je m'endors ! Impossible de te parler de son cinéma sans passer par mes expériences comme la polyphonie , mon compte rendu de Mère et fils ne risque donc pas d'être très exact, mais je recommande le film.



Modifié 4 fois. Dernière modification le 17/02/14 11:35 par Zoran.

Merci Zoran ! Aucune idée, pas de publication en vue pour le moment.

[collodion-humide.com]

Superbe documentaire en n&b hier soir sur Arte sur une région de l'Oural contaminée en 1957 par une explosion sur un site de déchets nucléaires.

[www.arte.tv]

[www.franceculture.fr]

Un mot sur "Le fils unique" que j'ai acheté il y a quelques jours. Zoran parle de grâce, en disant que "tout est déjà là". Oui oui oui. 1936, je crois, et rien de ce qu'on perçoit souvent aujourd'hui comme des maniérismes dans le jeu de l'époque. La suggestion toujours, une très grande subtilité, un mot, un geste, un regard (le regard aimant, puis soudain inquiet du fils qui a emmené sa mère au cinéma parlant) et le spectateur est transpercé, transporté. Rien de trop, rien de gratuit. Les lieux et la situation précise des personnages, un atelier de travail de la soie, la traversée des faubourgs industriels de Tokyo, les intérieurs de maisons... Le cadre, le travail sur la lumière, le gris, tout est admirable dans ce film. La grâce, oui, à chaque instant.

Et "Ida" passe bientôt ici :-)

Jimmy

Ida est une merveille de film, tout ajout serait superflu!
Nous l'avons admiré hier soir à Genève, au scala pour les régionnaux.

pour moi Ida fait parti des plus grands films de cette année, film exceptionnel à découvrir la Pologne des années 60

cadeau anniversaire femme

A la place de Jimmy je me garderais d'aller voir ce film. Et voilà pourquoi : à un moment clef, l'amant de l'héroïne, cherchant à lui décrire l'avenir radieux qui les attend, lui annonce "nous aurons un chien, il s'appellera Groeland" et cela suffit pour que tout tourne mal ...

Amitiés trichromistes

Gary

L'ultime trichromie

C'est rigolo ce pseudo: HARRY COW, cela me fait penser à Dary Cowl, un autre humoriste...
Et si on laissait à M.Péguet le soin de juger ce film par lui-même...Monsieur How!

Gary (dont l'origine du nom est à rechercher ailleurs, même s'il y a dedans de vrais morceaux de Darry Cowl, un homme très fin en passant), un gars de la grande ville, a été très marqué par la rencontre avec une créature agitée dont la similitude de nom avec "Groeland" ne lui a pas échappé.

Jimmy

S'il vous plait :

Gary et non pas Harry, Henri ou autres
How et non Cow etc.

Merci

Amitiés trichromistes

Gary

L'ultime trichromie

On attend donc avec impatience le commentaire de Jimmy P. sur le film « Ida ».

(Grâce aux bons conseils du forum en général, et ceux de Jimmy P. en particulier, certes, j'économise un abonnement à « Télérama » ; mais pour ce qui est des bouquins de photo d'art dont je n'aurais jamais entendu parler, le Père Jimmy est tout de même un sacré pousse-à-l'achat ;-) )

E.B.

Vu seulement ce soir le film Ida. Si certains plans sont remarquables, la forme prend la main sur le fond et, ce parti pris esthétique, manque de personnalité (les influences de Carl Dreyer – La Passion de Jeanne d’Arc – et de Robert Besson – Un Condamné à mort s’est échappé – y sont mal appropriées). Certains passages sombrent dans la lourdeur (scènes de réfectoire, l’exhumation, le retour au couvent). Nous sommes bien loin de Ozu, Wenders, Godard…

L. écrivait:
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> Nous sommes
> bien loin de Ozu, Wenders, Godard…


J'ai cité Ozu pour le format qui est très inhabituel, c'est à peu de choses près du 4x5, la comparaison s'arrête là. En dehors des aspects formels, ni Ozu ou Wenders n'ont raconté une histoire qui mêle destin individuel et histoire collective de façon aussi dramatique. Je trouve au contraire remarquable que l'esthétique soit poussée à fond et qu'elle résiste au scénario. La scène de l'exhumation et le plan de cet homme coincé dans le trou de ses souvenirs, hanté par les fantômes est d'une grande force poétique. Cela dit c'est la Pologne de l'après guerre, une juive faite nonne rescapée miraculeusement de l'extermination qui retrouve les reste de sa famille grâce à celui qui les a tués, et l'unique personne de sa famille qui finit par se suicider, dans le genre léger on trouve facilement mieux ...