UNE NOUVELLE BARBARIE ?
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UNE NOUVELLE BARBARIE ?

Envoyé par OUTIS 
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 25 juillet 2014 23:16:23
J'aime les personnes positives, c'est simplement une question d'élégance.
Merci Emmanuel.
(Á l'avenir je vous promet que je ferai un effort pour décrypter vos contrepèteries, je n'avais pas compris que c'était un rempart contre…..)

Gabriel
gabrielramon.com
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
samedi 26 juillet 2014 12:46:37
Un bel outil pour permettre à ce fil d'évoluer

[www.anthonymasure.com]
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
samedi 26 juillet 2014 14:37:16
Henri

Un fabuleux outil que je vais mettre immédiatement en usage, à tes dépends:

Nietzsche ta mère !

Ce pauvre Nietzsche qui toute sa vie a du subir à la fois une mère possessive et une soeur abusive.

amicalement

OUTIS

qui pour toi je pense est quelqu'un
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
dimanche 27 juillet 2014 12:42:28
Un projet pour homme de lettre et de théâtre : saisir en son état la page 1 de ce débat , la confier à des acteurs de métier , la mettre sur la planche d'un mini théâtre intéllectuel confidentiel parisien , faire jouer la partition du clan des critiques chagrins spécialisés ... en fin OUTIS nous délivre son message , qu'il croît sage : l'affichette palladium reste à générer . Encore quelques travaux des esprits de ces arts soucieux de ceci ou de cela , une représentation en un lieu adapté et solennel , et l'an prochain à Avignon .
Je suis sérieux et sincère . Si j'avais les compétences et le loisir de faire , j'aimerais ! Et même quelques pointes aiguisées d'humour , insérées .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
dimanche 27 juillet 2014 18:44:03
Ce texte n'est pas mon message, mais celui de W.Benjamin, qui reste à déchiffrer, et vous êtes Mr Gérard le seul homme sage de ce débat, et le seul à avoir contribué positivement à l' éclairer .

Votre projet de performance me paraît tout à fait intéressant et propre à monter ce que sont devenus les débats à l'ère de la culture ou de la civilisation numérique. A mesure que progressent nos moyens de communication, on peut ainsi mesurer combien disparaît le plaisir que La Boétie appelait "l'entreconnaissance.".

Rousseau de son côté avait déjà entrevu ce à quoi conduisait le développement des langues qu'il appelait modernes;

"la grande maxime de la politique moderne est de tenir les sujets épars".

Non content d'être épié, et suivi à la trace par le Grand Frère, chacun peut prétendre devenir le juge de son voisin et cette "gangrène" finit par pourrir les meilleures intentions, et détruire tout lien social sans que personne vraiment ne puisse y échapper.

Bonnes vacances Mr Gérard

OUTIS



Modifié 5 fois. Dernière modification le 27/07/14 18:52 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
dimanche 27 juillet 2014 19:25:59
C'est , noble OUTIS , votre message , car pour le projet il paraît fortement vôtre .
Vacances , grandes vacances non souhaitées ; mon poste fonctionnel présent n'est pas donc ne peut être vacant , et non plus je ne peux être limogé . Quoique ... Bercy y pense peut être .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
dimanche 27 juillet 2014 22:27:18
Cher Gérard auriez-vous à vous colleter à quelque nouvelle barbarie qui ne connaît que trop bien 'l'homme en trop".

De l'intérêt à devenir l'homme invisible, l'homme de personne.

Nietzsche Bercy gravement !

Amicales pensées pour un vacancier involontaire, qui ne m'est pas de trop.

ΟΥΤΙΣ



Modifié 2 fois. Dernière modification le 27/07/14 22:28 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
lundi 28 juillet 2014 12:50:11
Le bel Outis nous a communiqué un élément de réponse dans son fil du vendredi 25 juillet 2014 01:59:59 en nous pointant du doigt « Expérience, traduction et modernité » signé Élise Pestre, en préface de la publication des trois essais de Walter Benjamin chez Payot, et dont je cite ici quelques phrases.

« Inclassable, labyrinthique, contradictoire ou géniale, l’œuvre de Walter Benjamin éblouit. » Une porte ouverte, me direz-vous.

L’auteur rapporte aussi : «  […] alors que Hitler vient d’être nommé chancelier en Allemagne et que l’inflation connaît son apogée, Benjamin fuit à Ibiza. » Une note explique «  […] le terme Erfahrung (“expérience”, en allemand) vient du radical fahr- employé en vieil allemand dans son sens littéral de “parcourir, traverser une région durant un voyage”. » Voilà pour le contexte.

Toujours dans cette préface mais concernant le deuxième texte de Walter Benjamin, « Le conteur », Élise Pestre écrit « Les gens ne lisent plus finalement que des journaux [la Toile ?] et sont exclusivement réceptifs à l’information qui n’a de valeur que nouvelle, gagnés par cette nécessité d’immédiateté et d’efficacité. Même si chaque jour nous sommes mis au courant des “nouvelles du globe”, ces informations ne transmettent rien d’autre que des contenus plausibles qui écrasent notre capacité à rêver » et plus loin « La vie qui s’est égrenée en douceur fait du mourant celui qui, empreint de savoir, de sagesse, et plein de ses histoires vécues, saura communiquer et délivrer des récits qui n’ont à voir ni avec la nouveauté ni avec l’immédiateté. »

Vous avouerez que les 6,50 € du « Payot » valent largement d’être dépensés.

Bon voyage en Chine à Personne (et revenez-nous vite).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
lundi 28 juillet 2014 19:19:37
Bon.

Je ne sais pas comment continuer cette discussion.

J'adresse toutes mes excuses à JCM s'il a cru, l'espace d'un instant, que je ne songeais qu'à l'admonester. Ou bien s'il a cru, à grand tort, que j'allais esquiver le débat, me sauver en catimiti, filer à l'anglaise, m'esquiver sournoisement avec une pirouette désinvolte, en lançant un jet d'encre de seiche destiné à brouiller l'écoute, ou essayer de faire diversion en lançant une citation de la Comtesse à propos de la vieille Chine où notre palladiumiste préféré va bientôt se rendre.

Et j'adresse mes excuses à nos lecteurs ; après avoir râlé de ce que JCM nous donnait à lire un texte trop compact et, de ce fait, formellement illisible, je renvoie en guise de réponse un pavé encore plus indigeste !

« Faites comme je vous dis, ne faites pas comme je fais », c'est par ce dicton de la sagesse populaire que les grand-mères comtoises avaient tôt fait de remettre les raves dans son panier au garnement qui lui cassait les pieds en moquant ses travers et ses manies, pour tomber lui-même, illico, dans les mêmes travers et les mêmes manies.

Ceci étant dit, la rumination étant une vertu comtoise que JCM connaît parfaitement via son expertise concernant nos productions laitières, il faut bien que je vous livre le résultat de certaines ruminations à propos de cet extrait de texte de Walter Benjamin.

Merci à Claude L. de préciser les circonstances dans lesquelles ce texte fut écrit. C'est encore plus dramatique que je ne le pensais. Mais ceci ne doit pas nous empêcher de chercher des correspondances avec ce que nous vivons aujourd'hui.

Lorsque W.B. nous dit :

« Trouve-t-on encore des gens capables de raconter une histoire ? »

La réponse est simple et directe :

En l'an 2014, la question ne se pose plus !


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Ruminons-voir.

Ruminons l'interrogation initiale de JCM.

« Sommes-nous devenus pauvres en expérience ? Cette nouvelle barbarie que Benjamin dit positive peut-elle s'appliquer aux nouvelles technologies, ainsi qu'à leurs productions plastiques et plus particulièrement photographiques ? »

Cherchons une correspondance en essayant de nous souvenir des diverses oeuvres d'art contemporain qu'il nous a été donné de voir ces derniers mois, grâce au groupe Galerie-Photo « Grand Est ».

Visites à la fondation Beyeler, à Riehen (BS-CH).

1/ Les plaques de tôle de 5 cm d'épais de Richard Serra.

Au premier rabord, voilà bon un candidat à la barbarie. Ses sculptures ne se conçoivent pas sans une table rase bien plane et bien horizontale pour les recevoir. Mais en ce qui concerne la « pauvreté de l'expérience » ! Aaargh ! Certainement pas ! Pas de plaques de tôle de Serra sans mobiliser une expérience métallurgique remontant à l'âge du fer ! Nouvelles technologies ? Probablement pas. Donc : exit Richard Serra, des technologies, certes, mais pas assez nouvelles et une expérience pas assez pauvre.

2/ Les « gros jouets » en métal poli de Jeff Koons.

C'est en quelque sorte le triomphe de l'esthétique façon « Mickey Mouse ». Je ne sais pas ce que Walter Benjamin en aurait pensé mais je préfère qu'il n'ait pas vu cela. Nouvelles technologies ? Certainement, Jeff Koons ne se prive d'aucun progrès technique récent pour réaliser ses oeuvres. Barbare-de-la-table-rase, ayant fait voeu de pauvreté ? Hmmmm... peut-être, mais seulement avant de devenir célèbre, vu les prix auxquels sont vendus ses sculptures aujourd'hui. Bon, je doute que Jeff Koons puisse être mis en correspondance avec le texte de Walter Benjamin.
« À débattre » comme on dit parfois pour le prix de vente sur notre forum des petites annonces.

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Visites en badaud à la foire d'art de Bâle (BS-CH)
En 2013 et 2014.

Commençons par la halle-aux-marchands.

Point d'auto-portrait d'amateur pris au téléphone portable, mais une abondance de tirages barytés classiques, d'Atget aux Becher en passant par Saint Ansel et Arnold Newman. Ça commence mal, je n'y vois aucune correspondance avec le texte de W.B., mais dans la halle-aux-marchands bâloise, on ne vise qu'à vendre ce qui se vend, à des clients conservateurs. Donc a priori, ce n'est pas là qu'il faut aller chercher les nouveaux barbares-de-la-table-rase, pauvres en expérience et ayant fait voeu de pauvreté.

Mais me direz-vous, à Bâle, en foto, il n'y a a pas que des tirages de Saint Ansel ?

Natürlich ! Il y a évidemment ce qui se fait de mieux et de plus cher en foto contemporaine !
Gurski, Struth, Ruff ...

Zut ! Pour la table rase et la non-transmission d'expérience, ça colle mal, les trois gaillards sont de purs produits de l'École de Düsseldorf ! Éduqués selon la stricte discipline de Bernt et Hilla Becher ! Lesquels sont certainement des profs de rêve, car leurs élèves les ont dépassés ... dans le prix de vente de leurs oeuvres, dans la halle-aux-marchands bâloise.

Bon, alors quelque photographe étazunien contemporain, par exemple : Mich Epstein et ses beaux arbres nouille-orquais ? Zut ! C'est de la prise de vue à la chambre sur film 20x25 cm, tirage baryté traditionnel ... donc non éligible comme candidat-barbare ayant tout reconstruit sans expérience sur la table rase avec les nouvelles technologies.

Mais j'entends les habitués de Art Basel protester : tu oublies la grand halle « expérimentale » ! Damned ! C'est vrai ! Alors est-ce là que nous trouvons nos barbares créateurs ? En 2013, la mode à Bâle était à l'accumulation d'un bric-à-brac du siècle dernier qui n'aurait même pas trouvé preneur dans un vide-grenier. Voilà donc la table rase créative, celle où j'accumule de vieux fours, de vieux lave-vaisselle, de vieilles tables en formicaMD ?

Mais je persifle, alors qu'en 2014, peut-être que le barbare créateur sans transmission d'expérience était peut-être cet artiste britannique, qui a assemblé dans une espèce de rosace élégante, un ensemble de morceaux de bois flotté posés à même la table rase du sol, le tout éclairé par une belle lumière zénithale. Mais cet artiste n'est sans doute pas encore en vente dans la halle-aux-marchands, il est encore dans la halle-aux-expérimentateurs.

Est-ce tout ??

.
.
.Ah ! Mais j'allais oublier ! Les voilà, les barbares sans expérience, et ils étaient dûment représentés dans la halle-aux-marchads !

1/ le gaillard qui affiche au mur un journal de petites annonces étazunien de l'an dernier ;

2/ le gaillard qui présente sous cloche de plexi des margeurs de labo-argentique.

Les voilà, je les tiens enfin, mes barbares sans expérience !

.
.
mais pour les nouvelles technologies, entre le journal et le margeur de labo du siècle dernier, il faudra repasser.

Donc promis, on repassera à la foire de Bâle l'an prochain, sans oublier d'apporter le texte de Walter Banjamin qui nous servira de guide de lecture !

E.B.



Modifié 2 fois. Dernière modification le 28/07/14 19:27 par Emmanuel Bigler.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
lundi 28 juillet 2014 21:39:53
Faire œuvre d’art à la pointe du progrès c’est justement ne pas utiliser cette technologie (déjà obsolète) mais la simplement pointer du doigt, un peu à l’image des sculptures à l’échelle planétaire de Lawrence Weiner (je pense à Divers liquides versés en différents points s’écoulent de leur propre poids vers un seul lieu où ils forment un bassin composé de divers liquides, 1979).
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 29 juillet 2014 11:56:26
Est il possible de désigner une technologie véritablement complètement obsolète ? la quasi , la continuité , des sciences et technologies , ses pas à pas différentiels , font que dans toutes on peut trouver un continuum . Remontant à la sélection de l'humain .
"L'usage du bâton remonte à la plus haute antiquité" cette citation dont je ne suis pas capable de citer l'auteur ( encore que Auguste COMTE pourrait faire l'affaire ) , cette phrase est censée illustrer cette idée .
Un autre usage remonte moins loin peut être que celui du bâton ( encore que ) , c'est celui du vocabulaire , du langage , qui permet de voir tout dans tout , surtout si assaisonné de citations dont la résonnance paraît offrir une garantie , exemple ici A.COMTE . Méa culpa .
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 29 juillet 2014 12:31:01
Est il possible de désigner une technologie véritablement complètement obsolète ?

Avec un peu de mauvais esprit, on pourrait commencer une longue liste de « technologies complètement obsolètes », à commencer par les cartes perforées IBM 80 colonnes pour la création et le stockage des programmes informatiques.
On continuerait en parlant d'un forum-foto où la seule communication autorisée doit se faire par du pur texte, naguère en codage ISO-8859-15, aujourd'hui en codage UTF-8 (un progrès révolutionnaire, soit dit en passant).

Mais sur le fond je suis entèrement d'accord avec vous, M. Gérard.

Ce qu'il y a d'étrange avec les révolutionnaires, qu'ils soient nos Montagnards de quatre vingte treize ou les Rouges du cове́т de Петроград avec leur couteau entre les dents, c'est qu'ils rejoignent les marquetteux dans leur volonté acharnée de la table rase.
Citroën n'avait-il pas axé une publicité, à l'époque du Grand Timonier, sur l'un de ses véhicules roulant sur la Grande Muraille, véhicule censé être révolutionnaire ?

N'être qu'« évolutionnaire » ne fait pas vendre.

Et sur notre forum, gare à celui qui affiche une nouvelle qui ne soit pas révolutionnaire !
On lui fait immédiatement remarquer qu'il date, ou pire encore, que ce dont il parle était déjà connu du temps de Daguerre (par exemple : le miroir-reflex pour chambre grand format).

Si une « technologie » (ce terme est souvent galvaudé, un nouveau logiciel ou un nouveau service informatique-pompe-à-fric est-il en lui-même une nouvelle technologie ?) n'est pas « nouvelle », elle ne peut pas alimenter l'excellente chronique de Jérôme Colombain sur France-un-Faux.
Même la révolutionnaire chasse d'eau connectée à Internet a un peu de mal à apparaître comme autrement qu'évolutionnaire, car après tout la chasse d'eau existait peut-être déjà à Pompéi ou au palais de Cnossos !

E.B.



Modifié 1 fois. Dernière modification le 29/07/14 12:43 par Emmanuel Bigler.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:31:23
LETTRE DE CHINE




Outis arrivé au Pays du Soleil Levant, pays de la Grande Sérénité ne parvint pas à s’asseoir dans l’oubli. Point de soleil levant, mais un voile épais de pollution , pas même un coin de ciel bleu mais le bruit incessant de voitures surdimensionnées, là où il y a peu encore se pressaient des vélocipèdes par milliers. Il eut la sensation de ne pas être arrivé au Pays du Milieu, mais à l’extrémité d’un im-monde, d’un monde hors limites désormais dominé par une Technique incontrôlée, régnant désormais sur une nature dévastée.
Enfin Outis se trouvait confinée dans une chambre réfrigérée tant à l’extérieur la chaleur était devenue insupportable et l’air irrespirable.
Là où se trouve désormais le centre du monde avec sa grande multitude, là aussi se trouve la plus grande dévastation, et sans aucun doute « la plus grande pauvreté en expériennce ».
Outis ne parvint pas à oublier les anciennes disputes et les multiples reproches à lui adressés, il se résolut donc à y apporter des réponses qui seraient définitives, ce qui lui permettraient enfin d’aller penser ailleurs.

A propos d’un DVD.

Outis alors qu’il était encore cet autre ridicule de JCM, bateleur d’estrade et grand agitateur de mandibules avait fait un exposé sur la fameuse « scène du crime » dont parle Walter Benjamin à propos d’Atget. Il en avait tiré une thèse selon laquelle les soidisantes « techniques émergentes » ne sont pas un nouveau commencement, comme elles le prétendent, mais une fin. A la submersion des nouvelles images il avait proposé cette réponse qu’Alexandre Kojève appelle le « snobisme ». Il y eut quelques applaudissement de convention, trois questions pertinentes mais qui ne portaient que sur des points de détail et non sur l’essentiel de la thèse. En coulisses le Grand Maître de la Haute définition lui fit savoir qu’il n’avait dit que des « conneries », ce à quoi, devant une telle autorité, il ne sut quoi répondre.
On oublia vite la conférence , qui de toute évidence n’avait de fonction que cosmétique et le monde rassemblé ne s’intéressa plus qu’aux petites cuisines qui se pratiquaient dans les coins. Ici l’un s’adonnait à la pratique de la gomme bichromatée, l’autre au palladium, là un peu plus loin des individus en tablier s’affairaient autours de procédés plus exotiques les uns que les autres. Une photo grand format, un cyanotype démesuré et le fête fut terminée.
Le tout devait être gravé pour l’éternité sur un disque compact à mémoire non modifiable et tout le monde d’attendre ce qui devait être une merveille. Régulièrement le Grand Maître de Cérémonie et Platonotypiste Emérite annonçait l’arrivée prochaine du DVD et puis des DVD. La merveille finalement arriva au grand dam de JCM qui découvrit que sa conférence avait été réduite au tiers et donc perdait tout sens. Il se permit d’en faire la remarque au Grand Vidéaste et Organisateur.
Il avait oublié que comme sur facebook, si D.D. un ami virtuel de Marseille déclare « ce matin je n’ai pas envie ce cookies », devant une telle déclaration qui de toute évidence engage l’avenir de la planète on n’a le choix qu’entre j’aime ou je n’aime pas. Et comme D.D. est un ami, on est prié d’aimer ou de s’extasier devant ce qui n’est qu’une bêtise sans nom. Donc sur notre forum voué à l’esthétique, c’est à dire au jugement de goût on est prié de dire je t’aime et tout le monde de s’extasier et de complimenter. Comme il est beau ce DVD, quel travail surhumain, quel art consommé du champ contre champ, du montage. Attention chef d’œuvre !
Par contre si vous bossez des années à lire Kojève, Benjamin, Heidegger, Platon et bien d’autres pour acquérir une culture très basique dans le domaine de la philosophie, alors vous n’êtes qu’un « has been », pour ne pas dire un « crétin patenté ». Juste inversion des valeurs pour parler comme Nietzche.
Ainsi, si JCM ne se retrouvait pas en entier dans le DVD du Grand Vidéaste, cela ne pouvait venir que de son ordinateur sans doute hors d’âge, de son incapacité à se servir d’un lecteur de salon. La solution devait se trouver chez sa voisine retraitée des postes.
Il semble que notre Grand Organisateur Vidéaste Emérite (la littérature classique chinoise et plus près de nous le vocabulaire maoïste ne craignent pas d’utiliser l’hyperbole afin d’honorer un maître incontesté) ait oublié un point du droit français que l’on doit à Beaumarchais et qui protège toute œuvre écrite, visuelle ou plastique, quelque soit sa qualité, ce peut-être un roman de gare ou « A la Recherche du Temps Perdu » d’une exploitation abusive. L’auteur de l’œuvre est son propriétaire légal et pendant 70 ans il a un droit de regard sur l’usage qui en est fait. D’un point de vue légal la vidéo publiée aurait dû recevoir mon assentiment. Un vidéaste habile peut rendre ridicule un quidam par ailleurs estimable. Il est évident que JCM n’aurait pas acceptée la publication d’une vidéo tronquée quitte à y renoncer.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:32:05
Du bon usage de la barbarie sur le forum « Esthétique » de Galerie-Photo.
Esthétique en grec veut dire sensibilité et ce n’est qu’au XVIII ème siècle que Baumgarten avant Kant en fera uns discipline philosophique qui traite spécifiquement de la production artistique et du jugement de goût. On a pu voir récemment sur ce forum comment un problème d’esthétique se transforme en questions de mise en page, de typographie, en remontrances orthographiques pour finir en discussions sur l’intérêt qu’il y a noter les élèves de l’école primaire.
Après ce préambule pour la forme exit JCM, et place à Outis qui n’étant plus personne est sûr d’échapper à toute persécution cyclopéenne avec toutefois l’inconvénient de devoir parler de lui à la troisième personne. Les grammairiens du Forum qui ne jurent que par Grévisse vous le diront, « Il » est le pronom personnel qui désigne l’absent, l’autre, l’exclus, le mort, celui dont on ne veut pas prononcer le nom. Personne donc.
Outis à la suite de l’exposé sur la « scène du crime » a poursuivi sa rumination sur le thème de la disparition, abordé par JCM. Un peu par hasard il a découvert sur le net un texte de Walter Benjamin de 1933, « Pauvreté et Expérience ». Il lui a semblé que ce texte était dans la continuité de ce qui avait été exposé à Craçay en introduisant un nouveau concept particulièrement provocateur pour la pensée, celui de barbarie positive. Il a donc copié collé ce texte et l’a proposé à la réflexion des lecteurs du forum esthétique. Pour tout dire le texte semble avoir été peu lu. Mr Gérard homme d’expérience en a bien compris le sens, et pour aller dans son sens à proposé des exemples qui l’éclairent et qui aident à sa compréhension.
Mr Henry Peyre qui est la fois un homme de culture et un expert en nouvelles technologies en a donné une interprétation pertinente et originale. Enfin un lecteur s’est contenté de recopier coller le texte ainsi que son incise, ce qui est là le niveau zéro de la compréhension mais ne comporte aucune attitude hostile. Répéter n’est ce pas déjà apprendre. En dehors der ces trois interventions le texte a été l’objet de critiques foncièrement négatives les une formelles : une présentation trop compacte du texte le rend illisible, enfin la ponctuation est fautive ; une autre plus frontale qui se voulait argumentée, mais celle-ci relevant du folklore franc-comtois et de diverses expériences familiales, n’avait guère d’efficacité logique ; un exemple n’a jamais été un argument, tout au plus son illustration. Cette dernière critique nous la devons à notre Grand Opticien, Scientifique de grand renom, Polyglotte, Rolleiphile et Aracafan.

Note sur le texte, sa présentation, sa traduction.

Outis a repris le texte tel quel par copié collé ainsi qu’il peut être lu sur Internet. Google devrait permettre de le retrouver. Il y est publié sans références bibliographiques ni mention du traducteur, avec la seule mention 1933.
Ne connaissant pas l’allemand Outis n’a pu retrouver l’édition allemande mais son édition française la plus récente. Cette traduction nouvelle est différente de celle d’Internet et peut être lue dans « Walter Benjamin : Expérience et Pauvreté » ; Petite Bibliothèque Payot. N’ayant pas les deux textes sous les yeux, Outis ne peut les comparer mais la présentation par paragraphes compacts et peu aérés est la même et sans doute respecte la présentation du texte original. Monsieur le Grand Opticien, Rolleiphile Emérite et Arcafanatique Notoire est, tout monde le sait, germanophone. Il sait donc mieux que Outis que l’on n’écrit pas en allemand comme on écrit en français. La langue française, son génie comme il a été dit, est d’être une langue pour intellectuels, elle parle grec et latin et quelque peu arabe, elle est universellement célébrée pour sa clarté et la complexité de sa syntaxe qui en fait une langue logique par excellence, une langue disons cartésienne, bien que Descartes ait écrit la plupart de ses textes en latin. En français on ne peut dire qu’une seule chose à la fois, même si pour la dire, une phrase peut s ‘étendre sur une page entière comme on peut le voir chez les grands stylistes que sont Proust, Maurice Blanchot, Merleau-Ponty en philosophie, voire Bachelard à la fois grand scientifique et homme de lettres et dont les textes y compris épistémologiques sont écrits dans une langue sublime, quasi poétique.
L’allemand langue de la philosophie par excellence est tout au contraireune langue extrêmement surdéterminée, son vocabulaire construit à partir des racines d’une langue populaire est riche de multiples connotations, il permet en particulier la fabrication de néologismes intraduisibles en français si ce n’est par périphrase. Traduire Heidegger par exemple en français conduit à l’expliquer, à en donner une interprétation qui en restreint le sens. Ce n’est pas un hasard si de grands écrivains et philosophes juifs ont fait de l’allemand leur langue d’élection, car comme l’hébreu, l’arabe et les autres langues sémitiques celle-ci autorise d’infinis commentaires. Benjamin à la fois très marqué par sa culture juive et le marxisme est un philosophe difficile à lire car il procède souvent par allusion, s’adressant au public cultivé de son époque très au courant de ce dont on parle. Mais il en est ainsi, lire demande un effort de penser ou de rumination pour tout texte qui dépasse les trois lignes d’un message Twitter ou l’énoncé péremptoire d’une opinion non argumentée sur un forum fût-il d’esthétique.

Le texte de Walter Benjamin a été écrit au printemps de 1933 à Ibiza. Comme le répète plusieurs fois notre Grand Germaniste 1933 est la date de la prise du pouvoir par Hitler et c’est pour fuir le nazisme que Benjamin s’est réfugié à Ibiza d’abord, à Paris ensuite où il a été protégé par Georges Bataille l’un des conservateurs de la B.N. et qui a sauvé ses manuscrits le temps de l’Occupation. En tentant de gagner les Etats Unis il est mort à Port Bou à la frontière espagnole. Il s’est suicidé pour échapper à la police française à laquelle il devait être remis le lendemain.
Le texte original « Erfahrung und Armut » a été publié le 7 décembre 1933 dans la revue « Die Welt im Wort ».
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:33:48
Remarques concernant le concept de Barbarie. Réponse à Mr Henri Peyre.

Mr Henri Payre, homme de culture, incontestablement travaille ici même sur Galerie-Photo à lutter contre la Barbarie au sens où l’entend Benjamin. Ses chroniques sur Peinture et Photographie sont dans la tradition de Aby Warburg qui a amplement traité de la « survivance dans l’art » ou de Panofsky qui a montré la permanence des thèmes iconographiques à travers l’histoire. Ainsi et le fameux et révolutionnaire « Déjeuner sur l’herbe » de Manet est la reprise d’un dessin de le Renaissance que l’on a retrouvé aux « Offices ». Au sujet de ces chroniques, Outis toutefois ne partage pas le jugement de Mr Henri Peyre pour qui les paysages du Poussin sont gâtés par la présence de « petits personnages ». C’est bien méconnaître Poussin pour qui le contenu du paysage n’a de sens que pour les personnages qui s’y trouvent. Supposons le « Diogène » du Louvre sans la présence du philosophe découvrant que l’on peut vivre sans son écuelle et que deux mains suffisent pour boire à la source. La magnificence du paysage ponctué de quelques architectures classiques envahies par une nature débordante est bien là pour rappeler le principe stoïcien (dans la pratique du détachement les cyniques ont été les ancêtres directs des stoïciens) : vivez selon la nature, acceptez en la loi, aimer votre destin quel qu’il soit et vous serez libres et heureux.
Poussin , on le sait se veut peintre philosophe. Chacune de ses toiles illustre soit un principe stoïcien, soit un principe chrétien dans un syncrétisme paganisme-christianisme propre au mouvement de la Contre Réforme. Outis il y a un ou deux ans a pu voir un tableau du Poussin jusque là ignoré, récemment redécouvert et restauré qui représente Numa et Hégérie. Numa roi de Rome vient de perdre sa femme et a donc renoncé au pouvoir pour se retirer à la campagne. Il est représenté minuscule personnage dans le coin gauche du tableau occupé par le paysage grandiose et paisible de la campagne à la fin du jour. Le paysage est d’une qualité, d’une sensualité picturale extrême, cependant on ne voit que la nymphe Hégérie, elle aussi minuscule dans le tableau, se penchant vers Numa pour lui apporter paix et consolation. Que pouvait vivre à ce moment là Outis, pris dans un même destin, si ce n’est pleurer de cette douce mélancolie qui nous rappelle la femme aimée alors que le malheur s’estompe et revient le goût du bonheur ? Accepte ton destin, la leçon est claire et tu retrouveras le bonheur dans une nature apaisée.
Outis s’excuse pour cette longue parenthèse, mais elle lui tenait a cœur. Il peut donc revenir à la lecture que Mr Henri Peyre propose du texte de Walter benjamin. Il en a bien saisi les enjeux ; la barbarie dont nous parle Walter Benjamin annonce bien la venue d’un monde désenchanté dominé par le calcul, d’une nature désormais totalement dévastée et dans laquelle nous ne pourrions plus que survivre. Il ne met l’accent sur l’opposition Barbarie/Civilisation que pour mieux pour y substituer celle d’Appolinien et de Dionysiaque, référence toute nietzschéenne qui n’aurait sans doute pas été du goût de Benjamin. Sans aucun doute Benjamin a lu Nietzsche, mais Outis n’a jamais rencontré dans ce qu’il a lu de lui (un petit quart de l’œuvre) une référence à Nietzsche. La vision politique marxiste teintée de mystique juive propre à Walter Benjamin est bien éloignée de la psychologie nietzschéenne, de sa vision du Surhomme et de sa référence constante à l’antiquité grecque. (Nietzsche était philologue avant d’être philosophe). Ils ont pourtant bien des chose en commun, celui d’être des penseurs hors université, d’éternels voyageurs désargentés et d’avoir eu tous deux une fin tragique, l’un la folie, l’autre le suicide. Ils ont enfin en commun d’avoir vu dans l’histoire le développement toujours accru du nihilisme qui trouverait son salut dans une sorte de messianisme apocalyptique ; La venue du Surhomme, celle d’un nouveau dieu comme dira plus tard Heidegger, la survenue du Tiqqun, la grande réparation de la mystique juive pour Benjamin.
Donc Mr Henri Peyre ne nous propose pas ici une explication de texte tant réclamée par Mr Bigler, mais sa propre vision du texte, ce qui est tout à fait estimable et mérite à son tout d’être discuté.
Incontestablement nous pensons de façon binaire (surtout en français), cela est simple et efficace même si la réalité est toujours plus complexe. ; civilisation/barbarie, cultivé/ignorant, ancien/moderne etc… Toutes ces oppositions nous sont familières. Toutefois pour Mr Henri Peyre l’opposition barbarie/civilisation, n’est pas une simple relation duelle, elle est pourrait-on dire agonistique, (semblable à ce genre de duel que représente par exemple le jeu de tennis). Il y a rivalité et lutte, mais aussi plaisir et changement de place. Pour de bon on se renvoie la balle, comme cela se conçoit dans une relation amicale.
Dans le jeu apollinien /dionysiaque, Mr Henry Peyre ne veut voir que le plaisir, voire la jouissance qu’il y a à changer de place. On reconnaît là sa conception esthétique (donc au sens propre user de sensibilité pour y gagner du plaisir) que tout le monde ici lui connaît.
Il ne s’agit pas d’une mésinterprétation du texte, car visiblement Mr Henri Peyre n’a pas pour intention de mener son exégèse. Toutefois cette interprétation est très éloignée du texte dont l’esprit est essentiellement politique. Les concepts ici ne fonctionnent pas de façon agonistique. Il ne s’agit pas d’un jeu qui conduirait le civilisé à s’encanailler en barbare, ou le barbare à singer le civiliser en le représentant de façon de burlesque comme un être efféminé et sans caractère, mais bien d’une contradiction.
Cette contradiction Levi-Strauss l’a résumée dans une formule devenue célèbre. Le barbare est celui qui croit à la barbarie ». Le barbare ne se représente pas lui-même comme un barbare, un primitif, mais comme un homme libre. Le vrai barbare, c’est le civilisé car il se comporte comme tel. On sait combien la civilisation occidentale a été ethnocidaire, destructrice de cultures et de sociétés dites primitives, qu’elle a en même temps muséifiées, mais aussi génocidaire, dévoreuse d’hommes ; pratique de l’esclavage, extinction physique de peuples entiers et pour finir destruction selon un mode industriel des juifs d’Europe.
Dévoreuse d’hommes, elle a été aussi destructrice d’environnements. La question de la survie de la planète est désormais posée.

Le barbare par définition c’est l’autre, celui qui ne parle pas notre langue. Dans l’antiquité un homme qui ne parlait ni grec ni latin n’était pas véritablement un homme, mais une brute épaisse, ou un animal qui vit dans la forêt, un sauvage. Cette distinction, barbare/civilisé a été reprise de façon originale par in historien arabe Ibn Khaldun dans sa Muqqadima. Il y développe une vision cyclique de l’histoire à partir de l’opposition « hadara », le citadin et « badawia », le bédouin, le nomade, le paysan qu’il appelle parfois l’arabe et qui vit selon la loi de la tribu dont la vertu est « l’assabiya », « l’esprit du sang », « l’esprit de corps » ; l’individu n’existant que par l’appartenance au groupe auquel il doit tout et pour lequel il peut sacrifier sa vie. Lorsqu’une tribu s’empare d’une cité, elle se civilise, et en se civilisant elle développe l’individualisme, le goût du luxe et des plaisirs. Le corps social alors se défait perd son « assabyia » et ainsi devient la proie d’une nouvelle tribu encore ensauvagée.
Ibn Khaldun philosophe du XIIIème siècle est très largement méconnu, hors du cercle des spécialistes mais il explique assez bien comment la plus grande puissance militaire du monde a pu être défaite au Vietnam par une bande de va-nus-pieds et comment après la guerre d’Irak la voie est désormais ouverte au tribalisme qui alimente un terrorisme artisanal mais dévastateur. Les grandes puissances sont désormais démunies contre l’action de quelques kamikazes fanatisés et déterminés.
C’est Montaigne qui la premier dans les « Cannibales a vraiment montré ce caractère dialectique de la barbarie. Le sauvage pour un homme du XVIème siècle est essentiellement un cannibale, mais comme le fait remarquer Montaigne un sauvage ne fait que manger un homme mort, alors que le civilisé lui le mange « tout vif ».
Ce côté cannibale de l’Occident est bien connu et passe par l’évangélisation, la colonisation, la décolonisation, et la mondialisation qui considère la planète entière comme un stock inépuisable. Ce cannibalisme fabrique un « im-monde ». Un monde se définit par ses limites, son horizon. Un « im-monde » est un monde qui serait sans bornes, sans limites, inépuisable, soumis à un progrès qui ne saurait cesser. Comme l’a montré Baudrillard dans un texte de 2008 « Carnaval et Cannibale » sont les deux faces de cette même destruction du monde. La mondialisation conduit les nouveaux convertis à n’être que des simulacres aux conduites burlesques. Les voitures occidentales vendues en Chine sont suréquipées en clignotants, en écrans divers qui n’existent pas sur les modèles originaux beaucoup plus sobres. On peut à Pékin manger avec couteau et fourchette une pizza au jambon de Parme. En une année les cofee shops ont remplacé une grande partie des salons de thé. On offre dans certains restaurant de steaks de 500 gr venant d’Australie alors que jamais par le passé les chinois n’ont mangé de viande rouge. Les publicités à la télé ressemblent aux images de l Aamerican Way of Life des années 50. On commence à y montrer des émissions de télé réalité ? Un couple masqué hier au soir semblait exposer devant deux spécialistes ses problèmes de couple. « The Voice » à la chinoise fait fureur ?.
Bien sûr pour les chinois cela ressemble au comble de la nouveauté et à la civilisation, la nôtre devenue complètement parodiée. L’ancienne civilisation chinoise multimillénaire n’existe plus que comme un mythe reconstruit en carton pâte à la façon d’un Disney Land. Là est la nouvelle barbarie. Ainsi on peut voir au coin du quartier 798 tout entier dévoué aux arts une statue peinte en rouge représentant le président Mao ; on reconnaît sa prestance, son uniforme aux grandes poches plaquées mais sa tête est celle d’un Mickey peinturluré en rouge. Une telle image dialectique à la fois œuvre d’un artiste contemporain et caricature grotesque résume à elle seule la confusion qui existe entre civilisation et barbarie.

Pour ce qui en est de l ‘apollinien et du dionysiaque, quoiqu’en pense Mr Henri Peyre, il n’en est pas du tout de même, et les deux notions ne sont pas complètement interchangeables, même si je dois lui accorder une vérité qu’il affirme clairement : « Nous ne plus être dionysiaque du tout, ce luxe n’est plus permis… cela ressemblerait à la vraie pauvreté ».
Lorsque Nietzsche dans la Naissance de la Tragédie définit deux types d’art l’un apollinien et l’autre dionysiaque il définit ainsi deux types psychologiques différents et deux façons différentes de vivre l’œuvre d’art, l’une donne l’assurance de la belle individualité, alors que l’autre conduit à l’extase, à la dépossession de soi.

Dans la mythologie grecque Apollon, dieu de la beauté et de l’harmonie est le rival potentiel de Zeus, le dieu père, de même que Zeus avait ravi sa place à Ouranos son père. Dionysos , le deux fois né, est né lui d’une mortelle qui a demandé à voir son divin amant et qui au même instant s’est vue foudroyée sur place. Parmi les cendres continuait à battre le cœur vivant de Dionysos. Zeus ayant enclos ce cœur dans l’une de ses cuisses, Dionysos a pu terminer sa gestation, aussi est-il le seul exemple d’un homme qui soit devenu Dieu, en attendant qu’un dieu ne se fasse homme. Il répond ainsi au désir d’immortalité inscrit dans le cœur de l’homme, à son désir de devenir Autre.
Dionysos est ainsi le dieu de la folie, de la transe, de l’extase, de tous les excès. Les ménades mangeaient la chair d’un taureau dépecé à mains nues, mangeaient leurs propres enfants, tuaient leurs maris. Aussi lorsque Nietzsche pense à l’art dionysiaque, pense-t-il à la tragédie dont Dionysos est le dieu et à la musique qui l’accompagne, le dithyrambe. Il ne s’agit pas là de n’importe quelle musique , mais de la musique de la transe dominée pat la flute et le tambour.
Le plaisir dionysiaque comme l’est l’ivresse vient de l’expérience de la dépossession de soi et de l’extase, un plaisir littéralement sauvage, totalement dysharmonique et on ne voit pas en quoi et comment il pourrait devenir apollinien.
Au contraire les arts apolliniens comme le sont l’architecture, la sculpture classique, la peinture dans une moindre mesure sont des arts de le belle harmonie et de l’assurance de soi. Le plaisir que cet art procure tient au juste équilibre des facultés comme l’a montré Kant, et au sentiment de certitude et d’assurance de soi qu’il procure. Il est l’art de la pleine possession de soi.
Donc les la jouissance ou les plaisirs apolliniens et dionysiaques ne sont pas interchangeables. Quoique ? Si Dionysos dieu des ménades des nymphes et des satyres n’a rien d’apollinien, même sa beauté est représentée comme molle et efféminée. Apollon par contre n’est pas dépourvu d’un caractère et d’une certaine sauvagerie ? Il est le dieu archer, celui qui comme sa soeur jumelle Artémis aime à mener la meute et à tuer de loin. Le satyre Marsyas s’étant moqué de lui alors qu’il tentait de jouer de la flute, il l’ a fait écorcher vif comme le montre si bien un tableau du Titien que l’on a pu voir au Grand palais et qui se trouve dans un obscur musée de Slovaquie. Le tableau est terrible, presque insupportable de cruauté à l’image des peintures Noires Goya.



La peinture et plus encore la photographie se prêtent à ce que Mr Henri Peyre appelle une sorte de plaisir alternatif et qui consisterait à jouir de l’ambiguïté qui existerait entre apollinien et dionysiaque. Henri Cartier-Bresson par exemple est typiquement un photographe apollinien et comme on dit vulgairement il n’y pas de quoi « prendre son pied ». Witkins de son côté pourrait apparaître comme dionysiaque, mais ses mises en scènes sont tellement théâtrales, qu’elles finissent par être de purs simulacres et nous laissent complètement froids. Par contre les grandes oeuvres se prêtent à l’ambiguïté de la jouissance, d’une part la belle harmonie et de l’autre le chaos de la tragédie. On peut jouir de la parfaite composition du « Massacre des Saints Innocents » du Poussin et prendre une sorte de plaisir pervers au spectacle des cris de douleur des femmes dont on tue les enfants. En photographie les portraits de Julia Cameron sont parfaites dans leur composition, dans leur lumière, tout en laissant transparaître dans la mélancolie de ses personnages bien des tragédies à venir. On pourrait naturellement multiplier les exemples aussi bien Münch que les derniers Rothko de sa série noire juste avant son suicide, Diane Arbus et tout ce qui dans la photographie relève de la cruauté. Outis pense à la photographie du supplice chinois si bien commentée par Georges Bataille et qui mêle si intimement la mort et la jouissance, à la photographie de la jeune vietnamienne brulée au napalm, photographie parfaitement composée et néanmoins parfaitement insupportable. Aussi plus que tous les autres arts plastiques, la photographie semble se prêter à cette ambiguïté de la jouissance.
Mr Henri Peyre nous parle d’une perte du dionysiaque comme d’une vraie pauvreté. Là aussi nous lui donnons raison. Les formes contemporaines de la photographie, tout en reprenant plus moins inconsciemment des thèmes iconographiques classiques ont le plus souvent un caractère glacé et conceptuel qui les privent des qualités émotionnelles que pouvaient avoir les « images d’avant » plus prenantes dans leur matérialité et plus spectrales.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:34:21
Réponse à Mr le professeur Bigler

Mr le Professeur Bigler tient sur de forum une place des plus notoires qui est celle de Modérateur. Il exerce cette fonction avec une droiture exemplaire, s’autorisant toutefois quelques plaisanteries comtoises et quelques aphorismes inspiré de « l’Album de la Comtesse » dont Outis ne parvient jamais à percer le sens qu’il suppose salace.
Mais de part ses fonctions universitaires, Outis le suppose pour le moins Docteur de l’Université, et en tant que Directeur de Recherche d’un laboratoire du CNRS, il fait autorité comme représentant de la Science. Et la Science ne se discute pas du moins dans sa version professorale, c’est-à-dire dogmatique comme la nomme Gaston Bachelard. Donc le prestige du Dr Bigler est ici assuré et nul ne songerait à contester ses dires du moins en ce qui concerne son expertise en optique ou en matériel Rollei ou Arca.

Régulièrement dans Galerie-Photo ou à l’occasion de Congrès il nous inflige des graphiques dont quasi personne ne saisit la quintessence, pourtant personne ne songerait à l’accuser de faire preuve de condescendance.
Mais si Outis propose un texte philosophique que l’on peut supposer accessible à tout « honnête homme », alors sur lui s’abat la terrible accusation, condescendance ! condescendance ! La condescendance n’est pourtant qu’une notion relative à la hauteur de celui qui prétend en être la victime.
Et de lui faire la leçon afin de le remettre à sa juste place qui est celle de la fiente de l’ignorance comme aurait dit Montaigne. Que sait-il des espaces sécables et insécables qui suivent ou ne suivent pas les divers points virgules ou pas virgules, doubles, ou interrogatifs ?

Après l’éloge de Mr Vergez qui fut jadis un célèbre et fortuné vendeur de livres scolaires, il lui est reproché par sous entendus de faire partie de la gente hautement soixante huitarde, gente hautement barbaresque, et donc de faire dans l’abscons. Il se trouve que Mr Vergez a été le pire professeur de Philosophie que Outis ait rencontré dans sa jeunesse. Son cours sur Spinoza se terminait par « apprenez mon cours, ce n’est pas la peine de lire l’auteur ». Il était même chahuté par les étudiants de l’université, c’est dire. Au cours d’une assemblée générale en Mai 68, voyant sa place de mandarin menacée, il s’était même engagé de faire l’année à venir un cours sur Mao Tsé Toung. Bref à cette époque le « Vergez » permettait à tout élève besogneux d’avoir son bac avec la moyenne en philo au bac, car à l’époque, parmi les sujets proposés il y avait toujours une question de cours. Outis qui a fréquenté le même lycée que Mr Bigler, version interné, a réussi son bac avec la note de 18 /20 en philosophie. La note, considérée comme exceptionnelle à l’époque lui avait été attribuée par son correcteur le professeur de philosophie Bigler. Cette note sanctionnait déjà un devoir sur le sujet « Art et Technique » , sujet traité dans le Vergez et qu’il suffisait alors de répéter. Cette note n’était dûe qu’à un heureux hasard. La semaine précédant l’examen, Outis au lieu d’apprendre son Vergez avait lu l’« Esthétique généralisée » de Roger Caillois qui venait juste de paraître en librairie. Il avait donc construit son devoir autour de la lecture de ce livre et cela avait sans aucun doute impressionné son correcteur Mr le Professeur Bigler lassé de lire la nième copie reproduisant plus ou moins bien le Vergez en question.
C’est donc cette note hors norme ainsi que la rencontre d’un professeur de français. Mr Kresler dit Le Raz qui en classe de seconde n’étudiait que Montaigne et Pascal qui avait décidé Outis de se lancer dans des études de philosophie. Mr Bigler aura donc été la cause occasionnelle, comme dirait Aristote de la vocation de ce pauvre Outis à enseigner la philosophie sans jamais toutefois dépasser le niveau le niveau de la classe terminale de l’enseignement secondaire, sans doute par faiblesse d’esprit, mais aussi peut-être par amour des lycéennes ?

L’histoire nous réserve parfois d’improbables rencontres, et quand elles se répètent c’est toujours selon les dires de Marx dans le sens de la tragédie vers la comédie. Aussi Outis se demande-t-il si dans le cas présent Mr le Professeur Bigler Junior ne fait pas un transfert sur ce pauvre Outis afin de régler à bon compte quelques problèmes oedipiens restés en suspens. Mais le Professeur Bigler nous a bien dit détester et Marx et Freud. Toutefois tout bon freudien ne verra là qu’une forme du refoulement propre à renforcer l’hypothèse ?
Après la leçon sur la ponctuation, nouvelle discussion sur la topographie du texte. Mr le Professeur Bigler ironise, il en a bien le droit. Toutefois Outis pour éditer le texte a procédé par « copié collé ». Le texte est donc conforme à l’original et il ne se serait pas permis d’en modifier la présentation qui fait partie de la volonté de l’auteur et du sens à donner au texte.
Enfin nouveau rappel à l’ordre concernant la graphie, les 1 et le 9 du clavier de Outis sont grippés. Il se trouve que pendant quarante Outis a écrit avec un stylo plume et pratique du clavier est donc très maladroite. Sans doute qu’en classe de seconde au lieu de lire Montaigne et Pascal aurait-il du s’inscrire au cours Pigier, car comme le fait remarquer Roland Barthes les dactylos ne font pas de faute de frappe, mais dit-il, elles n’ont pas d’inconscient. Là aussi une psychanalyse s’impose, mais pour Outis cette fois.
Pour finir et dans le désordre suivent un certain nombre de reproches :
celui de proposer un texte de Benjamin sur le forum d’esthétique est une provocation condescendante vis à vis des lecteurs, que Mr Bigler place bien bas donc. Un mode d’emploi ou un « digest » s’impose ». Pourtant Mr Bigler devrait savoir, car cela est écrit dans le Vergez que la provocation et l’ironie sont les armes de la philosophie. Cela s’appelle la dialectique (qui n’est pas encore marxiste) et que celle ci est agonistique ( une sorte de duel pour le plaisir comme aux échecs ou au jeu de Go ) et que la pratique de l’ironie est la méthode par excellence de Socrate contre l’enflure de l’opinion et la bêtise,`
celui d’utiliser le mot « selfie ». Outis devient une sorte de « has been » qui doit aller chercher un mot anglais à la mode pour avoir l’air moins bête, de peur d’être dépassé par la jeunesse. Outis parle le français, et il se trouve que le mot « selfie » est un anglicisme qui fait partie désormais de notre vocabulaire quotidien et qui décrit un comportement apparu avec les téléphones portables si bien que le mot autoportrait dans ce cas serait des plus approximatifs, quasiment anachronique.

Pris au vif Mr Bigler entreprend donc d’expliquer le texte. Bien sûr qu’il prenne le parti de le contredire est son droit et il a bien compris que le texte parle de la pauvreté en expérience. A cela il répond non pas par des arguments mais par sa propre expérience qui est tellement riche qu’il est presque possible de reconstituer son écosystème.
Il nous apprend qu’il autodidacte en informatique, que ses enfants ont toutefois quelques longueurs d’avance sur lui. On apprend que les Bigler se parlent à table et ne regardent pas la télé en mangeant. Peut-être même qu’ils n’ont pas la télé ? Naturellement les portables sont éteints. Maman est professeur de lettres classiques, et le grand père Chartreux, hors d’âge, a encore toute sa tête. La culture aussi bien scientifique que littéraire est une sorte de milieu naturel dans laquelle s’ébat la famille Bigler. On reconnaît là la description typique de l’ecosystème d’une famille française moyenne avec des enfants sages comme des images, qui dans leur HLM vivent en compagnie d’Einstein et de Plutarque.
En dehors de fréquenter la MJC de Palente, concession sans doute à la culture populaire, la famille Bigler s’adonne aux plaisirs de la haute montagne qui fut longtemps une activité réservée à l’aristocratie, « les hauteurs quoi ! », juste avant l’arrivée du Front Populaire et le retour à la nature de la classe ouvrière. Vient alors l’anecdote du « comment faire la vaisselle dans un chalet de haute montagne ? », incontestablement riche d’expérience, et nous sommes naturellement confondus par la puissance de la preuve que nous apporte ici notre homme d’altitude.
Mr le Professeur Bigler dont l’expérience comtoise est incomparable nous donne bien un exemple de barbarie positive avec la disparition de l’horlogerie du Haut Doubs dans les années 70. Outis a bien connu à l’internat du lycée de Besançon les enfants de ces horlogers de Morteau ou de Villers-le-Lac. Apparemment ils ne vivaient pas dans la misère. Nous faire croire que cette horlogerie est entrain de renaître est une billevesée. Les diplômés du BTS d’horlogerie de Morteau vont sans doute proposer leur savoir faire aux horlogers suisses du Locle qui eux ont su garder la tradition de la grande horlogerie mécanique au point d’en faire une horlogerie de luxe désormais prospère.

Bien sûr que Descartes n’est pas un barbare, il aimait trop les automates et les animaux machine pour cela. On doit toutefois concéder à Benjamin, que l’homme de la « table rase » et du « cogito » est un bien un barbare au sens positif qu’il l’entend. Descartes par ailleurs n’a jamais prétendu être l’auteur des lois sur la réfraction optique. Dans sa « Dioptrique » il les donnent comme un exemple démonstratif illustrant son « Discours de la Méthode ». Au XVIIème siècle internet n’existait pas, mais la communication entre savants européens était bien une réalité. Le Père Mersenne qui faisait souvent le voyage de Rome tenait Descartes au courant des dernières découvertes en Italie. Descartes lui-même ne faisait que de brefs séjours à paris où il « sentait le fagot » et préférait vivre la plupart du temps en Hollande. Il y a disséqué des cadavres pour son « Traité de l’Homme » alors qu’il n’aurait pas pu le faire à Paris. Sans aucun doute il a connu les travaux de Snell et sans doute Snell lui-même. Les auteurs arabes étaient connus et dès le treizième siècle on a enseigné l’arabe à la Sorbonne. Que Descartes ait méconnu les travaux des penseurs arabes, cela est vraisemblable car on connaît le peu d’intérêt qu’il portait à la scolastique à laquelle il a tourné le dos.

Reprocher à Benjamin de ne pas raconter la morne vie qu’Einstein menait au Conservatoire des Brevets Suisses est une plaisanterie. Lorsque Benjamin met le doigt sur la barbarie d’Einstein il veut parler de la refondation de la physique qu’il saura mener à partir des expériences de Michelson, et non de ses conditions de vie, finalement anecdotiques.
Cet événement de la Relativité a été un moment considérable et révolutionnaire dans l’histoire de la physique., comme a été révolutionnaire la refondation des mathématiques avec Hilbert Gödel Russel (par ailleurs philosophe) et bien avant les Bourbaki qui ont plus contribué à formaliser les mathématiques plutôt qu’à travailler à leur refondation.

De ces deux évènements qui ont ébranlé les fondements de la science est née une nouvelle épistémologie très éloignée de la conception classique et dogmatique de la science, conception pure et dure qui est restée celle des professeurs du secondaire s’entend, du moins on peut l’espérer. Karl Popper a montré que la vérité scientifique est « falsifiable ». Une théorie n’est vraie que parce qu’on n’a pas encore montré qu’elle était fausse, car il est toujours possible d’imaginer une expérience critique capable de le faire. La psychanalyse et le marxisme ainsi ne sont pas des sciences bien que parfois elles le prétendent parce qu’il est impossible de montrer qu’elle sont fausses.

Reste Internet sans lequel je n’aurais pas connu la Chine, ni Mr Henri Peyre, ni le Professeur Bigler. C’est dit-on un instrument incomparable de de communication et de connaissance. mais aborder Internet sans culture, c’est à dire sans une certaine richesse d’expérience, c’est être assuré de n’y rien trouver. On peut consulter sur Internet les manuscrits complets de Nietzsche. Un non spécialiste a peu de chance de découvrir le site, par contre il est assuré de trouver sans même le chercher un site pornographique ou un site idéologiquement douteux.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:35:07
Explication du texte de Benjamin « Expérience et Pauvreté »


Benjamin a vécu une enfance heureuse, mais avec un destin qui est celui du « petit bossu » des contes allemands. Il a entrepris des études de philosophie mais n’a jamais été reconnu par l’Université Allemande. Privé de toute activité professorale, il a vécu d’expédients , en particulier de nombreux écrits pour des revues littéraires comme c’est le cas pour « expérience et Pauvreté », écrit en 1933 pour la revue « Die Welt im Wort » à Ibiza où il a trouvé exil, au moment de l’arrivée de Hitler au pouvoir. Il a dès lors mené une vie errante et quelque peu parasitaire chichement financé qu’il était par l’Ecole de Franckfort d’Adorno et Horkheimer. Adorno défendait une ligne très léniniste alors que lui-même restait proche de Brecht peu favorable à l’idée d’une avant-garde du prolétariat. Il fit deux longs séjours à Paris où il passa ses journées à la Bibliothèque Nationale à collecter les fragments qui constitueront son livre majeur sur le dix neuvième siècle français « Les passages » Deux ans avant cet article il avait publié sa « Petite histoire de la photographie qui développe une thématique très voisine, la « scène du crime », étant assez proche sans sa thématique de l’idée d’une nouvelle barbarie. Atget n’est-il pas le photographe qui tourne le dos à la tradition et au pictorialisme.
Le texte fait clairement allusion à la situation de l’Allemagne et de l’Europe en 1933.
A la barbarie de destruction que fut la guerre de 14-18, guerre de position , guerre de Mobilisation Générale, guerre innommable dont les survivants ne pouvaient revenir que muets.
À la crise économique et à l’inflation galopante que connaît l’Allemagne à cette époque, et à la misère qui l’accompagne.
A l’arrivée de pouvoirs dictatoriaux fascistes et antisémites dans presque toute l’Europe.
Mais la thèse Benjamin ne concerne pas cette pauvreté là, matérielle mais une autre pauvreté que l’on pourrait dire spirituelle, qui touche la culture. « Une toute nouvelle pauvreté s’est abattue avec le développement de la barbarie ». A la barbarie catastrophique et négative a succédé une nouvelle barbarie à la fois négative et positive. Négative, elle l’est en tournant le dos au passé, aux expériences accumulées par les générations précédentes, elle fait table rase du passé. Néanmoins elle peut être positive en rendant possible un nouveau commencement ?
Qu’est-ce que Benjamin entend par expérience et que peut vouloir dire l’expression devenir pauvre en expérience ?
En quoi cette pauvreté peut –elle être dite une barbarie ? Et en quoi celle–ci peut-elle être positive ?
Enfin ce texte a-t-il encore une actualité ?

L’expérience au sens classique a d’abord un sens empirique et constitue l’ensemble de ce que peut acquérir un individu en savoir-faire, en opinions, en croyances au cours d’une existence. C’est par expérience que l’on apprend à faire la vaisselle y compris en haute montagne, c’est par expérience que l’on devient chrétien ou autre, et même la foi, voire l’extase mystique relève d’une expérience. Cette expérience est non seulement acquise par chacune de nos activités propres, mais elle est surtout transmise de père à fils, du maître à l’élève, de l’artisan à son apprenti, du livre à son lecteur, par les nouveaux moyens moderne de communication et d’information. Il apparaît ici que l’expérience fait récit, elle est ce dont on parle, ce qui peut se raconter, même si certaines relevant de l’extrême restent indicibles du moins tente-t-on de les dire ainsi que le fait le poème.
A cette expérience s’oppose une autre expérience, scientifique cette fois qui construite selon un raisonnement hypothétique et rationnel vient confirmer ou infirmer une idée qui jusque là n’a eu qu’une existence théorique.
Comme le montre ici Benjamin, l’expérience, le mot allemand « erfahrung » évoque le voyage, le recours à la parole et au récit. Une expérience est ce qui peut ici se raconter. Ici selon Esope, la parole du vieux laboureur à ses enfants en les invitant à rechercher un trésor, leur transmet son expérience qui est un trésor caché : la richesse ne se trouve que dans le travail. Cette transmission orale des contes, des légendes, des mythes est essentielle au fonctionnement de toute société et à la survivance de sa culture, au fait que chacun peut y trouver sa place. L’expérience est donc le récit qui rend vivante la relation sociale comme tradition et culture ? On peut ainsi se reconnaître dans cette pensée d’Annah Arendt, cousine de benjamin, selon laquelle naître, c’est entrer dans un monde qui nous accueille, dont nous aurons la garde, ce qui fait de tout homme le conservateur d’un monde auquel il peut ajouter sa marque, mais dont il est comptable et qu’il doit rendre après l’avoir reçu à la génération qui vient. « Tout ce qui n’est pas conservateur est réactionnaire » affirme Annah Arendt dans un petit texte au titre révélateur : « Pourquoi le petit John ne sait pas lire ».
C’est à ce côté conservateur progressiste que l’on retrouve chez Benjamin à la fais marxiste et féru de mystique juive ?
En quoi l’homme est-il devenu « pauvre en expérience ». Etre pauvre
en expérience, ce n’est pas être privé d’expérience du tout, ce qui serait impossible, mais c’est être réduit à l’expérience d’une vie nue » comme le dira plus tard le philosophe Agamben. « Une vie nu »e est «une vie dont il n’y a rien à dire. Il est né, il a vécu, il est mort. Cette vie Zoé en grec est la vie simplement vitale réduite à sa simple reproduction. Comment rester en vie était la seule préoccupation de combattant de 14.
Zoé est opposé à Bios, la varie vie, celle qui se raconte, telle la vie d’Ulysse qui n’en finit pas de rentrer chez lui, toujours en voyage.

La barbarie sauvage peut se résumer au quarante millions de mort de la première guerre. La nouvelle barbarie est celle de la guerre mécanique, industrielle, qui prive le soldat de tout exploit et qui le rend muet devant une expérience innommable, dont il ne saurait rien dire. On sait comment cette mort industrielle et programmée n’a fait que continuer dans le siècle. Rares sont ceux qui ont fait le récit de l’holocauste. Primo Levi est l’exception, mais n’a pu supporter l’idée de l’avoir fait et s’est suicidé. Aussi Adorno pouvait-il s’interroger : « Peut-on encore écrier un poème après Auschwitz » ?
Priver un homme de son histoire, de sa parole, de toute biographie, c’est l’isoler de tout lien avec ceux qui l’ont précédé et c’est le priver de tout lien avec ceux qui lui succèderont et devraient avoir la garde de sa mémoire. C’est le réduire à la « vie nue », à une non vie. C’est cela la nouvelle barbarie selon Benjamin.
Un barbare pour un grec ou pour un romain est un homme qui ne ne sachant pas parler le grec et le latin est un sauvage réduit à l’animalité. Montaigne le premier à dit ce qu’il fallait penser de ces sauvages « sans foi, ni roi ni loi » qui mangent de l’homme. Les cannibales dit-il mangent des hommes, mais il sont déjà morts, le civilisé lui les mange « tout vif » et cela à grande échelle. Baudrillard a bien mis en évidence ce cannibalisme propre à notre civilisation humaniste et universelle qui a littéralement dévoré les espaces, les richesses, les cultures aujourd’hui disparues, mais avec la satisfaction de les avoir muséographiées et par là dit on sauvées de l’oubli, tels des trophées de chasse. Cette entreprise s’est faite par un « déploiement monstrueux de la technique » par une technique mécaniquement dominante, une économie basée sur le calcul et le profit immédiat, l’accumulation de plus en plus privée des richesses et la mise en place de processus de raréfaction.
Le cannibalisme à l’échelle de la planète fabrique de nouveaux « convertis » qui à l’image de ces nouveaux riches d’Ensor, pantins ridicules, exhibent leur mauvais goût et ne sont plus que des personnages de carnaval. En une année Bejing s’est convertie au café, à la pizza, au hamburger et au sandwich. La mode est de manger avec cuillère et fourchette. La télé chinoise coupe ses programmes pour faire la promotion de boissons gazeuses avec une esthétique digne de l’American Way of Life des années 25. Comme l’a écrit Billeter « La chine est devenue trois fois muette ». Au début du vingtième siècle à la suite de sa défaite après la « révolte des boxers », elle a « tourné le dos à Confucius ». Un directeur de galerie rencontré hier ignorait le nom de Shitao, l’un des plus célèbres peintres chinois du XIIIème. Les films d’histoire sont revus façon Walt Disney. A trois pas d’ici le Président Mao en culboto, est représenté tout de rouge vêtu, on peut reconnaître son célèbre uniforme aux poches plaquées, mais sa tête est celle d’un Mickey rubicond.
La révolution culturelle et ses millions de morts sont un sujet tabou ; comme est tabou toute question touchant au gouvernement de ce pays. Par contre les nouveaux riches aux voitures européennes surdimensionnées se pavanent et sont bien de nouveaux personnages d’Ensor.
Cette nouvelle barbarie consiste bien à tourner le dos à un ancien monde et à faire fi de toutes les expériences passées jugées vieillottes, dépassées, devenues obsolètes. « Du passé faisons table rase », ce slogan de l’internationale n’est plus seulement politique à moins de le faire ironiquement à la façon de Brecht : « le communisme n’est plus le partage des richesses mais le partage de la pauvreté », il est devenu culturellement notre façon d’être.
Tourner le dos au passé s’inscrit bien évidemment dans la tradition des avant-gardes ? Les tableaux de Paul Klee nous dit Benjamin « sortent de la table de dessin ». Klee a été professeur au Bauhaus qui fut le lieu de naissance de l’art industriel et du Design . Ainsi les architectes Loos et Le Corbusier seront les inventeurs de la maison d’acier et de verre, « sans aura ». Le verre nous dit Benjamin ne retient aucune trace. Ici en arrière fond apparaît le côté positif de cette barbarie. L’appartement bourgeois haussmannien était encombré de biblots, de napperons , de portraits, de souvenirs de voyages, une véritables accumulation de traces, comme une sorte de musée personnel, racontant l’histoire particulière d’une famille qui étale sa réussite sociale. Jadis on entrait dans ces salons sur des patins de feutre, car l’étranger ne devait pas laisser de traces. D’où le conseil donné par Berthold Brecht au futur habitant des villes de verre : « Efface tes traces ». Quelle trace peut-on laisser dans un appartement de la Cité Radieuse réduit à une perfection millimétrique du modulor et dans lequel l’accumulation de souvenirs de vacances serait du dernier mauvais goût.
De même les personnages de Scheerbart dans ses romans parle déjà une langue qui est nouvelle, reconstruite en tournant le dos à l’ancienne syntaxe. Ses personnages portent des noms déshumanisés à l’image des enfants de la Révolution qui s’appelait Octobre, Potemkine de même que nos enfants ne portent plus les prénoms de leurs pères, mais celui de vedettes de séries américaines, Kevin, Ashley, Gregory ou Mégane alors qu’une voiture du même fabriquant s‘appelle Picasso. La nouvelle barbarie a besoin d’une novlang. Nous connaissons aaini le succès de nouveaux mots comme émergeant, clivant, réalité augmentée etc..

L’origine de cette nouvelle barbarie est à chercher selon Benjamin dans ce qu’il appelle « le développement monstrueux de la technique ». On peut comprendre la violence de cette expression quand il nous parle de la première guerre mondiale qui fut la première guerre de matériel, et il y en aura d’autres plus dévastatrices encore en vies humaines, mais comment Descartes Einstein peuvent-ils participer de cette barbarie ?
` La barbarie est à prendre ici dans le sens conceptuel que lui donne W.B., faire table rase du passé. Descartes de ce point de vue est le premier philosophe qui prétend construire une métaphysique avec le seul usage de la raison et sans aucun recours à l’expérience. Si l’on est capable de penser par soi-même, nul n’est besoin de recourir à la connaissance des anciens. Il est même nécessaire avant de trouver une première certitude de faire table rase de toute connaissance ou de toute opinion.
Cette idée de rupture nécessaire au commencement de toute science ou toute connaissance rationnelle aura un immense succès. Elle sera théorisée par Gaston Bachelard sous le terme de rupture épistémologique ou de coupure épistémologique par Louis Althusser. C’est ainsi que le terme de révolution appartenant au vocabulaire marxiste est devenu familier au langage épistémologique. Alexandre Koyré a justement parlé de révolution galiléenne et pour Einstein ici cité les althussériens ont inventé la notion de refonte, soit la reprise de la science depuis ses fondements, une sorte de révolution dan la révolution..
Naturellement cette notion de révolution s’applique aux techniques et ainsi on parle volontiers de révolution numérique ou digitale. En photographie une expression s’est imposée, « photographie émergente » qui exprime tout à fait une « cratio ex nihilo », une naissance à partir de rien.
De toute évidence, cette révolution, cette nouvelle forme de « barbarie » est positive. Sur les ruines d’un ancien monde peut naître un monde nouveau. L’idée de progrès aidant on peut l’imaginer plus serein, plus efficace, plus juste, plus excitant aussi. A chaque révolution on imagine naturellement que l’on vit le Grand Soir. D’un point de vue technique, nos merveilleux objets, Iphones, diverses tablettes à obsolescence programmée sont immédiatement remplacés par des modèles, encore plus révolutionnaires. Révolution permanente ou barbarie toujours plus prégnante c’est selon.

Et si ces objets nous fascinent, c’est que nous en rêvons, et si nous en rêvons c’est bien que ces écrans nous fabrique du rêve. Cette multiplication des images à fantasmer, jeux vidéo, personnages formatés, Benjamin ne pouvait l’imaginer en 19333 mais il en avait déjà une certaine idée. Mickey 1928, Hitler 1933, de même que le dictateur de Chaplin a eu raison du dictateur nazi, le personnage de Mickey, le Père Noël et d’autres icones de bandes dessinées, ainsi que le cinéma américain à la suite de Plan Marshall ont réussi la conquête de la vieille Europe avant d’entreprendre celle du restant du monde. J’ai pu voir à deux pas d’ici dans la quartier 798, quartier de Pékin consacré à l’art, une statue culbuto en résine rouge représentant Mao tsé Toung avec son grand uniforme à poches plaquées surmontée d’une tête de Mickey. Mickey a bien eu raison de Mao et la victoire du « tigre de papier » sur le géant communiste est désormais acquise et consommée.
Oui l’homme moderne est devenu pauvre en expérience est devenu pauvre en récit ? Ainsi le Père Noël qui a remplacé Sant Nicolas. Qui se souvient encore de la légende de cet évêque qui ressuscite les enfants mis au saloir et rend une fois par an visite aux enfants sages pour leur apporter une orange, un pain d’épice. Son compagnon le Père Fouettard n’avait pas souvent l’occasion d’user de ses verges.

Désormais lui est préféré un personnage fabriqué de toutes pièces, selon les lois de la marchandisation, pour un imaginaire de pure consommation , un personnage de super marché , le Père Noël.
L’industrie hollywoodienne du film, l’industrie et le marché de la vidéo savent très bien, contre argent comptant, fournir à nos enfants un imaginaire préfabriqué et uniformisé qu’ils consomment de façon compulsionnelle, sans que leur propre imaginaire ou créativité ne soient jamis sollicitées .

Ce diagnostic de Benjamin sur la barbarie moderne date de 1933, et comme on vient de le voir et Mickey est toujours d’actualité et bien vivant et non pas mort dans un bunker en 1945. Pourtant pouvons dire que nous sommes devenus de plus en plus pauvres en expérience ?
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:35:46
A cette question Agamben philosophe contemporain propose la réponse suivante :
« Nous savons aujourd’hui, que pour détruire l’expérience point n’est besoin de catastrophe : la vie quotidienne suffit parfaitement en temps de paix à obtenir ce résultat. Dans une journée d’homme contemporain, il n’est presque plus rien en effet qui puisse se traduire en expérience : ni la lecture du journal, si riches en nouvelles irrémédiablement étrangères au lecteur même qu’elles concernent ; ni le temps passé dans les embouteillages au volant d’une voiture ; ni la traversée des enfers où s’engouffrent les rames du métro ; ni le cortège de manifestants, barrant soudain toute la rue ; ni la nappe de gaz lacrymogènes, qui s’effiloche entre les immeubles du centre-ville ; pas davantage les rafales d’armes automatiques qui éclatent on ne sait où, ni la file d’attente qui s’allonge devant les guichets d’une administration, ni la visite au supermarché ce nouveau pays de cocagne ; ni les instants d’éternité passés avec des inconnus, en ascenseurs ou en autobus, dans une muette promiscuité ; l’homme moderne rentre chez lui le soir épuisé par un fatras d’évènements divertissants ou ennuyeux, insolites ou ordinaires, agréables ou atroces sans qu’aucun d’eux se soit mué en expérience . » nfance et Histoire 1978.

Enfin JCM a consacré toute une conférence à cette conception « barbare » de la photographie qu’elle soit « émergente » oublieuse donc de toute l’expérience qui l’aurait précédé.

Voici donc la dernière version de ce texte revu à partir de la lecture « d’Expérience et Pauvreté »

OYTIS



En nous référant à Walter Benjamin et à sa « scène du crime », Atget et sa distanciation du réel, ainsi qu’ à Baudrillard, et son « crime parfait », la disparition du réel, nous nous proposons d’interroger les notions de « photographie émergente », ou contemporaine, celle de « réalité virtuelle » ou de« réalité augmentée ». Ces expressions de la « novlangue » constituent une véritable « verneinung » dénégation (Freud). Ils disent une chose pour mieux refouler son contraire.

Nous montrons donc que la photographie émergente, n’est pas une commencement, mais une fin, en cela, elle participe de « la technique comme achèvement de la métaphysique » (Heidegger).

Une conception mathématique du réel s’est imposée aux grecs à partir de Pythagore et Platon, un modèle mathématique d’abord géométrique, l’Idée est la matrice des objets Icones, qui par imitation produisent le monde des Simulacres. Cette conception reste encore étroitement liée au concept de monde ; au cosmos, au couple Aletheia/Pseudos, le Vrai/le Semblant ; ce qui se montre, ce qui se cache ; à la nécessité de penser les hommes dans leur finitude, limités qu’ils sont par les monde des Dieux.

Le « tournant romain » (Heidegger) est contemporain de la « fuite des dieux » (Plutarqer), de la « mort du Grand Pan. Le cosmos devient « realitas » soumise à l’Imperium. Commence alors la réalité « carnaval/cannibale » (Baudrillard), L’Aletheia/Pseudos, fait place à la Veritas/Falsum, falsum désignant le piège qui fait tomber l’adversaire, l’Imperium se donnant comme objectif politique de toujours repousser les limites.

Ce passage à la limite du monde à l’im-monde (Gérard Granel) se réalisera avec l’invention de la perspective avec Brunelleschi, premier prototype de l’Ingénieur. Il invente la perspective et ainsi fait de la peinture une science, de même qu’il conçoit les mathématiques comme pratique, moyen par exemple de résoudre les problèmes posés à un architecte ; la construction de la coupole de Santa Maria del Fiore, par exemple. Nul n’ignore ici la place qu’a occupé Urbino dans cette révolution avec le cercle des Montefeltre, le mathématicien Luca de Pacioli inventeur de la comptabilité et de la Divine Proportion, Piero della Francesca. « La Cité Idéale », n’est-elle pas la première « scène du crime ». Le sujet n’est plus présent qu’au point de ligne de fuite pour disparaître dans la porte entrouverte du baptistère. Cette invention de la perspective géométrique se matérialisera dans la « camera obscura » qui reste le modèle de toutes les machines à photographier analogiques ou dialogiques. Enfin cette vision mathématique du monde sera celle de Galilée créateur de la science moderne ; « la nature est un grand livre ouvert devant nos yeux, il est écrit en langage mathématique, en cercles, carrés figures géométriques de toute forme ».

Descartes conduira la science au-delà de ses limites, par l’invention de la géométrie analytique. Tout problème désormais pourra être résolu par le calcul, et la calculabilité ne connaît pas de limites, elle s’ouvre sur l’infini. « L’homme peut devenir comme le maître et possesseur de la nature ». Descartes est réellement le penseur du « Tout Numérique » et comme le dit Benjamin il inaugure « une Nouvelle Barbarie », positive celle là qui consiste à faire table rase du passé, « à devenir pauvre en expérience ». Ce geste d’une pensée émergente, comme si elle n’était précédée par rien, est précisément le geste de cette émergence d’une technique qui ne s’autorise que d’elle même, qui prétend définir une réalité augmentée, c’est-à-dire virtuelle, «un monde sans cachette », qui n’est que l’ombre d’une réalité disparue, l’ombre d’un monde épuisé, exploité, complètement « cannibalisé ». Le crime est parfait et Baudrillard peut se poser la question « Pourquoi y-a-t-il rien plutôt que quelque chose ? ».

L’histoire de la photographie peut témoigner de cette transformation du monde en im-monde.

Benjamin en a été le contemporain et l’analyste. La photographie primitive celle de Hill, Bayard, Cameron, participait encore du « sacré » et du mythe. L’ « aura » entoure l’œuvre d ‘art de mystère, proche elle est néanmoins lointaine, elle se donne et se tient en retrait, ici et maintenant elle a l’autorité de la chose, elle oblige à lever les yeux. Objet d’un culte, elle a une valeur quasi religieuse. Le progrès des techniques, donnant des possibilités accrues de reproduction, va conduire à un déclin de l’aura, à une exposition, à une multiplication toujours plus grande des images, à leur marchandisation, à une perte de l’ « aura ». Et pourtant ce sont les marchands, Disdéri, qui s’attribueront le titre d’artiste. Malgré l’impasse du pictorialisme, la photographie ne pourra retrouver son aura. Son avenir est la photographie « moderne », celle d’Atget, d’August Sander, de Rodtchenko. Une photographie qui comme le fait Atget montre la « scène du crime », non plus montrer ce qui est pittoresque, remarquable, mais les indices du crime, d’une réalité en disparition. La photographie ainsi nous rend le monde étranger pour en prendre conscience et politiquement le transformer.

Benjamin a sans aucun doute pu mesurer combien les totalitarismes ont su utiliser les images non pas dans un sens libérateur mais de propagande et d’assujettissement à la fois dans un « national esthétisme » et dans « réalisme socialisme ». Aussi dans l’un de ses derniers texte se représente-t-il le progrès, comme le vent de l’histoire qui pousse au milieu d’une accumulation de ruines, l’Angelus Novus, (Paul Klee) à reculons, dans un avenir qu’il ne saurait voir.

Un monde qui derrière ses écrans fait table rase du passé, et qui ne voyant pas plus loin que ses écrans se refuse de voir au delà e l’instant présent la catastrophe qui se prépare, n’est-ce pas la définition du « contemporain ». Disparition de la réalité réduite à rien par un cannibalisme mené à son terme, par épuisement des stocks, arraisonnement des individus au lois du marché et au cyberespace, substitution à la réalité en voie de disparition d’une réalité dite augmentée, mais qui n’est que virtuelle, simulée par des intelligences artificielles mais où tout est possible dans un monde de semblant et de stimulations qui transforme les sujets épars en supports d’effets spéciaux.

Cette phase d’épuisement est la marque de la fin de l’Histoire. Fin de l’histoire de l’art que Hegel avait déjà conçue comme produite par l’immatérialité des œuvres. Fin de l’histoire de la philosophie programmée par les penseurs de la déconstruction, fin même du progrès technique qui arrive au terme de son processus de numérisation. Bien sûr il reste l’évènementiel, mais plus rien ne peut nous arriver, même si l’histoire n’en finit pas de finir, sous le masque d’un progrès technologique qui n’est qu’une obsolescence programmée des prothèses, téléphones aux applications multipliées, tablettes et écrans divers, que l’industrie informatique nous fabrique.

Pour Kojève lecteur de Hegel, la fin de l’histoire résulte de la réalisation de l’ Etat Universel. On peut douter qu’un tel Etat soit réalisé, mais la mondialisation a imposé cette universalité sous la forme d’une par économie de marché qui impose un modèle universel de production et de consommation qui réduit l’homme selon Kojève à l’animalité c’est-à-dire à la simple satisfaction de besoins biologiques, ou de besoins artificiellement créés par le marché. En effet selon Kojeve l’homme ne peut accéder à l’humanité que par des conduites négatives qui nient et dépassent son animalité. L’homme de la réalité augmentée est ainsi devenu comme l’animal un être « pauvre en monde » réduit à vivre dans l’instantanéité des stimuli réponses qui ouvrent la voie à tous les conditionnements, et toutes les servitudes volontaires.
Toutefois dans une note de la seconde édition de son ouvrage « Introduction à la Lecture de Hegel », et après un voyage au Japon, Kojève découvre une alternative à cette animalité post historique dans ce qu’il appellera le « snobisme », pratique du suicide rituel (Mishima) ou rituel extravagant de la cérémonie du thé, le Théâtre Nô, l'art des bouquets de fleurs. Sans doute s’il avait pu prendre connaissance de la politique moderne (il est mort en 1968) aurait-il vu dans le terrorisme, une nouvelle forme de l’activité kamikaze et dans le « tribalisme » la forme ultime de résistance à l’Universel de la mondialisation.
Le « snobisme » selon Kojève, comme le refus de participer à un devenir moyen, médiocre pourrait s’appliquer à ces formes de résistance qui en photographie résistent à la dématérialisation actuelle de l’art.
La photographie a toujours donné une place prépondérante aux amateurs, à ces originaux comme Niépce, ou Talbot qui était un authentique snob, Bayard ,Hill, Julia Cameron au fort tempérament aristocratique. Sans compter ces autres snobs que furent Sieglitz, Demachy et les cercles pictorialistes mondains.

Peut-être que le mouvement Lomo, le retour à des pratiques anciennes et pauvres, conservatrices de techniques primitives ; sténopé, camera povera, collodion, tirages aux sels de fer ; cyanotypes et tirage platine participent-ils d’un mouvement snob qui sait utiliser les réseaux sociaux avec formation de groupes internationaux riches en expériences.

Ces mouvements sont en continuité avec une longue tradition antiautoritaire et conservatrice. « Tout ce qui n’est pas conservateur est réactionnaire » Annah Arendt ; « I would prefer not to » Bartleby ; La Boétie et De la Servitude Volontaire, on peut se soumettre à un autorité sans pour autant vouloir la servir et l’aimer, l’anarchisme conservateur de Georges Orwell, la recommandation enfin que nous donne Brecht au futur habitant des villes :
« Efface tes traces »
celle de Gérard Granel :
« Attention, tenez-vous éloignés des quais, fermeture automatique des portes ».

Jean-Claude Mougin
Heidegger : « Qu’est-ce que la technique ? »
Benjamin : « La petite histoire de la photographie »,
« Expérience et Pauvreté



Outis ayant répondu aux diverses questions à lui posées et tenté une explication du texte de Walter Benjamin, retrouva sa sérénité et se résolut à suivre la voie de Tchoang Tseu. « Il s’assit dans le silence ».

OYTIS



Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/09/14 18:39 par OUTIS.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 18:46:38
Un format de conversation parfaitement adapté à la fluidité des forum,
C'est bien de chercher à comprendre,
Une époque, un média,
C'est vraiment bien.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mardi 16 septembre 2014 21:04:17
Bravo Outis,je ne suis pas d'accord sur tout mais c'est un plaisir de lire un tel souffle !
Agamben à raison, on paye aussi le prix de la paix, nous vivons depuis 60 ans sur un continent sans conflit, du jamais vu dans l'histoire de l'humanité, et c'est sans doute pourquoi tant de photographes européens se précipitent à corps perdus sur les guerres régionales, pour faire l'expérience du "réel" avec une intensité perdue ici, certains, bien rares l'expriment avec une grande honnêteté (L. Delahaye).
Peut être aussi est-ce une explication au devenir de "tous artistes", la névrose étant une victoire acceptée sur la folie et la perversion.

Je suis moins convaincu par la fin de l'histoire, concept qui me semble de plus en plus fragilisé par les montées des extrémismes.
Il y aura encore beaucoup à dire, et j'espère qu'Outis ne restera pas trop silencieux.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
mercredi 17 septembre 2014 05:41:15
Bonjour à tous

La technique n'est qu'un moyen. Pour Benjamin c'est un symptome, peut être une métaphore, mais elle n'est pas la barbarie.
La barbarie, comme tout bon marxiste, c'est le produit résultant de toute une organisation structurée, étatique, capitaliste, néolibérale maintenant qui a pour but de vous garder aliéner.
Pour contrôler son monde et rester au pouvoir, on maintient les gens en leur évitant le plus possible des expériences. Pour cela, on propose à longueur de journée des expériences bien qualibrées, rodées, sans vraies surprise pour que cela nous occupe et nous garde aliénés pour que notre cerveau soit disponible à cocacola et au bon bulletin de vote.
Car l'expérience est dangeureuse, pire elle peut être partagée, elle nous change, elle peut nous inciter à penser ce qui vient d'être vécu pour penser ce qu'il faudra peut être changer pour l'expérience à venir et vivre autrement.
Pire on peut inciter les autres à faire des expériences en dehors du cadre imposé. Car ce qui est important c'est tout au contraire ne pas faire table rase!! car ceux qui tiennent les rennes (évidémment ils ne sont pas une poignée et puis ça change mais leur idéologie elle est assez stable)
Mais jusque là rien de nouveau sous le soleil de Benjamin. Là où Benjamin est clairvoyant c'est dans les exemples, les symptômes qu' il nous relate.
Ce qui manque à votre interprétation, certes vous y faites allusion, c'est que c'est dans l'expérience qu'on se construit, avec l'autre, qu'on change et que l'expérience est un agissement sur le monde. C'est par cette pratique changeante ou évoluante, ce retour partagé de son expérience, qu'on peut arriver à une dimension politique du vivre ensemble.

Autrement dit pour prendre le contre-pieds en terme d'un long discours fleuve je dirais assez groissièrement:
pas de vraie expérience = maintien de l'aliénation = controle = plus de politique = barbarie


Bonne journée à tous.

Romain



Modifié 1 fois. Dernière modification le 17/09/14 05:44 par romain.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 18 septembre 2014 20:53:55
car ceux qui tiennent les rennes

Les petits rennes au nez rouge?

E.B.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
jeudi 18 septembre 2014 23:24:44
Bonjour à tous,

Ceux-là même!

et les autres ne vous ont pas plu ? ...
il y a aussi groissièrement, événement, dangeureuse, évoluante, qualibrées....

Effectivement ma phrase est inachevée

je voulais dire :
Car ceux qui tiennent les rênes souhaitent les garder. Donc pas de changement souhaité de leur part.

Bonne soirée.

Romain



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/09/14 23:29 par romain.
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 19 septembre 2014 09:23:49
Zoran écrivait:
-------------------------------------------------------
> ... nous vivons depuis 60 ans sur un continent sans conflit...

Vous êtes amnésique ou nul en géographie ?

Charles
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 19 septembre 2014 09:26:09
CPB écrivait:
-------------------------------------------------------
> Zoran écrivait:
> --------------------------------------------------
> -----
> > ... nous vivons depuis 60 ans sur un continent
> sans conflit...
>
> Vous êtes amnésique ou nul en géographie ?

;-))

Dans une Europe politique sans conflit
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 19 septembre 2014 10:12:11
CPB écrivait:
-------------------------------------------------------
> Zoran écrivait:
> --------------------------------------------------
> -----
> > ... nous vivons depuis 60 ans sur un continent
> sans conflit...
>
> Vous êtes amnésique ou nul en géographie ?


Les deux sans doute, faites vous plaisir ;)
Oui, l'Europe politique, c'est sa fonction première : garantir un espace de paix. Et sinon un mot sur le sujet du fil peut être ?
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 19 septembre 2014 19:02:51
@Zoran

Faudrait savoir, il est écrit "continent"... Et allez, au hasard, l'ex-Yougoslavie en faisait partie, que vous le vouliez ou non.. Alors espace de paix depuis 60 ans ?

Pour le sujet du fil, quand, prenant un passage encore au hasard, je lis que Brunelleschi a inventé la perspective, eh bien, je m'autorise à penser que si le reste est du même acabit, inutile de lire...

Charles
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
vendredi 19 septembre 2014 19:46:33
CPB écrivait:
-------------------------------------------------------

> Faudrait savoir, il est écrit "continent"... Et
> allez, au hasard, l'ex-Yougoslavie en faisait
> partie, que vous le vouliez ou non.. Alors espace
> de paix depuis 60 ans ?

J'ai réécrit "Europe politique". Oui, l'ex-yougoslavie fait partie du continent européen, j'y suis allé en 1993 juste après les combats entre Serbe et croates en Krajina. ça vous va comme ça :-) ?
Par ailleurs si les pays de la régions ont tous demandés l'intégration à l'UE, serbes compris, ce n'est pas pour des prunes, malgré la consommation intense de slivovitch des ex belligérants ;)


> Pour le sujet du fil, quand, prenant un passage
> encore au hasard, je lis que Brunelleschi a
> inventé la perspective

Vous devriez ravaler vos leçons cher professeur, Brunelleschi est bien sur la liste des inventeurs présumés de la perspective.
[fr.wikipedia.org]

>eh bien, je m'autorise à
> penser que si le reste est du même acabit,
> inutile de lire...

Vous voulez dire que cela vous dispense d'intervenir ?
Mais libre à vous.
:)
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
samedi 20 septembre 2014 09:40:35
Mon cher Zoran,

Puisque Wikipedia est votre sainte bible de la vérité révélée, pourriez-vous y consulter les entrées "continent" et "inventeur" ? Cela m'éviterait d'être pris pour un professeur...
Et tant que vous y êtes, lisez aussi celle de Luca de Pacioli, cité plus haut comme inventeur de la comptabilité (fichtre).

Comme selon vous quand on lit une chose il faut en comprendre une autre, l'effort requis pour aborder ces textes remplis de mots abscons de plus de deux syllabes est au-delà des possibilités de mon petit esprit incapable d'entrevoir ces hauteurs cachées faute d'avoir préparé Normale Sup.

Par contre j'ai lu Boileau...

Charles
Re: UNE NOUVELLE BARBARIE ?
samedi 20 septembre 2014 10:08:28
CPB écrivait:
-------------------------------------------------------
> Mon cher Zoran,
>
> Puisque Wikipedia est votre sainte bible de la
> vérité révélée, pourriez-vous y consulter les
> entrées "continent" ...

Charles,
Quand un interlocuteur admet avoir dit une connerie, la corrige et passe à la suite, soyez assez aimable de ne pas faire mine de n'avoir pas compris à coup de "faudrait savoir", c'est relou.
Bonne journée.
:)
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