Bonsoir à toutes et à tous !
J'étais à Paris-photo vendredi 11 novembre 2022 dernier, avec des amis de GP.info (que je salue au passage), il était difficile de tout voir en une seule après midi. Il y avait une grande affluence ce jour férié tombant en semaine.
Je mentionne ici une liste des photos qui ont attiré mon regard (** note 1), j'en ai manqué pas mal (on m'a dit qu'il y avait des Atget et des Brassaï, par exemple ..)
Les documents sur papier donnés à l'entrée de ce salon répertorient les galeries, (il y en avait, selon les organisateurs, 201 !) mais ne donnent pas les auteurs, qu'on peut néanmoins trouver par ailleurs en préparant soigneusement sa visite.
Bref, n'ayant rien préparé du tout, je m'en suis remis à une marche plus ou moins au hasard, ce qui est par principe absurde, mais qui réserve le plaisir de la découverte et des heureuses surprises.
Je regrette d'ailleurs de ne pas m'être précipité sur le plan dès l'entrée, car il est nettement plus facile de se repérer quand on a le plan avec son quadrillage codé comme dans le jeu de la bataille navale : H 22, C33 ...
Le début de ma marche au hasard m'a conduit à la galerie française « Camera Obscura », où il y avait de belles choses.
- deux fleurs de Denis Brihat (je n'avais jamais vu de tirage de Denis Brihat en vrai, ce genre d'expo, c'est l'occasion de voir les tirages en vrai, ah, les beaux tirages de Denis Brihat !)
- deux grands trucs de Jungjin Lee,
http://www.jungjinlee.com/j'avais déjà vu des images de cette photographe sud-coréenne au MBAL du Locle (** note 2), je n'avais pas été emballé, donc rien de plus en ce qui me concerne à Paris Photo, malgré l'accent mis sur le choix très spécial d'un papier coréen magnifique (le beau papier, c'est bien, le sujet, son rendu ET le papier, c'est mieux, il faut les trois !)
- un très bel arbre japonais en hiver, de Michael Kenna
Je n'étais pas au courant de la donation, annoncée la veille
https://www.culture.gouv.fr/Presse/Communiques-de-presse/Le-photographe-Michael-Kenna-fait-don-de-l-ensemble-de-son-aeuvre-a-la-France- trois superbes petits tirages N&B de Masao Yamamoto (inconnu de moi), l'un d'eux montre un nuage en forme de cygne devant lequel passent des oiseaux qui pourraient être les légendaires grues porte-bonheur de l'origami japonais ; une présentation simple et raffinée dans une espèce de petite boîte élégante, magnifique !
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Un peu plus de marche au hasard me fait découvrir le travail de
Philiipe Durand « Le gour de Tazenat » (** note 3) nous présente des tirages avec du relief, selon un procédé de chez Ricoh.
Des rochers sortent de l'eau sur le tirage, pour de vrai !
Inventée au début du XIX
e siècle, la photographie semble frappée d'une espèce de malédiction, celle de ne pouvoir représenter le monde que par une projection plane.
Les tentatives pour s'émanciper de cette contrainte originelle ne manquent pas : au début du XX
e siècle, la photo-stéréo était très à la mode avant de retomber dans la marginalité.
Plus récemment, l'industrie cinématographique a essayé de nous convaincre de la supériorité de la « 3-D », comme si le fait de changer de nom et de remplacer l'austère stéréoscopie par un vocable à la mode, pouvait redonner de l'intérêt à une technique dont le grand public se détourne assez rapidement.
J'ai un souvenir assez vif d'une des dernières Photokina à Cologne, les fabricants japonais n'avaient pas ménagé leur peine pour nous convaincre que l'avenir de la vidéo familiale passait par la stéréoscopie.
Tout semblait prêt, entre les caméras vidéo à deux objectifs et les écrans rivalisant d'astuce pour restituer cette vision stéréo, pour le visiteur ébahi de la Kina, impossible de ne pas admettre que cette technique était « la technique indépassable de notre temps », un peu comme le marxisme chez Jean-Paul Sartre, « la philosophie indépassable de notre temps ».
À la Kina suivante, il ne restait absolument rien .. toute la vidéo stéréo a disparu en quelques années ...
L'avantage des tirages en bas-relief selon le procédé Ricoh utilisé par Philiipe Durand, c'est qu'il n'est besoin d'aucun instrument pour voir le relief, vu que le tirage lui-même est en relief !
Je ne me prononce pas sur l'avenir de ce genre de tirages ... j'aimerais que cela devienne plus accessible, ... mais j'en doute.
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Le hasard me guide vers le stand de
Clémentine de la Féronnière Je vois pour commencer une image très étrange de
la photographe Flore, montrant un balcon noyé dans la végétation, sur lequel avance un petit singe, une tonalité bronze, un tirage gélatino-bromure viré.
Mais dans un coin de ce même stand, mon regard est attiré par un tirage N&B de dimensions modestes
d'Anne Rearick .
Une image N&B carrée qui évoque irrésistiblement l'album de famille du rolleiphile.
La scène, intemporelle, se passe au Pays Basque dans une végétation qu'on hésite à qualifier de « luxuriante » -- on n'est pas en amazonie --, mais il faut reconnaître qu'entre l'est et l'ouest des Pyrénées, la végétation ... comment dire ?
Bref, le tirage s'intitule « Sisters », on y voit deux petites filles qui reviennent d'une « expédition » dans la nature. L'une d'elles porte sur son épaule une espèce de fagot de plantes à grandes feuilles ; l'autre, probablement sa soeur, la suit à quelque distance, mais son visage est caché par des branches.
Impossible de ne pas être admiratif devant une image à la fois simple et merveilleusement étrange, qui ne nous livre pas tous ses secrets, qui nous fait rêver, et qu'on aimerait avoir prise un jour lors d'une randonnée familiale.
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Chez Martin Asbæk , je suis resté un moment à regarder les
marines (** note 4)
d'Elina Brotherus. .
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Je passe devant le stand de chez Augusta Edwards, de belles images d'Eliott Erwitt, et une image de Josef Koudelka « m'accroche » : au premier
rabord, j'aurais juré pour du Pentti Sammahllati ! Un chien dans la neige, en format panoramique ! Meueuh non, benêt, c'est bien du Koudelka, pris dans la parc de Sceaux (FR-92) à la fin des années huitante du siècle dernier ! Bon, je l'avoue, le parc de Sceaux me fait moins rêver que quelque village perdu du nord de la Finlande ...
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La marche au hasard m'amène à la galerie Howard Greenberg, . Difficile de ne pas rester quelques instants devant le
légendaire portrait « excentré » d'Igor Stravinsky par Arnold Newman, où le fameux compositeur est coincé entre son piano à queue et le bord inférieur gauche de l'image ! Pour la règle des tiers, vous repasserez !
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Je découvre le grand stand de Daniel Blau, un galeriste de Munich.
Des images de la NASA et des forces armées étazuniennes.
Parmi les images de la NASA, pas mal de photos en N&B des premières missions automatiques du début des années 1960, assez peu spectaculaires vu ce que les progrès techniques ont permis de voir par la suite.
Bien entendu, on pouvait voir (et acheter) un large choix de photos des missions Apollo.
Pas mal d'Images issues du fonds photographique des armées étazuniennes, des images d'archives de l'attaque dur Pearl Harbor le 7 décembre 1941, et des photos documentaires des essais nucléaires dans l'atmosphère au début des années 1950. Bon. Disons : pour amateur averti.
Étaient exposés juste à côté, trois tirages qui sortent de l'ordinaire, de Saint Ansel lui-même, mais en couleurs ! De grandes images de format généralement supérieur à 50x60 cm, présentées comme des « polaroïds uniques ».
Ce qui pique évidemment la curiosité, s'agit-il de prises de vues à la chambre 50x60 cm sur du pola -- on sait qu'une telle chambre a existé -- ou bien plus prosaïquement, de tirages agrandis sur du pola 50x60 utilisé comme papier sensible sous un agrandisseur ?
Je n'ai pas demandé aux personnes de la galerie qui étaient là ...
shame on me ...
Un peu plus loin sur le même stand, un extraordinaire assemblage panoramique du milieu du XIX
e siècle, le Colisée de Rome en cinq vues adjacentes.
Bien entendu je n'ai pas demandé le prix d'aucun des tirages présentés dans cette galerie un peu extravagante, mais c'est idiot, j'aurais tout de même bien voulu savoir pour les polas 50x60 de Saint Ansel ;-)
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À la galerie Hans P. Kraus, Jr. -- qui, comme son nom ne l'indique pas, est une galerie tout ce qu'il y a de plus nouille-orquaise -- il y avait un Le Gray d'origine, une marine.
Incroyablement bien conservé, j'ai lu par la suite que le prix demandé était de 400 kilo-dollars.
Une fierté pour la Fran-ance, Monsieur, qui a inventé la photographie !
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Vu dans une galerie dont je n'ai pas retenu le nom : de belles images de notre Raymond national, prises à la fin du siècle dernier en Écosse (et dans les Îles britanniques), dans le genre « reportage social » (** note 5) ? De très beaux tirages, très convaincants.
Sur le même stand, des images de
Georges Rousse. Plus un tirage
d'Elger Esser dont j'avais découvert le travail lors d'une expo à Belfort (FR-90) il y a quelques années ;
Une fois de plus c'est toujours mieux de voir les tirages en vrai.
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En plus des 201 stands de galeristes, il y avait une large section « livres et éditeurs ».
Dans cette section de Paris-Photo,
Mathieu Gafsou,
bien connu des GP-istes (ça ne nous rajeunit pas) avait son propre stand, en tant que lauréat d'un prix décerné par une grande maison de champagne française.
De l'autre côté, il y avait un stand très étrange, baptisé « chemical library » ce qui n'a évidemment aucun sens, puisque ce n'était pas une bibliothèque.
Dans une espèce de bocal vitré, deux personnes en blouse blanche, comme dans les publicités de lessives du siècle dernier, étaient censées nous montrer un travail de tirage photochimique ; mais pour que ce soit visible, et donc éclairé en lumière blanche, il s'agissait du procédé « van Dyke ».
Le résultat était visuellement peu attractif et peu promotionnel. Ce que le visiteur pressé retenait, c'est des bacs remplis de sauces noirâtres dans lesquels on trempait des bouts de papier. Je ne suis pas certain que cette idée ait été bien reçue par le public, malgré le côté louable d'essayer de promouvoir la photochimie et les « procédés alternatifs ».
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Vu et entendu dans le public
Deux robustes gaillards causant allemand d'un air jovial, avec une bière à la main pour leur quatre-heures.
À deux mètres de là, dans un autre monde, une élégante jeune femme tout de noir vêtue, dans une espèce de doudoune à bourrelets apparents. Et comme si elle avait vraiment peur du froid
(je crevais de chaud) cette austère veste en duvet -- veste en duvet dont je ne peux que vanter les vertus lorsqu'on doit bivouaquer l'hiver dans les neiges du Haut-Jura -- était complétée par un grand châle sombre rehaussé de divers clinquants peu esthétiques à mon avis. Mais cette visiteuse sérieuse était en train d'étudier soigneusement ce qui semblait être le plan du salon, du coup je me suis précipité pour en prendre un.
Passe une dame avec son téléphone collé à l'oreille, parlant très fort sans se rendre compte que cinquante personnes pouvaient suivre sa conversation qui avait l'air fort animée : « ... elle me presse, elle me stresse ! » se plaignait-elle amèrement à un interlocuteur éloigné et invisible.
Entendu cet avis définitif jugeant de ce salon : « Il y a tout de même de la qualité ! »
Échange entre un homme jeune, et un autre, un peu moins jeune :
« - Ça va ?
- C'est très fatigant ... »
Brèves de Comtois- N'empêche que 30 eurɔs, ça fait cher le ticket d'entrée !
- Ben c'est comme à Art Basel ou au SIHH de G'nève, tu payes cher pour voir ce que les riches achètent, c'est cohérent ; mais Paris-phɔtɔ (** note 6) reste 'ach'ment moins cher qu'Art-Basel, et à Paris-phɔtɔ, au moins, tu vois plein d'phɔtɔ²!
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(le cousin francilien) Quoi ! J'apprends que tu était à Paris-Fauteaux, et t'es même pas v'nu dire bonjour !
(le Comtois arrivé la veille en train) Euh .. quand j'ai vu que pour passer à Auffargis par les transports en commun un jour férié, il me fallait 6 changements et autant de temps depuis l'méétrɔ École Militaire, que je n'en avais mis avec le TéGéVé depuis B'zançon, je m'suis dit qu'j'avais
meilleur temps de me concentrer sur Paris-phɔtɔ ... promis, la prochaine fois, ch'passerai à Auffargis !
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** note 1 Je me rends compte, après coup, que les images qui ne m'attirent pas dans ce genre d'expo qui « râtisse » très large, du moins en ce qui concerne les auteurs que je ne connais pas, sont : les trucs flous, les trucs sombres ou illisibles, les images composites (assemblage d'images), les trucs provocants (que ce soit chic ou pas chic, peu importe : pour moi c'est sans intérêt ... ) ...
** note 2 Le musée des Beaux-Arts du Locle (CH-NE), le MBAL pour les intimes, offre à ceux qui n'habitent pas trop loin des montagnes neuchâteloises, un choix remarquable d'expɔs-phɔtɔ ; avec la bande GP Grand Est nous avions vu de magnifiques expɔs HCB et Sugimɔtɔ, le ticket d'entrée c'est seulement CHF. 8.- et on ne fait JAMAIS la queue à l'entrée !!
Récemment, j'y ai vu de belles séries de
Charles Fréger, et en ce moment au MBAL du Locle : Burtynski jusqu'au 26 février 2023
https://www.mbal.ch/expo/edward-burtynsky/** note 3 Aux oreilles comtoises, le mot « gour » sonne agréablement, car il rappelle évidemment un fameux tableau de Gustave Courbet
« Le gour de Conche » ** note 4 Le premier qui dit « Marine fait pire ! » : aura un gage !
** note 5 « social » au sens de « Lip-Larzac, même combat » ou de « Séguy-Martinez-CGT » et non pas, évidemment, au sens de « réseau social » ce vilain anglicisme traduit mot-à-mot un jour par des incultes, qui nous casse les oreilles à longueur de journée à la radio ...
** note 6 le symbole phonétique ɔ désigne le o ouvert. E.B.Modifié 1 fois. Dernière modification le 16/11/22 12:49 par Emmanuel Bigler (modérateur).