UNE NOUVELLE BARBARIE ?
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UNE NOUVELLE BARBARIE ?

Envoyé par OUTIS 
UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mercredi 9 juillet 2014 10:45:36
Sommes-nous devenus pauvres en expérience ? Cette nouvelle barbarie que Benjamin dit positive peut-elle s'appliquer aux nouvelles technologies, ainsi qu'à leurs productions plastiques et plus particulièrement photographiques ? ΟΥΤΙΣ propose cette lecture à ses amis du forum et en espère une instruction générale ouvrant une discussion variée, vive, voire polémique. Certains diront encore Benjamin ! Benjamin grand oublié du vingtième siècle devient de plus en plus un penseur important, propre à éclairer les errances de notre temps. Mougin y fait allusion dans son intervention du Musée Niépce, mais uniquement soucieux d'effets de manche, histoire d'épater un public âgé et fatigué, il n'a fait qu'en effleurer le sujet.

Ce texte qui n'est pas en soi de lecture difficile vous est donc proposé à votre méditation, et comme tout grand texte il doit être lu avec respect, attention et surtout ouverture. Il ne comporte pas en soi de vérité, mais il ouvre sur une véritable problématique. A vous d'en poser les termes et d'en explorer les issues. Car tel Poros, le Navigateur, père d'Eros il s'agit de trouver sur la mer son chemin là où in n'y a pas de chemin. Ainsi en va-t-il de la pensée ?


Expérience et pauvreté, par Walter Benjamin


1933
Dans nos manuels de lecture figurait la fable du vieil homme qui sur son lit de mort fait croire à ses enfants qu’un trésor est caché dans sa vigne. Ils n’ont qu’à chercher. Les enfants creusent, mais nulle trace de trésor. Quand vient l’automne, cependant, la vigne donne comme aucune autre dans tout le pays. Ils comprennent alors que leur père a voulu leur léguer le fruit de son expérience : la vraie richesse n’est pas dans l’or, mais dans le travail. Ce sont des expériences de ce type qu’on nous a opposées, en guise de menace ou d’apaisement, tout au long de notre adolescence : « C’est encore morveux et ça veut donner son avis. » « Tu en as encore beaucoup à apprendre. » L’expérience, on savait exactement ce que c’était : toujours les anciens l’avaient apportée aux plus jeunes. Brièvement, avec l’autorité de l’âge, sous forme de proverbes ; longuement, avec sa façon de, sous forme d’histoires ; parfois dans des récits de pays lointains, au coin du feu, devant les enfants et les petits-enfants. – Où tout cela est-il passé ? Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? Où les mourants prononcent-ils encore des paroles impérissables, qui se transmettent de génération en génération comme un anneau ancestral ? Qui, aujourd’hui, sait dénicher le proverbe qui va le tirer d’embarras ? Qui chercherait à clouer le bec à la jeunesse en invoquant son expérience passée ?
Non, une chose est claire : le cours de l’expérience a chuté, et ce dans une génération qui fit en 1914-1918 l’une des expériences les plus effroyables de l’histoire universelle. Le fait, pourtant, n’est peut-être pas aussi étonnant qu’il y paraît. N’a-t-on pas alors constaté que les gens revenaient muets du champ de bataille ? Non pas plus riches, mais plus pauvres en expérience communicable. Ce qui s’est répandu dix ans plus tard dans le flot des livres de guerre n’avait rien à voir avec une expérience quelconque, car l’expérience se transmet de bouche à oreille. Non, cette dévalorisation n’avait rien d’étonnant. Car jamais expériences acquises n’ont été aussi radicalement démenties que l’expérience stratégique par la guerre de position, l’expérience économique par l’inflation, l’expérience corporelle par l’épreuve de la faim, l’expérience morale par les manœuvres des gouvernants. Une génération qui était encore allée à l’école en tramway hippomobile se retrouvait à découvert dans un paysage où plus rien n’était reconnaissable, hormis les nuages et au milieu, dans un champ de forces traversé de tensions et d’explosions destructrices, le minuscule et fragile corps humain.
Cet effroyable déploiement de la technique plongea les hommes dans une pauvreté tout à fait nouvelle. Et celle-ci avait pour revers l’oppressante profusion d’idées que suscita parmi les gens – ou plutôt : que répandit sur eux – la reviviscence de l’astrologie et du yoga, de la Science chrétienne et de la chiromancie, du végétarisme et de la gnose, de la scolastique et du spiritisme. Car ce n’est pas tant une authentique reviviscence qu’une galvanisation qui s’opère ici. Pensons aux magnifiques peintures d’Ensor, montrant des rues de grandes villes pleines de tumulte, où se déverse à perte de vue une cohorte de petits bourgeois en costume de carnaval, des masques grimaçants et poudrés au front orné de couronnes de paillettes. Ces tableaux illustrent peut-être au premier chef l’effrayante et chaotique renaissance en laquelle tant de gens placent leurs espérances. Mais nous voyons ici, de la manière la plus claire, que notre pauvreté en expérience n’est qu’un aspect de cette grande pauvreté qui a de nouveau trouvé un visage – un visage aussi net et distinct que celui du mendiant au Moyen Âge. Que vaut en effet tout notre patrimoine culturel, si nous n’y tenons pas, justement, par les liens de l’expérience ? À quoi l’on aboutit en simulant ou en détournant une telle expérience, l’effroyable méli-mélo des styles et des conceptions du monde qui régnait au siècle dernier nous l’a trop clairement montré pour que nous ne tenions pas pour honorable de confesser notre pauvreté. Avouons-le : cette pauvreté ne porte pas seulement sur nos expériences privées, mais aussi sur les expériences de l’humanité tout entière. Et c’est donc une nouvelle espèce de barbarie.
De barbarie ? Mais oui. Nous le disons pour introduire une conception nouvelle, positive, de la barbarie. Car à quoi sa pauvreté en expérience amène-t-elle le barbare ? Elle l’amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien, sans tourner la tête de droite ni de gauche. Parmi les grands créateurs, il y a toujours eu de ces esprits impitoyables, qui commençaient par faire table rase. Il leur fallait en effet une planche à dessin, ils étaient des constructeurs. Descartes fut un de ces constructeurs, qui ne voulut d’abord pour toute philosophie que cette unique certitude : « Je pense, donc je suis », et qui partit de là. Einstein aussi était un tel constructeur, qui soudain n’eut plus d’yeux, dans tout le vaste univers de la physique, que pour une infime divergence entre les équations de Newton et les résultats de l’observation astronomique. Cette même volonté de recommencer à zéro animait les artistes qui, comme les cubistes, adoptèrent la méthode des mathématiciens et entreprirent de construire le monde à partir de formes stéréométriques, ou qui, comme Klee, s’inspirèrent du travail des ingénieurs. Car les figures de Klee ont été pour ainsi dire conçues sur la planche à dessin, et, à l’instar d’une bonne voiture dont même la carrosserie répond avant tout aux impératifs de la mécanique, elles obéissent dans l’expression des visages avant tout à leur structure intérieure. À leur structure plus qu’à leur vie intérieure : c’est ce qui les rend barbares.
Ici et là, les meilleurs esprits ont depuis longtemps commencé à se faire une idée sur ces questions. Ils se caractérisent à la fois par un manque total d’illusions sur leur époque et par une adhésion sans réserve à celle-ci. C’est la même attitude que l’on retrouve quand le poète Bert Brecht note que le communisme consiste dans la juste répartition, non pas de la richesse, mais de la pauvreté, et quand le précurseur de l’architecture moderne, Adolf Loos, déclare : « J’écris pour des hommes dotés d’une sensibilité moderne. [...] Je n’écris pas pour des hommes qui se consument de nostalgie pour la Renaissance ou le rococo. » Un artiste aussi complexe que le peintre Paul Klee, un artiste aussi programmatique qu’Adolf Loos – tous deux repoussent l’image traditionnelle, noble, solennelle, d’un homme paré de toutes les offrandes sacrificatoires du passé, pour se tourner vers leur contemporain qui, dépouillé de ces oripeaux, crie comme un nouveau-né dans les langes sales de cette époque. Personne ne lui a réservé un accueil aussi joyeux, aussi riant, que Paul Scheerbart. Il existe des romans de lui qui de loin ressemblent à un Jules Verne, mais à la différence de Verne, chez qui les véhicules les plus extravagants ne transportent à travers l’espace que de petits rentiers français ou anglais, Scheerbart s’est demandé en quelles créatures tout à fait nouvelles, aimables et curieuses, nos téléscopes, nos avions et nos fusées transformeront l’homme d’hier. Ces créatures, du reste, parlent déjà une langue tout à fait nouvelle. L’élément décisif dans cette langue est l’attrait pour tout ce qui relève d’un projet délibéré de construction, par opposition notamment à la réalité organique. Ce trait est le signe infaillible du langage des hommes – disons plutôt : des gens – chez Scheerbart. Car ils récusent précisément toute ressemblance avec l’homme, principe de l’humanisme. Jusque dans leurs noms propres : dans le livre intitulé Lesabéndio, d’après le nom du héros, les gens s’appellent Peka, Labu ou Sofanti. Les Russes aussi aiment donner à leurs enfants des noms « déshumanisés » : ils les appellent « Octobre », d’après le mois de la Révolution, « Piatilietka », d’après le plan quinquennal, ou « Aviakhim », d’après le nom d’une compagnie d’aviation. La langue ne subit aucun renouvellement technique, mais se trouve mobilisée au service de la lutte ou du travail ; au service, en tout cas, de la transformation de la réalité, plutôt que de sa description.
Scheerbart, pour en revenir à lui, accorde la plus grande importance à installer ses personnages – et, sur leur modèle, ses concitoyens – dans des logements dignes de leur rang : dans des maisons de verre mobiles, telles que Loos et Le Corbusier les ont entre-temps réalisées. Le verre, ce n’est pas un hasard, est un matériau dur et lisse sur lequel rien n’a prise. Un matériau froid et sobre, également. Les objets de verre n’ont pas d’« aura ». Le verre, d’une manière générale, est l’ennemi du mystère. Il est aussi l’ennemi de la propriété. Le grand écrivain André Gide a dit un jour : chaque objet que je veux posséder me devient opaque. Si des gens comme Scheerbart rêvent de constructions en verre, serait-ce parce qu’ils sont les apôtres d’une nouvelle pauvreté ? Mais peut-être une comparaison nous en dira-t-elle plus à ce sujet que la théorie. Lorsqu’on pénètre dans le salon bourgeois des années 1880, quelle que soit l’atmosphère de douillette intimité qui s’en dégage, l’impression dominante est : « Tu n’as rien à faire ici ». Tu n’as rien à y faire, parce qu’il n’est pas de recoin où l’habitant n’ait déjà laissé sa trace : sur les corniches avec ses bibelots, sur le fauteuil capitonné avec ses napperons, sur les fenêtres avec ses transparents, devant la cheminée avec son pare-étincelles. Un joli mot de Brecht nous aide à sortir de là, loin de là : « Efface tes traces ! » dit le refrain du premier poème du Manuel pour les habitants des villes. Ici, dans le salon bourgeois, c’est l’attitude contraire qui est passée en habitude. Inversement, l’« intérieur » oblige l’habitant à adopter autant d’habitudes que possible, des habitudes qui traduisent moins le souci de sa propre personne que celui de son cadre domestique. Il suffit pour s’en convaincre de se rappeler l’état absurde dans lequel se mettaient les habitants de tels cocons, lorsque quelque chose venait à se briser dans le ménage. Même leur manière de se mettre en colère – et ils savaient jouer en virtuoses de cet affect, qui tend aujourd’hui à dépérir – était avant tout la réaction d’une personne à qui l’on a effacé « la trace de son séjour terrestre ». De cela, Scheerbart avec son verre, le Bauhaus avec son fer, sont venus à bout : ils ont créé des espaces dans lesquels il est difficile de laisser des traces. « Tout ce qui a été dit dans cet ouvrage, disait Scheerbart il y a maintenant vingt ans, nous autorise assurément à parler d’une "civilisation du verre". Le nouveau milieu qu’elle créera transformera complètement l’homme. Et il n’y a maintenant plus qu’à souhaiter que la nouvelle civilisation du verre ne rencontre pas trop d’adversaires. »
La pauvreté en expérience : cela ne signifie pas que les hommes aspirent à une expérience nouvelle. Non, ils aspirent à se libérer de toute expérience quelle qu’elle soit, ils aspirent à un environnement dans lequel ils puissent faire valoir leur pauvreté, extérieure et finalement aussi intérieure, à l’affirmer si clairement et si nettement qu’il en sorte quelque chose de décent. Ils ne sont du reste pas toujours ignorants ou inexpérimentés. On peut souvent dire le contraire : ils ont « ingurgité » tout cela, la « culture » et l’« homme », ils en sont dégoûtés et fatigués. Personne ne se sent plus concerné qu’eux par ces mots de Scheerbart : « Vous êtes tous si fatigués – pour cette seule raison que vous ne concentrez pas toutes vos pensées autour d’un plan très simple, mais vraiment grandiose. » À la fatigue succède le sommeil, et il n’est alors pas rare que le rêve nous dédommage de la tristesse et du découragement de la journée, en réalisant l’existence très simple, mais vraiment grandiose, que nous n’avons pas la force de construire dans l’état de veille. L’existence de Mickey Mouse est un de ces rêves des hommes d’aujourd’hui. Cette existence est pleine de prodiges qui non seulement dépassent ceux de la technique, mais tournent ceux-ci en dérision. Car ce qu’ils offrent de plus remarquable, c’est qu’ils ne mettent en jeu aucune machinerie, qu’ils surgissent à l’improviste du corps de Mickey, de ses partisans et de ses persécuteurs, des meubles les plus quotidiens aussi bien que des arbres, des nuages ou des flots. La nature et la technique, le primitivisme et le confort se confondent ici parfaitement, et sous les yeux de gens fatigués par les complications sans fin de la vie quotidienne, de gens pour qui le but de la vie n’apparaît plus que comme l’ultime point de fuite dans une perspective infinie de moyens, surgit l’image libératrice d’une existence qui en toute circonstance se suffit à elle-même de la façon la plus simple et en même temps la plus confortable, une existence dans laquelle une automobile ne pèse pas plus lourd qu’un chapeau de paille, et où le fruit sur l’arbre s’arrondit aussi vite que la nacelle d’un ballon. Mais gardons nos distances, reculons d’un pas.
Pauvres, voilà bien ce que nous sommes devenus. Pièce par pièce, nous avons dispersé l’héritage de l’humanité, nous avons dû laisser ce trésor au mont de piété, souvent pour un centième de sa valeur, en échange de la piécette de l’« actuel ». À la porte se tient la crise économique, derrière elle une ombre, la guerre qui s’apprête. Tenir bon, c’est devenu aujourd’hui l’affaire d’une poignée de puissants qui, Dieu le sait, ne sont pas plus humains que le grand nombre souvent plus barbares, mais pas au bon sens du terme. Les autres doivent s’arranger comme ils peuvent, repartir sur un autre pied et avec peu de chose. Ceux-ci font cause commune avec les hommes qui ont pris à tâche d’explorer des possibilités radicalement nouvelles, fondées sur le discernement et le renoncement. Dans leurs bâtiments, leurs tableaux et leurs récits, l’humanité s’apprête à survivre, s’il le faut, à la disparition de la culture. Et, surtout, elle le fait en riant. Ce rire peut parfois sembler barbare. Admettons. Il n’empêche que l’individu peut de temps à autre donner un peu d’humanité à cette masse qui la lui rendra un jour avec usure.
© Walter Benjamin



Modifié 6 fois. Dernière modification le 23/07/14 16:25 par Emmanuel Bigler (modérateur).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 11:34:20
Culture , expérience nécessairement de l'esprit . Outis je vous propose ce parallèle industriel .
Le patron du Cabinet conseil invitait à la chasse en Sologne le pdg de la société . A laquelle il factura pendant 2 ans 2% de son CA .
Le thème était "l'expérience est un empêchement à l'évolution" ainsi parlait le représentant du dit cabinet , évidemment dépourvu d'expérience du sujet en cause . Puis : "Comprenez donc que les dirigeants du futur seront sélectionnés sur ce critère. . Cela vous permettra d'estimer dès maintenant vos perspectives d'avenir " . Ainsi en est-il est advenu . Mais l'histoire serait incomplète , si il n'était pas précisé , que le culture du métier fut ensuite prise à l'étranger . Car quelques soient les délires de ceux autorisés à penser , il n'y a pas de vie même bassement productive , sans expérience ou culture du métier , de l'art .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 12:33:28
Ce parallèle industriel me paraît aller tout à fait dans le sens de cette "Nouvelle Barbarie Positive", et montre l'actualité de ce texte . Merci à Gérard pour de témoignage qui apporte de l'eau au moulin.

ΟΥΤΙΣ
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 12:43:21
Ou plutot de l'eau au mougin
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 13:22:09
Le sujet est sérieux et demande quelques réflexions, et non point des astuces vaseuses qui ne sont qu'un cache-misère. Mougin is dead, apparemment par submersion.

Amicalement

ΟΥΤΙΣ
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 19:22:12
De l'eau au Mougin , excellent , nous pourrions aussi bien le soumettre à la question par l'eau , ou le vin , ou le fixateur non mieux le révélateur des vérités qu'il scelle en son être philosophe . Mais pour le vin , s'il peut s'abriter dans son tonneau , c'est qu'il a tout distribué à ses disciples sans s'en réserver un hil . La vertu est bien le fait de la pensée . Dans notre société , bien disciplinée , spécialisée , le penser est bien hélas affecté aux maîtres à ce faire . La preuve , cette secte qui se revendique fréquemment toujours pour s'imposer avec ses vues . J'évoque ici "les intelléctuels" . Souvent citoyens du 16° ( pas siècle ) . Il a existé un dictionnaire des intello . Scanale ! Ainsi en est-il !! soit , mais l'ensemble complémentaire des autres , serait il bête voir totalement écervelé , dépourvu de neurones ? Pas même un neurone , comme la limace ! Au travail comme en société je me suis insurgé contre cette sectarisation , c'est bien son cerveau intelligent qui guide la main du limeur , du terrassier qui livre une tranchée à faces planes et parallèles . Son intelligence , située dans son cerveau , a appris le métier , l'a perfectionné . "Nous sommes tous les ouvriers de notre usine" . Instituer un tel vocable sous entendant l'existance d'un sous groupe humain , c'est une immense bêtise .
Salut à toutes les limaces , dont je suis .
Ce forum est bien celui du grand format social et philosophique , sous la direction de Monsieur MOUGIN .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
mercredi 9 juillet 2014 20:02:39
Trop souvent l'expérience est convoquée pour pallier à une certaine paresse, par facilité ou conformisme.
« C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé le possible. Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait possible n’ont jamais avancé d’un seul pas »
Michell Bakounine « Considérations philosophiques sur le monde réel » (1870)
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
jeudi 10 juillet 2014 10:59:09
Oui , mais celui qui sait induit par extrapolation , l'immédiatement possible .
Vu au Centre de recherche de l'Air liquide rue des eaux Claires à Grenoble "Tout le monde sait que c'est impossible , il advient qu'un homme ignore que c'est impossible , et il le réalise " . Delà à créer le mouvement perpétuel ... L'invention est un continuum plus souvent qu'un euréka .
Il y a peu un ancien de l'Aérospatial déjeunait en face de moi , et partant d'une discussion sur les éoliennes , il m'indiquait "avoir construit une machine en mouvement perpétuel ... enfin presque ! elle fonctionne tout de même depuis 30 ans non stop " . Il avait mis en route un proto de centrale inertielle , et depuis 30 ans ses anciens ou nouveaux collègues le tienne au courant de l'état de la machine . Elle fonctione sous un très bon vide . Il ne m'a pas été donné le temps de l'interroger sur la nature des palliers du volant . Ni sur la possibilité d'accélérer le mouvement sur un volant cranté , soumis au choc cinétique des photons .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
jeudi 10 juillet 2014 13:14:47
Cher Andje

"Trop souvent l'expérience est convoquée pour pallier à une certaine paresse, par facilité ou conformisme.". Cette affirmation quelque peu abrupte mériterait d'être explicitée.
Pour ce qui est de l'expérience, on peut s'en remettre à ce qu'en dit Gérard: "Au travail comme en société je me suis insurgé contre cette sectarisation , c'est bien son cerveau intelligent qui guide la main du limeur , du terrassier qui livre une tranchée à faces planes et parallèles . Son intelligence , située dans son cerveau , a appris le métier , l'a perfectionné . "Nous sommes tous les ouvriers de notre usine" ". L'expérience en soi n'est pas paresseuse, elle résulte au contraire de diverses pratiques dans tous les domaines de l'activité humaine. Elle peut être acquise d'autrui, faire un stage par exemple, mais là aussi elle demande un travail. Certes cet acquis peut devenenir paresseux si vous vous en tenez aux seules connaissances acquises, et que de votre côté vous ne les faites pas progresser par votre activité, ou que gardant votre expérience pour vous, vous ne la faites pas progresser, en l'offrant à d'autres.
La condition humaine est telle que lorsque nous naissons nous entrons dans un monde déjà constitué, qui est fait des expériences des vivants que le composent et qui nous transmettent leurs propres expériences. Mais ce monde est aussi constitué du monde des morts qui nous ont transmis par tradition orale ou écrite une tradition et une culture. Comme le disait Levi-Strauss il y a autant d'intelligence dans le biface acheuléen que dans la fusée intercontinentale, car sans le biface acheuléen jamais l'homme ne serait jamais parvenu à concevoir une fusée. Au moyen âge on représentait Saint Thomas d'Aquin le grand docteur de l'église sur les épaules d' Aristote le philosophe grec, comme un enfant sur les épaules de son père. Ainsi dans le domaine de la culture on reste des enfants. Si je peux parler de l'expérience de Mr Mougin il a eu envie de faire des platines en 1980, date où pour la première fois de sa vie il en a vu un. Comment faire, la technique n'était pas d'usage en France. Il a trouvé à la bibliothèque du Musée Nièpce le livre de Pizzighelli et Hübl de 1883. Pizzighelli et Hûbl étaient officiers de l'armé autrichienne. Ils avaient sans doute autre chose à faire que d'écrire un livre sur leurs expériences. Ils l'ont fait, sans cela leur expérience auraité été perdue. Maintenant est-ce que Monsieur Mougin a suivi bêtement leur expérience, bien sûr que non, Il a lui-même trouvé deux trois petits trucs, une application du procédé à des images plus contemporaines qui sont sa création. Passer trente ans à faire des palladiums, à écrire des e-books pour mettre son expérience à disposition ce n'est pas de la paresse. J'étais professeur de philosophie. cela fait cinquante cinq ans que je lis de la philosophie, ce n'est pas de la paresse mais cela peut-être du conformisme, et vous avez raison car dans le domaine de la philosophie je n'ai rien produit si ce n'est des élèves dont on ne sait pas ce qu'ils deviennent, mais mes lectures, mes expériences auront marqué 5000 élèves, ce n'est pas rien, même si le mot intello est devenu une insulte dans les cours de récréation des collèges, et même parfois est mal vu et devenu un sujet de quolibets sur ce forum, qui a vu disparaître tous ceux qui dans le domaine de la rélexion esthétique avaient quelque chose à dire. J'en exclus Henti Peyre dont chaque mois ou presque on peut suivre la pensée et les intérêts.
"« C’est en cherchant l’impossible que l’homme a toujours réalisé le possible. Ceux qui se sont sagement limités à ce qui leur paraissait possible n’ont jamais avancé d’un seul pas » Bakhounine. J'ai beaucoup de considération pour l'auteur que vous citez et pour le marxisme en général. On peut être marxiste sans être communiste."Marx disait lui-même qu'il n'était pas marxiste". Benjamin comme vous le savez était marxiste, mais pas très orthodoxe, marqué par la mystique juive et par les idées de son ami Brecht. Si vous avez lu le texte rapporté, il vous dirait que le marxisme est une barbarie (1933), il est vrai positive. Le barbare n'aime pas la civilisation, il commence par détruire, par faire table rase du passé, il est iconocolaste, détruit les statues, les temples, brûle les livres, a la haine de la pensée. Les chrétiens ont ainsi détruit le monde ancien, ont détruit le paganisme, ont brulé la bibliothèque d'Alexandrie, ont failli bruler Galilée, aujoud'hui les exemples d'une telle barbarie ne manquent pas. Or l'idée de Révolution repose sur cette idée là. Faisons table rase du passé, recommençons tout à zero, cette barbarie peut être positive, puisqu'elle construit un monde nouveau, pour Descartes une métaphyqique et une physique qui ne tiennent plus la route, pour le communisme un monde nouveau, qui a produit le Goulag, s'est nourri d'antisémitisme, pour s'autodétruire.
Nous vivons une nouvelle culture, une nouvelle barbarie positive qui elle aussi prétend tourner le dos au passé et de plus faire l'économie de l'acquisition de tout savoir faire de toute expérience ou pour le moins la réduire au minimum, en se remettant à la calculablité de nos machines infiniment plus puissantes que nous, nous appelons cela la réalité augmutée.
Excusez moi pour la longueur de mon discours mais je dois lutter contre mon Alzeimer, et j'aimerais bien ne pas devenir pauvre en expériences.

ΟΥΤΙΣ



Modifié 2 fois. Dernière modification le 10/07/14 13:27 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
jeudi 10 juillet 2014 13:49:05
Monsieur Gérard,

Je n'ai pas grand chose à ajouter à ce que vous rapportez et qui est tout à fait dans l'esprit de ce que défend Benjamin dont je suis ici le modeste propagandiste, et vous un précieux illustrateur.

Vous parlez de Mr Mougin, je connais ce Monsieur pour l'avoir fréquenté, je connais ses qualités, mais surtout ses défauts, sa pédantrie, sa médisance proverbiale, son côté raffiné mais surtout rustique, voire grossier que personnellement je déplore. Veuillez s'il vous plaît ne plus me confondre avec lui. Tout homme n'a-t-il pas droit à une deuxième existence, et aujourd'hui l'anonymat n'est-t-il pas notre meilleure rempart, puisque de partout nous sommes pistés, épiés, commentés, jugés à l'emporte pièce.

Cette non personne que je suis a grand plaisir à vous connaître virtuellement, et je vous remercie de bien vouloir suivre mon ami Benjamin dans les arcanes de sa réflexion.

Peut-être qu'un jour nous pourrons prononcer ensemble cette grande vérité célébrée par Kirkegaard: "In Vino Veritas", ce qui est une façon populaire de dire que la vérité appartient à l'ex-sistence, c'est-à-dire à la capacité de se mettre "hors de soi", par l'hospitalité des idées, l'esprit d'ouverture que nous accorde l'amitié.

ΟΥΤΙΣ
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
jeudi 10 juillet 2014 15:27:44
OUTIS écrivait:
-------------------------------------------------------
> Sommes-nous devenus pauvres en expérience ?

( note de l'un des modérateurs : voir le texte original ci-dessus)

> ... Il > n’empêche que l’individu peut de temps à
> autre donner un peu d’humanité à cette masse
> qui la lui rendra un jour avec usure.
> © Walter Benjamin

Les temps poses trop long n'ont jamais été mon fort ……

:-/



Modifié 1 fois. Dernière modification le 23/07/14 16:24 par Emmanuel Bigler (modérateur).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
jeudi 10 juillet 2014 15:58:55
Merci d'avoir reproduit le texte de Benjamin, cela a dû vous demander quelque temps. Le lire vous aurait demandé pas plus de temps que celui nécessaire à lire un article de journal, le méditer un peu plus. Ce que vous affirmez comme un manque d'expérience, n'est pas un handicap mais une invitation à persévérer.

Il semble que nous nous soyons déjà rencontrés dans la revue Regards. En ces temps j'étais encore un autre moi-même. En matière de photographie vous ne semblez pas manquer d'expérience, ce qui vous permet de produire des images d'une beauté tout à fait énigmatique.


Enfin, nous avons au moins en commun la passion du Noir; le Noir qui permet dans sa profondeur l'apparition de l'étrangeté.

Merci pour ce beau travail.

Amicalement

ΟΥΤΙΣ



Modifié 1 fois. Dernière modification le 10/07/14 16:07 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
vendredi 11 juillet 2014 23:09:21
On dirait que "le désert croît" selon le dire de Nietzsche. Serions nous les "derniers hommes"?


ΟΥΤΙΣ

L'homme qui n'avait plus de nom, devenu bélier parmi les "moutons" de Polyphème.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 11/07/14 23:10 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
samedi 12 juillet 2014 18:51:20
Peut-être faut-il bien voir que pas mal de notions fonctionnent parfaitement en couple qu'il est plus ou moins possible d'opposer.
Il en est ainsi de l'homme civilisé et du barbare ; de la culture et de l'ignorance ; de la connaissance de la vieille histoire et de l'éternelle jeunesse de l'ignorance. L'un donne la mesure de l'autre.

Mais cela va plus loin : la possibilité de faire jouer la participation personnelle à l'un puis à l'autre, chez le même sujet, fait naître une véritable jouissance dans un être devenu esthétique. Il en est ainsi du mouvement dyonisien qui s'empare parfois de l'apollinien (et réciproquement), et l'on a souvent vu ici même Mougin le barbare succéder à Mougin l'adorateur des civilisations classiques. C'est simplement que le plaisir est en cause, et il faut se garder d'être trop sérieux et dans la défense de la civilisation et dans l'adhésion à la barbarie, sous peine d'y perdre le plaisir, qui est possibilité d'en confronter sans cesse les points de vue.

Il y a des menaces techniques sur le monde : menaces écologiques d'épuisement en particulier ; ces menaces sont réelles en ce qu'elles pourraient nous projeter dans des ennuis sérieux. Sérieux au point qu'il faudrait se mettre sérieusement à survivre, sans plus pouvoir faire jouer les possibilités de changement d'angles dans l'inspection du monde. Nous aurions une sorte d'obligation apollinienne d'obéir pour notre survie à des consignes exigeant un ordre précis et rigoureux. Nous ne pourrions plus être dyonisien du tout, ce luxe ne serait plus permis.
Exit la jouissance alors. Ca ressemblerait bien à la vraie pauvreté.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
dimanche 13 juillet 2014 10:52:38
L'expérience est un savoir comme le reste de la connaissance . Je n'ai jamais dans le métier pu y voir un frein à l'innovation . Je crois que les esprits statiques sont retenus par la crainte de s'exposer à l'échec , le silence est d'or .
Si le silence , le retrait est d'or , c'est que le chef n'est pas compétent comme tel .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
dimanche 13 juillet 2014 15:29:07
GERARD écrivait:
-------------------------------------------------------

> Je crois que les
> esprits statiques sont retenus par la crainte de
> s'exposer à l'échec

Bien d'accord : la peur de l'échec est le meilleur moyen, en tout, de perdre du temps...
Stupide à ce sujet est la mode actuelle de casser la note dans l'enseignement : en supprimant les mauvaises notes on ne fait que sacraliser la peur de l'échec ; on recule devant le loup de carton-pâte. Pouvoir se situer est pour l'élève une façon d'accepter définitivement le constat de l'échec possible, de passer au-dessus de la peur, pour monter enfin... et, par la note, en constater la preuve.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
lundi 21 juillet 2014 19:49:31
JG à HP : casser le système de notation , malthusien au possible . Dans la ligne de cette idée stérélisante , supprimer tous les sports et même les jeux olympiques .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
lundi 21 juillet 2014 21:53:59
GERARD écrivait:
-------------------------------------------------------
> JG à HP : casser le système de notation ,
> malthusien au possible . Dans la ligne de cette
> idée stérélisante , supprimer tous les sports
> et même les jeux olympiques .

Votre ignorance en sport fait peur, certains ont des vertus autres que le système de notation que vous évoquez ignore. Inutile donc dans votre vision de supprimer tous les sports.
A la volée :
La plongée sous-marine et sa palanquée : Tout le monde plonge et remonte en même temps, les plongeurs se secourent entre-eux en cas de difficultés.
L'alpinisme et sa cordée : Dont tous les membres grimpent ensemble et s'entraident, le plus lent donne le rythme au plus rapide.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE?
lundi 21 juillet 2014 23:22:25
Benjamin réveille toi, et vois par toi-même. Ils discutent notation et ne savent pas te lire. Même Mr Peyre qui fait quelques efforts te confond avec Nietzsche.

ΟΥΤΙΣ
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mercredi 23 juillet 2014 16:21:53
... Ce texte qui n'est pas en soi de lecture difficile ...

... il sera tout de même plus facile à lire une fois remis en forme de façon un peu plus aérée et on pas comme un bloc compact !

mougin-benjamin-2014-07-22.pdf

(à voix basse et sans insister : en typographie française, le point d'interrogation, de même que le point d'exclamation, les deux points et le point-virgule, sont précédés d'une espace insécable, alors que le simple point et la virgule suivent immédiatement un mot, sans espace ; de plus, inutile de préciser que les seuls guillemets de la typographie française sont ... les guillemets « à la française ». On peut leur préférer la mise en italiques ; la nuance entre les deux formes de « mise hors champ » est subtile, je ne saurais l'expliquer.)


Remercions tout d'abord Jean-Claude M[CENSURÉ] euh ... disons JCM comme tout le monde (** note 1), de nourrir notre réflexion estivale par un beau texte.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, difficile de ne pas associer « 1933 » et « barbarie » ; JCM nous expliquera (** note 2) au passage comment le sens du mot « barbarie » est comme double dans le texte de Walter Benjamin (W.B. dans la suite).

Je cite W.B., et je me souviens : 1933.
« À la porte se tient la crise économique, derrière elle une ombre, la guerre qui s'apprête. »


(** note 1) Les aventures de JCM, la suite : notre héros, usant d'un habile subterfuge, avait réussi à échapper aux Cyclopes de galerie-photo en se faisant appeler, en grec ancien, « Personne ». Hélas, sur galerie-photo, tout le monde n'est pas cyclope, c'était compter sans la vigilance implacable de la tribu des zweiäugige Kameras qui ont réussi à retrouver sa véritable identité !


(** note 2) Après mai 1968, dans les classes terminales françaises, les cours magistraux des profs de philo et les bons manuels comme le Vergez, pourtant si clairs et d'un abord aisé pour les ados que nous fûmes au siècle passé, furent considérés par les révolutionnaires soixante-huitard comme innoportuns, désuets, inutiles, bref, à mettre au feu. J'ai donc un souvenir assez vif de m'être vu balancer comme premier travail de philo, un texte abscons de Parménide sur l'être et le non-être. Et encore, je ne plaignais pas car j'avais échappé au couple infernal Marx-Freud.
Certes le texte de W.B. n'est pas un texte de Fichte dans le Urtext, mais j'attends néanmoins que JCM nous aide, un minimum, dans l'analyse de ce beau texte. Comme nous sommes bien après mai 1968, JCM, du haut de sa chaire virtuelle, sera bien obligé de discuter un peu avec ses élèves galerie-photoïstes, à propos d'un texte finalement pas si « facile » !

(à suivre)

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E.B.



Modifié 3 fois. Dernière modification le 28/07/14 18:10 par Emmanuel Bigler (modérateur).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 00:09:52
Suggestion de lecture : le Lexique des règles typographiques en vigueur à l'Imprimerie nationale (ISBN 2-11-081075-0), pour moins de quinze euros, vous serez surpris à chaque page et deviendrez rapidement incollable sur ce sujet éminemment passionnant qu'est la composition d'un texte, y compris sur l'usage des guillemets et de l'italique !

Emmanuel, à voix tout aussi basse : sauras-tu trouver en quelle occasion nous utilisons les guillemets anglais ?
;-)

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.: jeanbaPhoto ::: jeanbaBlog :.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 00:12:37
« […] plus facile à lire une fois remis en forme […] »
Une des raisons pour laquelle je n’en n’ai pas encore commencé la lecture (le livre est en commande).

Pour les significations des italiques, des guillemets, etc. un seul ouvrage… de grammaire : LE Grevisse (Maurice Grevisse, Le Bon usage, Grammaire française, refondue par André Goose, éditions DeBoeck-Duculot, pas de date, il y a trop d’éditions).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 13:46:25
sauras-tu trouver en quelle occasion nous utilisons les guillemets anglais ?
;-)

Certainement pas !
À la rigueur, je veux bien utiliser des „guillemets allemands“, lorsque je citerai Claus Prochnow, ou que j'aurai besoin de guillemets européens capables de citer des guillemets nationaux qui ne peuvent pas se citer eux-mêmes.

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Une autre remarque de pure forme avant de plonger dans la discussion ; promis, ce sera la dernière.

Le wiki de service nous dit : Walter Benjamin (1892 - 1940). Compte tenu de la règle des septante années après le décès de l'auteur, qui régit le droit d'auteur européen (que nous n'appelerons, évidemment pas Copyright ©), les oeuvres de W.B. sont tombées dans le domaine public au sens européen du terme depuis au moins trois ans révolus ; nous sommes donc libres de reproduire ici, publiquement, en-dehors du cercle familial, de très larges extraits de cette oeuvre majeure, bien au-delà du droit de citation équitable qui se limite à de courts extraits.

Et nous sommes reconnaissants à JCM d'avoir pris un soin extrême à dactylographier à la main ce texte pour nous, dans le respect le plus strict de la typographie française (en particulier, les majuscupes accentuées « À quoi l'on aboutit », « À la fatigue succède le sommeil » et, natürlich, les espaces avant les signes de ponctuation qui en ont besoin.)


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Mais revenons-z'en au texte qui nous est proposé.

Avant de s'y plonger, on me pardonnera, j'espère, d'en avoir fait une première lecture extrêmement superficielle, dont j'extrais quelques passages qui m'ont sauté aux yeux, en soulignant tout d'abord ce que je n'attendais certainement pas sous la plume de JCM citant W.B. :

« À la fatigue succède le sommeil, et il n'est alors pas rare que le rêve nous dédommage de la tristesse et du découragement de la journée, en réalisant l'existence très simple, mais vraiment grandiose, que nous n'avons pas la force de construire dans l'état de veille. L'existence de Mickey Mouse est un de ces rêves des hommes d'aujourd'hui. Cette existence est pleine de prodiges qui non seulement dépassent ceux de la technique, mais tournent ceux-ci en dérision.

Car ce qu'ils offrent de plus remarquable, c'est qu'ils ne mettent en jeu aucune machinerie, qu'ils surgissent à l'improviste du corps de Mickey, de ses partisans et de ses persécuteurs, des meubles les plus quotidiens aussi bien que des arbres, des nuages ou des flots. »


Le wiki de service nous donne ce repère historique :
« Mickey Mouse, première apparition : novembre 1928 ».

Je ne sais pas si Mickey Mouse joue ou pas un rôle important dans la réflexion à laquelle JCM nous convie, mais JCM va nous le dire.

----------------------------------------

L'autre point qui m'a sauté aux yeux c'est cette citation de Bertold Brecht :

« C'est la même attitude que l'on retrouve quand le poète Bert Brecht note que le communisme consiste dans (** note 1) la juste répartition, non pas de la richesse, mais de la pauvreté [...] »

J'aurais dit que Brecht est un écrivain, voire un auteur de théâtre, je n'aurais pas dit que c'est un poète ; ce texte de W.B. m'inciterait donc à relire du Brecht, dont je n'ai, hélas, qu'une vision absolument caricaturale. Brecht était au siècle dernier l'auteur obligé présenté ad nauseam à B'zançon dans notre bon Centre Culturel Populaire de Palente les Orchamps, le CCPPO, que les mauvaises langues eurent vite fait d'appeler le « CCCP-Oh ! »
L'autre image caricaturale que j'ai de Brecht, c'est cette méchanceté de Federico Fellini ; dans un entretien où les rapports entre le théâtre et le cinéma sont évoqués, on lui demande ce qui l'agace le plus au théâtre, Fellini répond du tac au tac :
« Voir jouer du Brecht, du Brecht et encore du Brecht.»

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Bon. Il est temps de passer aux choses sérieuses et d'essayer de comprendre ce que W.B. veut nous dire, et ensuite on pourra s'enhardir à esquisser quelques remarques personnelles !

(à suivre)


(** note 1) ... le capitalisme, c'est l'exploitation de l'homme par l'homme ; le communisme, c'est le contraire du capitalisme.

E.B.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 17:12:21
Le texte de B est de 133 Mickey est de 1928 et alors.? Cela prouve qu'en i933 on rêve avec des images préfabriquées de 128.

La pauvreté n'est pas de misère.

Tu cites le texte parce que tu ne veux pas le comprendre. Une lecture synthétique du texte t'aurais appris qu'il repose au moins sur deux notions, ou deux concepts qui prennent un sens de le conteste du texte et non dans Wiki.

1. Nous sommes devenus pauvres en expérience. tu conviendras qu'il faut plus d'expérience pour faire un tirage baryté que pour faire un selfie.

2. nous vivons une nouvelle barbarie que B appelle positive, et qui sousentand comme le dit la notion d'émergence, on fait table rase du passé. Dans ce sens Descartes est un barbare, et bien des attitudes contemporaines qui font fi du passé et de l'expérience du passé peuvent être dites barbares dans ce sens.

Que tu sois fatigué de Brecht, cela prouve qu'enfant tu as dû faire partie d'une sorte de Nomenklatura Bisantine. Il n'empêche que Brecht reste grands dans sa théorie de la distanciation dont on a bien besoin. Quant à la déclaration que rapporte B . et que Brecht adresse au futur habitant de la ville "Efface tes traces", tu peux en faire ton impératif car je te retrouverai et si ce n'est c'est un autre.

Un texte cela se rumine comme aurait dit Nietzche, et tu ppeux donc retourner au pré.

ΟΥΤΙΣ

P.S. Outis a connu JCM, l'idiot du village, mais a rompu toute relation avec lui qu'on le sache, trop vulgaire. trop Craçeux.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 17:16:14
Ah ! Une réaction ! Bravo !

« Tu cites le texte parce que tu ne veux pas le comprendre.»

Je cite le texte comme tu l'as fait.
Au moins j'en ai extrait quelques phrases qui m'interrogent et que je commente.
Je n'ai pas balancé en vrac un magma illisible.
Et je n'écris pas à la va-vite sous l'effet de l'impulsion du moment une phrase devenue incompréhensible par l'accumulation des coquilles : « Le texte de B est de 133 Mickey est de 1928 et alors.? Cela prouve qu'en i933 on rêve avec des images préfabriquées de 128.»

Les 1 et 9 de ton clavier sont grippés ?
« Eh, calm-down, Lovell », comme disait Anders à son camarade d'Apollo-8 en lui passant le dos-magasin 70 mm couleur.

--


Laisse-moi, JCM, le temps de lire ce texte, mais je ne peux pas le lire s'il est formellement illisible, maintenant que j'ai passé un certain temps à le rendre lisible, j'ai pu le lire,
et je ne peux pas faire de commentaire sans avoir compris ce que l'auteur veut dire, d'où mon appel du pied qui reçoit une réponse, merci

Je me réjouis donc de ce que Mickey Mouse ne soit pas si important, cela m'évite une fausse piste.

----------------------------

à écrire des e-books

De même que c'est en forgeant qu'on devient forgeron,

en sciant que Léonard de Vinci,

de même,
c'est en écrivant de i-boucs que [CENSURÉ] est devenu bélier,
comme le groupe jurassien du même nom.

E.B.



Modifié 3 fois. Dernière modification le 24/07/14 17:37 par Emmanuel Bigler.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 17:34:00
Je n'avais pas lu les messages plus haut. On ergote, on joue au hussard noir, à traquer la moindre déviance. L'explication du texte, je ne l'avais pas lu avant Craçais, vous en trouverez l'essentiel des thèmes dans l'exposé de Mougin quand il aura retrouvé son intégrité (le texte), comme nous l' a promis le bon Père François, dont la coupe est restée célèbre. Si Mougin avait eu,lu, lui ce texte sans aucun doute il eut utilisé cette notion de Barbarie qui résume assez bien son propos.

Parménide n'est pas abscons, il est lumineux. L'être est, le non être n'est pas", c'est le minimum sans lequel même un grand scientifique ne saurait penser, quitte à penser que le
non-être est, c'est tout de même autre chose que de commencer par nous faire la morale, tu ne tueras point.

Enfin reste la question de Baudrillard: "Pourquoi n'y-a-il rien plutôt que quelque chose"? Il y a bien quelqu'Attila qui a dû passer par là?

ΟΥΤΙΣ



Modifié 1 fois. Dernière modification le 24/07/14 17:35 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 17:39:12
Je relis les textes bourrés de fautes diverses, du blé à moudre pour les censeurs, lecteurs à l'affût de la faute et qui ne comprennent rien.

ΟΥΤΙΣ
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 24 juillet 2014 18:08:04
Je relis les textes bourrés de fautes diverses, du blé à moudre pour les censeurs, lecteurs à l'affût de la faute et qui ne comprennent rien.

Taratata, tu ne t'en tireras pas à si bon compte, tu es pris la main dans le sac, un vrai gosse écrivant des SMS, tu refuses d'admettre que si tes messages sont illisibles, tu ne pourras pas entraîner les lecteurs vers une discussion utile, fructeuse, approfondie.
Si le prof n'est pas irréprochable, son public décroche.
Donc prends ton temps, on n'est pas entre ados à faire un chat sur le 'net.

-----------------

Donc ceci étant dit, on est prêt à discuter sur le fond du texte.

Merci d'avoir souligné deux points sur lesquels tu souhaites que nous discutions, en particulier la pertinence, la modernité des idées exprimées par W.B. vis à vis de notre expérience photographique de 2014.
Les deux points sont les suivants, je te cite :

1. Nous sommes devenus pauvres en expérience.
2. Nous vivons une nouvelle barbarie que W.B. appelle positive, et qui sous-entend comme le dit la notion d'émergence, on fait table rase du passé.

Cette formulation a la mérite de la clarté, sois-en remercié.

Pour pouvoir discuter de la pertinence de ces idées, préalable indispensable avant de se demander si elles sont pertinentes aujourd'hui, que cela te plaise ou non, je veux essayer de comprendre le contexte dans lequel W.B. les énonce. Et que cela te plaise ou pas, « Mickey-1928 » fait partie de ce contexte.
Et, pardonne moi encore, « Allemagne, 1933 » est un contexte un peu ... particulier.

Concernant la pauvreté de nos expériences.
Je cite encore W.B.
« Non, une chose est claire : le cours de l’expérience a chuté, et ce dans une génération qui fit en 1914-1918 l’une des expériences les plus effroyables de l’histoire universelle. Le fait, pourtant, n’est peut-être pas aussi étonnant qu’il y paraît. N’a-t-on pas alors constaté que les gens revenaient muets du champ de bataille ? »

Il me semble que ce contexte historique dont nous célébrons le centenaire joue un rôle important !
W.B. parle de ceux qui sont revenus muets de la Grande Guerre, mais il aurait pu évoquer ceux qui ne sont pas revenus, cette génération d'hommes entre 20 et 40 ans qui ont laissé à la maison tant de veuves et d'orphelins.

Pour qu'un père sévère dise à ses enfants : « C’est encore morveux et ça veut donner son avis. » « Tu en as encore beaucoup à apprendre. », encore faut-il qu'il y ait un papa à la maison.

Concernant le fait qu'il y a, après 1918, un trou dans la transmission de l'expérience et du savoir, j'ai en tête un exemple scientifique qui n'est pas très artistique mais qui me semble être en résonance historique avec le texte.
Le groupe de mathématiciens « Bourbaki » voit sa genèse dans le fait que de très brillants jeunes profs de maths, frais émoulus de la Rue d'Ulm après 1918, n'ont plus à lire que de vieux traités écrits par des barbons du XIXe siècle ; leurs profs ont été tués à la guerre. Ils décident donc de récrire les maths à partir de la table rase. Le groupe Bourbaki se forme en 1935.

-------------

« Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? » nous dit W.B.

Ben oui, sur galerie-photo, ça n'arrête pas, l'expérience s'y transmet, et on aimerait qu'il y ait plus d'histoires ici dans l'esthétique, parce que des histoires de matos, il me semble qu'on en lit pas mal sur le forum « équipements ...»

(à suivre)

E.B.



Modifié 4 fois. Dernière modification le 24/07/14 18:17 par Emmanuel Bigler.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 25 juillet 2014 01:59:59
Admonestations diverses, mises en demeure; de discussion point. Il nous donné comme arguments des exemples qui quoique justifiés en eux-même ne sont pas mis en relations avec la thèse de Benjamin et donc ne prouvent rien.

Par bonheur je m'en vais dans trois jours à Pékin et j'aurai donc l'occasion d'oublier ce triste désert intellectuel qu'est devenu ce forum. Je n'aurai donc plus l'occasion de polluer votre atmosphère.

J'espère y apprendre la grande leçon du Dao qui selon Tchouang Tseu consiste à "s'asseoir dans le silence".

ΟΥΤΙΣ


Walter Benjamin Expérience et pauvreté suivi de Le conteur et La tâche du traducteur
Traduit de l'allemand par Cédric Cohen Skalli
Préface de : Elise Pestre
Petite Bibliothèque Payot, Numéro : 811
144 pages 6.60 €
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 25 juillet 2014 13:45:27
Mon cher JCM.

Tu as grand tort de traiter les lecteurs du forum avec condescendance.

Nous comptons sur toi pour apporter quelque nourriture substantielle à ce forum esthétique. Et nous ne nous décourageons pas.

Le temps et le rythme de ce forum ne sont pas ceux d'un échange de bons mots entre potes.

Ce c'est pas le rythme d'un match d'escrime, où après avoir esquivé une attaque perfide, le bretteur retourne un coup sublime qui fait mouche.

Ici, nous ne vivons pas au rythme d'une joute oratoire, ou après avoir subi une attaque d'un adversaire habile, le rhéteur surclasse son adversaire par un surcroît de bons mots.

Ici sur ce forum, le temps est celui de la lecture et de la réflexion. Cela demande du temps. Donc tu nous annonces que tu pars à l'autre bout de la planète et nous t'en félicitons. Cela donnera à chacun d'entre nous le temps de lire le texte de Walter Benjamin.

Mais au moment où tu boucles tes valises, j'espère que tu auras le temps de lire ce qui suit.

Je récris les deux questions que tu nous poses ; si j'ai bien compris, cela résume, selon toi, la thèse de Walter Benjamin, comme tu le dis toi-même :

Il nous donné comme arguments des exemples qui quoique justifiés en eux-mêmes ne sont pas mis en relations avec la thèse de Benjamin et donc ne prouvent rien.

Voici ce que tu nous as dit le 24/7/2014 :

1. Nous sommes devenus pauvres en expérience. tu conviendras qu'il faut plus d'expérience pour faire un tirage baryté que pour faire un selfie.

2. nous vivons une nouvelle barbarie que B appelle positive, et qui sous-entend comme le dit la notion d'émergence, on fait table rase du passé. Dans ce sens Descartes est un barbare, et bien des attitudes contemporaines qui font fi du passé et de l'expérience du passé peuvent être dites barbares dans ce sens.

Il s'est écoulé 15 jours entre le moment où nous as soumis une masse compacte de texte illisible, et le moment où tu as condescendu à nous expliquer, un minimum, où tu voulais en venir.

Et tu voudrais que dans les trois jours qui suivent, on t'ait répondu !! Ce n'est pas sérieux !!

Après relecture de l'ensemble des échanges, je m'aperçois que personne n'a cherché à re-situer cette thèse de W.B. dans son contexte historique. Je suis tenace, tu le sais, je ne lâcherai rien sur ce point.

Voilà ce que j'ai cru comprendre.

Allemagne, 1933.
W.B., un homme raffiné et de très haute culture, voit l'effondrement de la République de Weimar et prédit la catastrophe effroyable.
Dans cet extrait de livre, à aucun moment il n'est précisé que le champ de cette thèse résumé par JCM selon les points 1. et 2. ci-dessus, s'applique aux arts, en général, ou à la photographie, en particulier. Il s'agit, si j'ai bien compris, d'un constat de l'évolution de la société.

Devant ce constat, W.B. a plus d'intérêt à discuter avec son ami Bertold Brecht que d'aller voir « Blanche Neige & les sept nains » de Disney au cinéma. On peut le comprendre.

Voilà où j'en suis de ma compréhension du contexte historique et politique de ce texte, et à titre personnel, j'en tire les conclusions suivantes, en reprenant ton point de vue.


1. Nous sommes devenus pauvres en expérience.

NON. Je conteste ce point de vue.
Je l'admets bien évidemment pour le monde de W.B. en 1933, mais je ne le ressens absolument pas aujourd'hui.

S'il s'agit de la société en général, tout au contraire, nous n'avons jamais eu autant accès à de la documentation sur le passé, grâce à la numérisation et à la mise à disposition via Internet de tous les documents possibles et imaginables. La libre publication d'ouvrages de toutes sortes est un fait acquis sur lequel il est très difficile de revenir. Même dans Chine que tu connais bien et qu'on n'ose plus appeler « communiste » !
Sans Internet, tu ne serais pas en train de faire tes valises pour la Chine, où tu vas transmettre ton expérience. Tu nous prouves donc, par ton action, que la thèse de W.B. ne s'applique pas !

Certes, la transmission familiale du savoir n'est plus la même qu'autrefois. Entre mon approche d'autodidacte de l'informatique (depuis 1975) et celle de mes enfants qui ont entre 14 et 20 ans, il y a eu très peu de transmission d'expérience, mes enfants n'étant pas, vu les programmes actuels des collèges & lycées, formellement autodidactes.
Tout au plus ai-je bien insisté sur les questions de sécurité, ne jamais stocker les mots de passe sur l'ordi, ne les stocker si possible nulle part et ne jamais répondre à des méls douteux. Sur ce point, je crois que j'ai été entendu ; mais pour l'instant, mes enfants n'ont pas de compte en banque dont ils pourraient, par mégarde, révéler les détails à des escrocs.

Tout au contraire, l'idée même que mes enfants aillent demander à leur père conseil pour un truc informatique ou Internet est pour eux un repoussoir. Mais hors de cet exemple, pour le reste, non, mille fois non, je ne me reconnais pas dans la phrase de Benjamin « 1. Nous sommes devenus pauvres en expérience.»
En famille, je n'en finirais pas de citer les expériences que ma femme et moi passons à nos enfants, de la façon la plus libre possible. Chaque fois que mes enfants voient leur grand-père qui a 94 ans, ancien élève de l'École des Chartes, tu peux me croire que des histoires, il s'en raconte, et que les enfants écoutent. Mais j'arrête là cette personnalisation excessive d'un débat qui se voudrait le plus général possible.

Je comprends, en revanche, parfaitement la signification de la thèse de W.B., dans le contexte de l'Allemagne des années 1918-1933. J'ai évoqué la « saignée » terrible pour les familles et pour les pays belligérants que fut la guerre de quatorze.
Mais sans doute est-ce une fausse piste ? Vu les liens d'amitié qui unissent W.B. avec Bertold Brecht et les communistes allemands, ne faut-il pas aller chercher une clé d'interprétation du côté de la Révolution russe de 1917, et les années qui suivirent ; où cette non-transmission d'expérience fut revendiquée par les révolutionnaire, au point de donner à leurs enfants des prénoms qui feraient rupture avec l'ancien régime, exactement comme le firent nos bons révolutionnaires français en supprimant le nom des saints du calendrier pour les remplacer par des noms de fleurs, de fruits et de légumes ?


Tu conviendras qu'il faut plus d'expérience pour faire un tirage baryté que pour faire un selfie.

Comparaison n'est pas raison, mais :

1/ L'autoportrait photographique d'amateur a toujours existé, c'est pour cela qu'il y avait des retardateurs sur les Compurs. Le fait que certains hommes lettrés doivent aller chercher un mot anglais pour avoir l'air moins bête, de peur d'être dépassés par la jeunesse, ne change rien à l'affaire. Je ne vois aucune rupture et aucune révolution, tout au plus une évolution vers plus de commodité dans une activité d'amateur qui n'a aucune raison de se priver des progrès techniques. Le silicium prolonge le négatif couleur, dont bien des familles jetaient les négatifs pour ne garder que les tirages !

Moins riches en expérience sur le dégommage du Compur et la compréhension des finesses de ce terrible échappement du retardateur qui a tendance à coincer ; certes ! Mais bien plus riches dans l'échange et le partage d'images sur Internet.
Donc sur ce point 1. de la thèse de W.B., je répète : NON, je ne vois pas du tout cela ni dans la société en général et pas franchement dans la photographie, et évidemment encore moins sur galerie-photo, où chacun peut télécharger et lire tout ce que tu nous a donné à lire sur le palladium ... et autres textes.

2/ Concernant le fait qu'il faut plus d'expérience pour tirer un baryté ou pour un autoportrait à la photocopieuse ou au téléphone portable, j'illustrerai mon point de vue par l'exemple de la vaisselle.

Il faut bien plus d'expérience pour faire une vaisselle à la main correctement que pour charger et lancer un lave-vaisselle. Si on ajoute comme contrainte technique : la même vaisselle à la main en consommant moins d'énergie et moins d'eau que ne le fait le lave-vaisselle, alors oui, pour y arriver il faut une sacrée expérience. Mais l'art de la vaisselle de haut-de-gamme, économe en eau, n'est pas perdu, comme le prouve cette anecdote authentique.

La scène se passe dans un refuge de haute montagne, un de ces nids d'aigle où tout doit être héliporté, dans un pays voisin et ami dont je tairai le nom. La règle en vigueur dans ce refuge est que les alpinistes et les randonneurs ne cuisinent pas eux-mêmes, donc pas de salle dite « hors-sac », mais qu'il donnent au gardien et à son équipe leur nourriture pour la faire chauffer. Ce soir là, l'ambiance est excellente, je ne dirai pas qu'on entend chanter le Ranz des Vaches, ce serait donner une indication bien trop précise sur le lieu où se passe la scène.
Un petit groupe franchouillard-hexagonal propose sincèrement et gentiment d'aider le gardien et son équipe à faire la vaisselle. Le gardien décline gentiment. Le groupe franchouillard insiste : le gardien ne cède pas. On s'interroge légitimement : mais pourquoi donc, ne pouvons-nous pas vous aider à faire la vaisselle ? Le gardien, laisse alors échapper cette réponse, qui jette un froid :

« Parce que vous ne savez pas faire la vaisselle.»

Je ne dévoilerai pas, bien entendu, quels sont les secrets d'une vaisselle bien faite, mais je peux vous dire que cette expérience si particulière, elle se transmet sans faute de génération en génération, et que, sur certains points, les alpinistes franchouillards apparaissent comme des barbares ; bien entendu, il est absolument hors de question de laisser faire la vaisselle à des barbares.


« Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? »

J'espère avoir montré que c'était encore possible. ;-);-);-)

----------

2. nous vivons une nouvelle barbarie que B appelle positive

NON.
Je ne le ressens, ni dans la sociéte au sens large, ni dans la pratique photographique de mes contemporains ; peut-être y a-t-il un peu de cela chez les galeristes qui nous demandent d'explorer, à la lampe frontale, une expo comme à Lascaux ?
Et évidemment je ne ressens cette table rase aucunement dans ma pratique photographique personnelle, mais cele ne compte guère dans ce débat.


Argumentaire, mais pas dans le domaine de la photo : un autre contre-exemple parfaitement actuel et qui nous rapproche du raffinement des arts en nous éloignant de cette activité très manuelle mais si peu créative qu'est la vaisselle à 3000 m d'altitude sur un glacier : les montres mécaniques.

J'en parle parce que je connais ... un peu.

Dans les années septante du siècle dernier, en horlogerie, c'était la révolution, et du passé on avait eu vite fait de faire table rase.
L'honorable manufacture locloise ZénithMD, vendue à une marque étazunienne du même nom fabriquant des postes de télévision, devait arrêter de fabriquer des montres mécaniques pour faire des bidules électroniques.
Si Walter Benjamin était venu faire un tour au Pays Horloger, comme le fit Bakounine en donnant des conférences à Saint Imier (BE-CH) à la fin du XIXe siècle, sans doute aurait-il pu mettre en regard sa thèse du barbare reconstructeur à partir de la table rase, avec l'état de l'Industrie horlogère dans l'ensemble de l'arc jurassien franco-suisse dans les années 1970.

J'abrège pour ne pas fatiguer le lecteur : mais vous aurez compris que, certes, l'art de l'horlogerie mécanique devait disparaître sous les coups de boutoir de la modernité incarnée par le silicium triomphant, comme la Russie tsariste devait céder la place à la nouvelle Russie soviétique ; comme l'Allemagne du Kaiser Wilhelm, responsable de la catastrophe de la guerre de quatorze, aurait dû céder la place à quelque chose d'entièrement neuf.

Eh bien il n'en est évidemment rien en horlogerie, il suffit de voir les belles pièces réalisées aujourd'hui par les élèves du BTS horloger au lycée Edgar Faure de Morteau, ch'peux vous dire que l'expérience ne s'est pas perdue, et que si les 144 pages du livre de Walter Benjamin vous semblent un peu minces pour vos lectures d'été, je vous recommande le « Traité de construction horlogère », la Bible Rouge de l'horloger du XXIe siècle, plus de mille belles pages superbement dactylographiées et illustrées, sans compter, en annexe, le DVD avec des scans complets des bibles horlogères du siècle dernier !

2. nous vivons une nouvelle barbarie que B appelle positive, et qui sous-entend comme le dit la notion d'émergence, on fait table rase du passé.

NON, pas chez nous en tous les cas.


Dans ce sens Descartes est un barbare, et bien des attitudes contemporaines qui font fi du passé et de l'expérience du passé peuvent être dites barbares dans ce sens.

Peut-être.
Tu admettras que le sens donné au mot « barbare » par W.B. est un peu éloigné du sens commun et mérite donc, à tout le moins, une explication de ta part qui est la bienvenue.

W.B. cite Descartes et Einstein.

Pour ce qui concerne Descartes, sur le plan philosophique, tu nous expliqueras en quoi Descartes serait un « barbare » au sens de W.B., mais sur le plan scientifique que je connais un peu mieux, Descartes ne repart évidemment pas de la table rase ; et cette vision de W.B. ne s'applique absolument pas.
Ce que nous appelons, pour la réfraction optique les « Lois de Descartes » avaient été publiées plus tôt par un autre savant néerlandais du nom de Snellius ou de Snell (1580 - 1626). Dès qu'on sort de France, on ne croise plus que des lois de Snell, et probablement dans les pays ayant subi l'administration napoléonienne, utilise-t-on l'expression « Snell-Descartes ». Et sans oublier, mais je pense que Descartes ignorait ces auteurs anciens, que la loi principale de la réfraction : sin(i) = n sin(r) est expliquée dans des documents du Moyen-âge, à l'époque de l'Àge d'or des mathématiques arabes. On cite en général les noms suivants : Ibn Sahl (940 - 1000) et Ibn Haitam (965 - 1040)

Concernant l'optique, Descartes n'est évidemment pas un barbare ! Il ne repart absolument pas de la table rase. Il s'appuie sur les mathématiques développées par ses aînés, il explique l'arc en ciel de façon magistrale, certes, mais il le fait en s'appuyant sur les expériences et les mesures que bien d'autres ont faites avant lui.

W.B. cite Albert Einstein. Ce qui est intéressant, parce qu'en 1933, les discussions sur la théorie de la relativité étaient probablement bien plus répandues, que ce soit dans les dîners en ville ou chez les philosophes (Bergson s'est attaqué aux interprétations philosophiques de la relativité) que dans des cours de BAC+2 expliquant en 2 pages les quelques équations résumant les principes de la relativité restreinte.

Citons W.B. sur ce point probablement anecdotique :

« Einstein aussi était un tel constructeur, qui soudain n'eut plus d'yeux, dans tout le vaste univers de la physique, que pour une infime divergence entre les équations de Newton et les résultats de l'observation astronomique.»

C'est une très belle phrase, mais je crains qu'elle ne nous donne une vision un peu trop romantique du travail d'Einstein entre 1900 et 1920. Et donc, historiquement, parfaitement inexacte.

Einstein avait étudié la physique classique, mais il avait plutôt un goût pour la théorie. Son travail, on ne peut plus appliqué, à l'office des brevets à Berne [je rêve de voir les brevets qu'Einstein a dû examiner, entre le presse-purée suisse-de-précision-innovant, et le procédé permettant, selon Alphonse Allais, de transformer le crottin de cheval en peluche mauve] lui laissait assez de temps pour réfléchir à ses idées novatrices ; mais il devait gagner sa vie en épluchant d'arides documents techniques ; donc l'expression « n'eut plus d'yeux que pour ... », ahem... disons ... oui, du moins pendant les heures de loisir de cet employé zélé.

W.B. cite un résultat qui avait fait grand bruit, c'est à dire la compatibilité des expériences connues sur l'avance du périhélie de Mercure (inexplicable selon la mécanique Newtonienne) avec la théorie de la relativité généralisée (1916). Mais auparavant, Einstein avait consacré son énergie plutôt à une question très formelle relative (c'est le cas de le dire) aux équations unifiées de l'électromagnétisme, les équations de Maxwell (niveau BAC+2 aujourd'hui). L'article fondateur est de 1905, il est extrêmement ardu, et pour Einstein la question à résoudre était une question purement formelle. On a prétendu qu'il cherchait à expliquer les divergences entre théorie et expérience, en fait il cherchait une formulation cohérente de l'électromagnétisme des corps en mouvement, ce qui déboucha sur la relativité restreinte, puis par un extension effectivemnt géniale et novatrice, sur la relativité généralisée.
Je ne pense certainement pas qu'on puisse dire qu'Einstein est un barbare au sens de W.B., il ne repart absolument pas de la table rase, puisque son article fondateur de 1905 s'appuie, tout au contraire, sur l'énorme masse de travail accompli par l'ensemble des physiciens et des mathématiciens (certains outils mathématiques furent forgés en parallèle du développement des théories physiques) travaillant dans le domaine de l'électricité et du magnétisme depuis le XVIIIe siècle !

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Je crois que je vais arrêter là pour l'instant et souhaiter bon voyage en Chine à JCM !

J'espère avoir répondu aux défis que JCM nous a lancés :

1/ Lire le texte de W.B. : c'est fait
2/ Répondre et argumenter à W.B. et JCM : je pense l'avoir fait.
3/ Accessoirement, raconter des histoires, juste pour contredire W.B. : si je ne l'ai pas encore fait de façon satisfaisante, j'ai de la réserve, il suffit de me solliciter.

(à suivre)

E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 25/07/14 13:49 par Emmanuel Bigler.
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